Question orale n° 211 :
effectifs de personnel

13e Législature

Question de : M. Dominique Baert
Nord (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Dominique Baert interroge Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'organisation des services de police de l'agglomération roubaisienne, car les élus locaux s'inquiètent considérablement d'une situation de sécurité qui n'est pas satisfaisante au regard des faits et des délits recensés, mais surtout d'une évolution préoccupante des effectifs de police ainsi que de rumeurs de restructurations qui pourraient bien être plus lourdes de conséquences encore. Il est ainsi incontestable que Roubaix et ses villes environnantes connaissent une hémorragie inacceptable de forces de police. La quasi-disparition des adjoints de sécurité depuis 2002, a suscité un repli de plus d'une centaine d'agents sur le terrain, et, autre exemple, alors que cinq commissaires encadraient le commissariat divisionnaire en 2002, ils ne sont que deux actuellement. Circonstance aggravante, si en 2007, la circonscription connaissait déjà une insuffisance de postes, elle a encore perdu 21 postes en un an (472 postes affectés au début avril 2008, au lieu de 493 en avril 2007). La perte est d'une ampleur comparable sur la circonscription de Tourcoing. Tout cela est d'autant plus préoccupant, qu'au début 2008 s'affirmait l'idée d'une réorganisation des forces de police dans une circonscription «Grand Lille», transférant des effectifs de Roubaix et Tourcoing sur Lille. Dans la période électorale, les autorités ont «gelé» ce projet de «Grand Lille». En fait, s'il n'y a pas eu de «grand soir» du «Grand Lille», des restructurations progressives ont été menées, avec notamment la mise en place d'un service départemental de nuit (basé à Lille), travaillant sur le « district », et celle d'un SIC départemental. Avec des unités de commandement plus éloignées du terrain, et dépourvues des effectifs suffisants (car Lille n'a pas bénéficié des 2 à 300 postes supplémentaires dont ont pu être dotées Marseille ou Lyon lors de restructurations comparables), les forces de police, en dépit de leur dévouement et de leurs bons résultats, craignent pour leur efficacité et sont inquiètes. Le risque est grand que, vu de Paris, ne soient oubliés les besoins spécifiques de sécurité des villes de l'agglomération roubaisienne, et qu'en allégeant aveuglément la présence sur le terrain, ne soit remis en cause le travail profond de sécurisation réalisé sur cette circonscription de police, toujours fragile. Voilà pourquoi, il lui demande si le Gouvernement est prêt à prendre en considération cette réalité, ce que sont ses intentions sur le «Grand Lille», et si elle a bien conscience que cette réforme ne peut se faire en appauvrissant les circonscriptions de police de Roubaix, non plus d'ailleurs que Tourcoing.

Réponse en séance, et publiée le 30 avril 2008

EFFECTIFS DE LA POLICE À ROUBAIX

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert, pour exposer sa question, n° 211, relative aux effectifs de la police à Roubaix.
M. Dominique Baert. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; je sais gré à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales de lui transmettre mes interrogations.
Hier soir, à travers un documentaire diffusé sur France 3, la France entière a pu découvrir le quotidien des forces de police de la circonscription de Roubaix. Or, monsieur le secrétaire d'État, ces professionnels sont inquiets, de même que les élus locaux.
Ils sont inquiets en premier lieu parce que l'évolution des effectifs est plus que préoccupante, surtout rapportée aux besoins. Une véritable hémorragie s'est produite, avec la quasi-disparition des adjoints de sécurité et le non-remplacement de départs. Le commandement lui-même est touché : il y avait encore dans ce commissariat divisionnaire cinq commissaires en 2002 ; ils ne sont plus que deux. Malgré des effectifs déjà insuffisants, la circonscription de police de Roubaix a perdu 21 postes au cours de la dernière année : 472 postes sont affectés en avril 2008, contre 493 en 2007. Dans la ville voisine de Tourcoing, cette perte s'élève, si je ne m'abuse, à 23 postes. Et la situation ne va pas s'améliorer : le mouvement des mutations pour septembre, publié hier, ne prévoit aucune ouverture de poste de gradé ou de gardien, ni à Roubaix, ni à Tourcoing. Ce qui signifie qu'en décembre, avec les départs à la retraite - dix-neuf prévus - et les usuelles mutations d'automne - une vingtaine -, le commissariat de Roubaix va se retrouver avec 433 agents, soit 60 de moins qu'en avril 2007 ! C'est dramatique ! Le commissariat est progressivement étouffé.
C'est d'autant plus inquiétant qu'une réorganisation des forces de police sur l'agglomération a été évoquée, il y a maintenant plusieurs mois, avec la constitution d'un " Grand Lille " et un risque réel de centralisation sur Lille des commandements et des effectifs. Les autorités nous ont dit que ce projet était gelé. Mais qu'en est-il réellement ? Nous, élus locaux, avons le sentiment qu'il se fait quand même, en catimini, à coup de détachements, notamment par ponctions sur les commissariats de Roubaix et de Tourcoing. Il y a maintenant un service départemental de nuit à Lille ; le SIC a lui aussi été centralisé à Lille, de sorte que le " 17 " a beaucoup perdu de sa réactivité : les délais de réponse sont longs, incompatibles avec les impératifs d'urgence de la sécurité - je viens d'en faire l'expérience lors d'un hold-up dans ma commune ; de plus, si le commissariat local reçoit l'appel, il a l'obligation de le transférer à Lille, sans avoir le droit d'envoyer une patrouille ! Bref, cela ne marche pas bien !
Pouvez-vous donc me rassurer, monsieur le secrétaire d'État, sur les moyens du commissariat central de Roubaix, et me garantir que si " Grand Lille " il y a, cela ne se fera pas par l'appauvrissement des moyens - déjà très insuffisants - de ce commissariat ou de celui de Tourcoing ?
M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le député, je vous prie d'excuser Mme Michèle Alliot-Marie, qui accompagne le Président de la République à l'occasion de sa visite d'État en Tunisie.
Vous m'interrogez sur l'organisation des services de police dans l'agglomération lilloise, et plus particulièrement dans le secteur de Roubaix. Un projet de restructuration de la sécurité publique dans le département du Nord a en effet été lancé à la fin 2005. Il vise à mieux organiser les services afin de les adapter aux exigences de la conurbation Lille-Roubaix-Tourcoing et à pallier les inconvénients opérationnels du morcellement. Comme vous l'avez rappelé, diverses mesures ont déjà été prises afin de renforcer le potentiel opérationnel de l'ensemble des services de sécurité, comme la généralisation des patrouilles à deux - voire à trois dans les quartiers dits les plus " sensibles ", la nuit également et pour les brigades anti-criminalité -, l'installation d'une compagnie départementale d'intervention, la création d'une formation motocycliste urbaine et d'une unité cynophile au niveau du district de Lille, ainsi que celle d'un service départemental de nuit. Les élus locaux et les représentants du personnel ont évidemment été consultés sur cette réorganisation.
En outre, entre 2003 et 2008, les circonscriptions de sécurité publique du Nord ont vu leurs effectifs augmenter.
M. Dominique Baert. Ah bon ?
M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Oui, je n'ai pas les mêmes chiffres que vous !
M. Dominique Baert. En effet !
M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Nous pourrons les confronter après la séance.
Dans la circonscription de Lille, le nombre de fonctionnaires de tous grades est passé de 1 443 à 1 506 ; la SSP de Roubaix dispose désormais de 458 fonctionnaires - notez la précision de mes chiffres -, auxquels viennent s'ajouter 46 adjoints de sécurité.
Par ailleurs, vous savez bien, monsieur le député, que la sécurité ne se résume pas à l'augmentation des effectifs de police. Les chiffres de la délinquance font apparaître des résultats plutôt satisfaisants sur l'ensemble des circonscriptions du Nord : entre 2002 et 2007, la délinquance générale a diminué de 7 % à Lille, de 12 % à Roubaix et de 14 % à Tourcoing.
Il ne s'agit donc pas d'appauvrir les circonscriptions de Roubaix et de Tourcoing, mais au contraire de renforcer l'action et l'efficacité des services de police grâce à leur réorganisation et à la mutualisation de certains de leurs moyens.
Cependant, votre question nous invite à demeurer vigilants. N'hésitez pas à nous alerter si certaines évolutions vous inquiètent !
M. Dominique Baert. C'est précisément ce que je viens de faire !
M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Vous pouvez aussi téléphoner au ministère quand vous voulez : on vous apportera des réponses précises.
En ce qui me concerne, il me semble que les chiffres que je viens de vous donner - et qui, j'imagine, ne vous sont pas inconnus puisqu'ils ont été publiés par la presse locale - témoignent de la réelle efficacité de l'action de la police dans la grande métropole nordiste.
M. le président. La parole est à M. Dominique Baert.
M. Dominique Baert. Monsieur le président, j'aurais été tenté de vous donner la parole, mais je vais la garder... (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'État, les réponses aux questions orales sans débat sont en général plutôt rassurantes - c'est l'exercice qui le veut. Je vous donne donc acte de votre réponse. Néanmoins, il est des réalités que je ne peux taire, et je souhaite les porter à votre connaissance - sans abuser de la patience de M. le président, bien entendu.
Ainsi, ce mardi 8 avril, une dame âgée se fait agresser et renverser dans la rue, face contre terre, par deux individus, qui lui volent son sac. Elle appelle le " 17 " - désormais centralisé : on lui répond qu'elle doit aller à l'hôpital pour être examinée, et ensuite porter plainte ! Aucune patrouille de police ne se déplacera...
Quelques jours plus tard, des braqueurs jettent un véhicule contre une agence bancaire de ma ville. Un voisin, qui voit sortir les gangsters armés, appelle aussitôt le " 17 " ; il tombe sur un répondeur qui lui indique que son appel a été enregistré et lui demande de patienter. Il patiente tant et si bien que le braquage s'achève sans qu'il ait eu le moindre correspondant au bout du fil !
Que dire des crédits de formation qui ont été divisés par deux depuis trois ans ? 300 officiers de police judiciaire ont été formés en 2007 contre 600 en 2004. Je pourrais trouver bien d'autres exemples, monsieur le secrétaire d'État.
J'apprécie l'exercice auquel vous vous êtes livré, mais, puisque vous me demandez de vous alerter, je le fais en vue de vous demander de mobiliser vos services sur la situation des effectifs de police dans le Nord, où, je le rappelle, il n'y a qu'un policier pour 373 habitants alors qu'il y en a un pour 306 à Marseille. La République, c'est aussi l'égalité entre les territoires, et je sais que vous y êtes attaché, monsieur le secrétaire d'État. C'est dire si je compte sur votre soutien. Du reste, vous n'avez pas contesté mes chiffres. Quant à ma démonstration - M. le président ne le sait que trop -, elle est bien réelle !

Données clés

Auteur : M. Dominique Baert

Type de question : Question orale

Rubrique : Police

Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Ministère répondant : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2008

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