Question orale n° 220 :
emploi et activité

13e Législature

Question de : Mme Arlette Grosskost
Haut-Rhin (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Mme Arlette Grosskost attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services sur les difficultés engendrées par les mutations économiques et transferts d'entreprise en Alsace et plus particulièrement dans le bassin d'emploi de Mulhouse où la situation apparaît comme dramatique. Ainsi en est-il d'une usine de 99 salariés située à Heimsbrunn, filiale à 100 % d'une entreprise allemande SPHEROS qui a annoncé cesser son activité fin juin au motif que cette activité ne s'avère plus suffisamment rentable et que la maison mère entend délocaliser dans un pays où le coût de la main d'oeuvre apparaît plus compétitif. Hélas, ce cas est de plus en plus fréquent et engendre un véritable problème pour des salariés peu qualifiés et dont la mobilité apparaît difficile. Elle lui demande quelles sont les dispositions qui pourraient être prises à l'effet d'anticiper les difficultés économiques et les mutations technologiques à l'origine des licenciements économiques ? Comment être plus réactifs et concrets dès lors que nous sommes confrontés à des évolutions économiques inévitables dans le bassin Mulhousien, espace frontalier employant dans l'industrie manufacturière une main d'oeuvre à faible qualification ? Comment également donner aux élus du bassin mulhousien qui le souhaitent véritablement les moyens de s'impliquer dans les restructurations en cours ou à venir ? Enfin, ne serait-il pas possible d'étendre la convention de revitalisation déjà mise en place sur le bassin mulhousien aux communes qui jouxtent le périmètre initialement prévu, et qui n'entrent pas dans les critères de l'effectif retenu pour bénéficier des mesures d'une convention de revitalisation d'autant plus si les employeurs qui délocalisent volontairement sont favorables pour y adhérer.

Réponse en séance, et publiée le 30 avril 2008

SITUATION DU BASSIN D'EMPLOI DE MULHOUSE

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour exposer sa question, n° 220, relative à la situation du bassin d'emploi de Mulhouse.
Mme Arlette Grosskost. Madame la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, la question que je vais vous poser - et à laquelle vous répondrez très bien, j'en suis persuadée - était adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Dans le Haut-Rhin, plus spécifiquement dans la région de Mulhouse, la situation économique est désormais difficile, du fait du ralentissement de l'économie mais aussi du monolithisme d'une activité devenue, depuis la crise du textile, presque exclusivement automobile. La reconversion, qui s'annonçait difficile, n'a pas été bien menée, ce qui a entraîné la cessation de certaines activités. De plus, il faut à présent faire face au retour des frontaliers, qui s'explique par les difficultés structurelles et conjoncturelles connues par la Suisse et l'Allemagne. La plupart de ceux-ci ont plus de cinquante ans, ce qui pose un véritable problème.
Le bassin de Mulhouse a une population ouvrière de dix points supérieure à la moyenne nationale, et celle-ci est très peu qualifiée. Dans ce bassin, le taux de chômage a été de 10,3 % au deuxième trimestre 2007, à comparer au taux de 7,9 % de l'ensemble du département du Haut-Rhin.
Le bassin mulhousien se caractérise donc par la présence d'activités manufacturières, ainsi que par un fort maintien de l'industrie automobile et des activités qui s'y rattachent. Elles emploient de nombreux intérimaires, qui représentent une variable d'ajustement, ce qui laisse très peu d'espoir aux jeunes d'obtenir un emploi stable et pérenne.
Dans le même temps, on constate que, au niveau national, près de deux emplois sur trois se trouvent désormais dans le tertiaire et que les sources de développement économique pour l'avenir sont plus dans les fonctions à intelligence ajoutée - recherche et développement ou marketing - que dans la production manufacturière.
Dans de telles conditions, il paraît vital que l'ensemble des acteurs concernés poursuive une réflexion afin de proposer des solutions structurelles à moyen et à long terme. Il importe d'y associer en amont tous les acteurs concernés, y compris les institutions régionales ou nationales et leurs acteurs politiques.
À cet égard, je veux citer le cas concret d'une entreprise située dans ma circonscription, qui emploie quatre-vingt-dix-neuf salariés. Cette filiale allemande du groupe allemand Spheros cessera son activité fin juin, non pour des raisons liées à une liquidation ou à je ne sais quelle difficulté économique, mais au titre d'une cessation d'activité amiable, liée à la fin d'un contrat de sous-traitance passé entre la maison mère et le site alsacien.
Les explications données par Spheros pour justifier la fermeture du site mulhousien font état de l'intention de délocaliser la production - comme le font beaucoup de filiales de grands groupes étrangers - dans l'ancienne RDA, puisque le site alsacien, qui a connu une perte financière de 1,7 million d'euros sur l'exercice 2007, n'est plus rentable. En outre, il semble impossible de diminuer les coûts de production en Alsace. C'est ce qui explique le regroupement des activités dans d'autres pays plus productifs ou du moins plus rentables.
Dans le même temps, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes, les représentants syndicaux indiquent que l'usine délocalise alors que son carnet de commandes est plein et que les salariés doivent actuellement faire des heures supplémentaires pour honorer les délais de livraison.
Les élus, dont je suis, se sont mobilisés dès l'annonce de la prochaine fermeture du site. Je salue l'implication des représentants de l'État, de la préfecture et, surtout, du sous-préfet, qui s'est montré très réactif. À ma demande, nous nous sommes réunis immédiatement, le sous-préfet, les conseillers généraux, le maire de la commune concernée et moi-même, aussitôt que nous avons appris la nouvelle - par la presse, puisque nous n'avions pas été associés au problème en amont, alors qu'il aurait été préférable de réagir plus tôt.
Certes, une convention de reclassement personnalisé est prévue, pour une durée de huit mois. Je m'en réjouis, puisque j'ai été à l'origine de cet accord, au cours de ma dernière mandature. En outre, un ensemble de mesures est prévu, comme toujours dans pareil cas. Spheros met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, qui a été communiqué à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Il devrait à terme atténuer l'impact néfaste de la fermeture du site. Mais je partage l'inquiétude des salariés et de leurs familles, tant qu'aucune réponse immédiate n'a été trouvée.
Le cas de cette filiale allemande est malheureusement appelé à se multiplier dans les mois prochains, ce qui m'invite à souligner la difficulté réelle, compte tenu des procédures et des délais, de mettre en adéquation une cessation d'activité prévue à court terme et un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant une convention de reclassement personnalisé. Nous sommes trop peu réactifs à l'heure actuelle, ce qui nous empêche d'apporter à de tels problèmes des solutions immédiates.
De nombreux employés de Spheros n'ont pas pu bénéficier d'une formation antérieure. Cette population jeune, d'une moyenne d'âge de trente-trois à trente-cinq ans, est de surcroît très peu qualifiée. Il lui sera difficile de se reconvertir, ce qui apporte un frein supplémentaire à une reprise de l'activité dans un site en difficulté.
En pareil cas, l'information relative aux difficultés des entreprises doit être traitée en amont. Il n'est pas normal que nous ayons été alertés par la presse de la fermeture du site de Spheros.
J'en viens à présent à des questions très concrètes.
Quelles sont les dispositions qui pourraient être prises à effet d'anticiper les difficultés économiques et les mutations technologiques à l'origine des licenciements économiques ? Comment être plus réactifs et plus pragmatiques, dès lors que nous sommes confrontés à des mutations économiques inévitables dans le bassin mulhousien et dans le Haut-Rhin ? Comment donner aux élus qui le souhaitent véritablement les moyens de s'impliquer dans les restructurations en cours ou à venir ? Enfin, sachant qu'aucune obligation légale n'impose à la société Spheros une convention de revitalisation, comment élargir l'obligation des mesures de revitalisation aux entreprises de moins de 1 000 salariés qui délocalisent leur activité ou leur production ? J'ai lu récemment dans une revue économique que de telles conventions produisent d'excellents résultats. Dès lors, comment déroger au seuil de 1 000 salariés, afin qu'elles s'appliquent dans des bassins d'emploi particulièrement en danger à court terme ?
M. le président. Je demande aux députés qui s'apprêtent à prendre la parole de veiller à respecter le temps qui leur est imparti.
La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la députée, vous avez rappelé la situation de l'entreprise Spheros, dont le groupe a décidé, en mars dernier, de délocaliser les activités réalisées aujourd'hui dans votre région vers un site qui se trouve dans l'ex-RDA, dans le Land de Mecklembourg-Poméranie, qui enregistre un fort taux de chômage.
Je vous remercie d'avoir souligné l'engagement de l'État pour le suivi du plan de sauvegarde de l'emploi. Je précise que l'AFPA interviendra dans l'entreprise par le biais de ses appuis individualisés au projet de reconversion. Les salariés de Spheros Climatechnics pourront intégrer la plate-forme de formation mise en place dans le cadre des recrutements de l'aéroport de Bâle-Mulhouse.
Au-delà de l'entreprise Spheros, le bassin économique de Mulhouse fait l'objet d'une attention soutenue de l'État et des élus locaux, qui partagent un diagnostic commun quant au ralentissement général de l'économie dans le sud de l'Alsace, pour les raisons structurelles que vous avez évoquées au début de votre question.
Pour accompagner ces mutations économiques, plusieurs actions de revitalisation sont en cours. Je voudrais en citer trois.
La mission principale, pour un montant global de 3,5 millions d'euros, cofinancée à parité par l'État et les collectivités locales, a pour objectif de créer 1 000 emplois pérennes sur six ans. Le périmètre de cette mission couvre la communauté d'agglomération de Mulhouse, les communautés de communes des Collines, de la Porte de France Rhin Sud et de l'Île Napoléon, les communes d'Illzach et de Pfastatt et enfin la commune Heimsbrunn où se situe Spheros Climatechnics. Il faut avouer que cette mission a souffert d'un démarrage laborieux puisque la première année n'a abouti qu'à la création de 88 emplois. Il semble que ces résultats médiocres s'expliquent par le manque d'immobilier d'entreprise disponible ainsi que par une certaine inadéquation des outils financiers mis en oeuvre. Un comité de suivi, présidé par le préfet et constitué des élus ainsi que des acteurs économiques locaux, est chargé d'ajuster et de réorienter le dispositif pour qu'il atteigne ses objectifs.
Par ailleurs, au coeur du bassin automobile, l'État a demandé à l'entreprise Vivendi de mener une opération de revitalisation permettant de créer 250 emplois sur trois ans. L'investissement correspondant s'élève à 1,3 million d'euros. Avec 150 emplois déjà créés sur les 250 prévus, cette mission, à la différence de la précédente, est en avance sur ses objectifs. Le périmètre de cette opération est cohérent avec celui de la précédente et le préfet veille à leur bonne articulation.
Une troisième mission de revitalisation en cours à proximité est financée par la société Dalphimétal, située sur la commune de Cernay.
Vous l'avez rappelé, madame la députée, les élus du bassin mulhousien participent, comme vous le faites vous-même activement, aux comités de suivi des différentes opérations de revitalisation. Ils prennent ainsi part au pilotage de ces dispositifs et peuvent réorienter, si nécessaire, l'action des agences de développement régionales, départementales ou locales. Si une collectivité souhaite contribuer financièrement à un dispositif de revitalisation, il est tout à fait possible d'élargir le bassin d'emploi concerné. Cela suppose un accord entre l'État et l'entreprise signataire de la convention, après consultation de l'ensemble des acteurs locaux impliqués dans le suivi de la convention.
Enfin, je voudrais rappeler que deux pôles permettent d'anticiper les mutations technologiques grâce à l'émergence de nouveaux produits ou services : le pôle de compétitivité " Véhicule du Futur ", qui couvre l'Alsace et la Franche-Comté, ainsi que le pôle de compétence régional Rhénatic. L'ensemble de ces initiatives contribue à moderniser les PME dans la zone de Mulhouse.

Données clés

Auteur : Mme Arlette Grosskost

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : Commerce, artisanat, petites et moyennes entreprises, tourisme et services

Ministère répondant : Commerce, artisanat, petites et moyennes entreprises, tourisme et services

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2008

partager