Question orale n° 267 :
politique du logement

13e Législature

Question de : M. Bernard Gérard
Nord (9e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Bernard Gérard attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur la situation particulière de familles aménageant leur foyer principal afin de permettre l'accueil d'un enfant atteint de polyhandicap. Cette intervention illustre la situation particulière d'une famille, qui, afin de s'occuper de sa fille porteuse d'un polyhandicap résultant d'une maladie orpheline à son domicile situé à Marcq en Baroeul, a procédé à des aménagements de ce dernier. Ces aménagements, au titre desquels la construction d'un garage et l'aménagement d'un garage existant en pièces à vivre, ont donné lieu à une bataille judiciaire virulente avec un voisin venu contester la légalité du permis de construire délivré par la mairie et validé par la direction départementale de l'équipement. En 2005, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 octobre 2004 visant l'annulation du permis de construire sur la base d'un dépassement de COS. Suite à cette décision, le voisin contestataire a saisi la justice pour obtenir la démolition dudit logement aménagé. Le tribunal de grande instance de Lille l'a débouté de ses demandes le 31 janvier 2008, mais un appel vient d'être engagé. Cette bataille juridique, portant sur un sujet grave qui est celui du traitement du polyhandicap, a suscité de nombreuses réactions d'indignation. En effet, alors que de nombreuses mesures légales sont prises afin de favoriser l'accessibilité aux personnes handicapées, un certain vide juridique demeure concernant l'habitabilité des logements destinés aux personnes handicapées. Ce vide juridique résulte de la non publication de l'article 50 de la loi SRU de 2000 qui prévoit la possibilité de déduire les surfaces de plancher supplémentaires nécessaires à l'aménagement et à l'amélioration de l'habitabilité des logements destinés à l'hébergement des personnes handicapées. Cette disposition est aujourd'hui non opposable, faute de décret d'application. Aussi, il l'interroge sur les raisons de cette non publication et lui demande dans quel délai ce décret sera édicté. En effet, en l'état actuel du dossier, seul le décret d'application de l'article 50 de la loi SRU pris et appliqué de façon rétroactive peut permettre de répondre aux attentes de cette famille dont l'histoire a suscité une immense incompréhension, notamment au regard du retard anormal de publication de ce décret. Chacun comprendrait en effet que, à l'heure où l'on parle du droit au logement opposable, le législateur soit attentif à favoriser une dispense de coefficient d'occupation des sols pour les familles hébergeant chez elle une personne handicapée et qui doivent adapter leur logement pour répondre à cette mission.

Réponse en séance, et publiée le 14 mai 2008

PUBLICATION DES RÈGLES RELATIVES À L'HABITABILITÉ
DES LOGEMENTS DESTINÉS AUX PERSONNES HANDICAPÉES

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour exposer sa question, n° 267, relative à la publication des règles relatives à l'habitabilité des logements destinés aux personnes handicapées.
M. Bernard Gérard. Madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, pour donner suite aux engagements présidentiels en matière de handicap, de nombreuses actions sont actuellement mises en oeuvre et trouveront leur plein essor lors de la conférence nationale du handicap le 10 juin prochain. Nous pouvons nous réjouir d'une telle mobilisation, car il s'agit là d'une problématique humaine qui appelle un engagement croissant et déterminé. Cette détermination doit notamment être mise au service du polyhandicap, comme vous vous y êtes engagée à plusieurs reprises, après de nombreuses sollicitations. Vous avez notamment fait part de votre volonté d'assurer une prise en charge du polyhandicap globale et spécifique.
Je salue votre détermination et appelle votre attention sur un cas particulier de ma circonscription qui témoigne de l'urgence de répondre efficacement à cette problématique qui peut donner lieu à des drames humains et à des batailles judiciaires dévastatrices.
Ce drame humain, que vous connaissez pour vous en être préoccupée à plusieurs reprises, est celui vécu par la famille Bobillier, attaquée en justice par un voisin arguant un dépassement du coefficient d'occupation des sols autorisé après des aménagements effectués par les parents à leur domicile pour pouvoir y accueillir de manière adaptée leur fille polyhandicapée. Ce contentieux juridique court depuis 2002 et suscite l'indignation de tous. Aujourd'hui, la procédure opposant la famille Bobillier au voisin contestataire est toujours en cours. L'heure n'est donc plus à l'indignation, mais à l'action. Cette famille ne peut demeurer dans un flou juridique qui tient à la non-publication par le gouvernement de l'époque du décret d'application de l'article 50 de la loi SRU de décembre 2000 - date lointaine ! Or l'article 50 précité prévoit les conditions dans lesquelles sont déduites les surfaces de planchers supplémentaires nécessaires à l'aménagement et à l'amélioration de l'habitabilité des logements destinés à l'hébergement des personnes handicapées. L'application de cette disposition codifiée à l'article L.112-1 du code de l'urbanisme supposait la publication d'un décret d'application.
Vous avez eu l'occasion, madame la secrétaire d'État, de souligner que l'article 50, alinéa 3, n'avait pas fait l'objet d'un tel décret et avez mis en avant une disposition de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées relative à l'accessibilité des bâtiments en faveur des personnes handicapées. Cette réponse, avec tout le respect que je vous dois, n'est pas satisfaisante en l'espèce puisque la famille Bobillier n'est pas confrontée à une question d'accessibilité, mais d'habitabilité de ce logement. Le problème reste donc entier.
Aussi souhaiterais-je insister sur la notion de droit à habiter son logement pour une personne handicapée, et donc de l'adapter à ses besoins. L'État ne peut pas répondre à ces familles que la seule solution pour elles consiste à déménager !
Quelles réponses concrètes peut-on apporter pour assurer un règlement rapide et complet des difficultés rencontrées par cette famille depuis plus de six ans ? Qu'en est-il de la publication du décret portant application de l'article 50 de la loi SRU de 2000 ? Quelles perspectives peut-on envisager pour garantir aux familles placées dans une situation aussi dramatique qu'elles ne seront pas contraintes de détruire l'aménagement qu'elles ont réalisé dans le simple but de permettre à leur enfant ou à leur parent de vivre dans des conditions décentes ?
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le député, vous appelez mon attention sur la situation des personnes polyhandicapées, et en particulier celle des familles souhaitant aménager leur foyer principal afin de permettre l'accueil d'un enfant atteint de polyhandicap.
Je sais votre implication personnelle pour résoudre les difficultés rencontrées par une famille de votre commune.
La question de l'habitabilité des logements destinés aux personnes handicapées est en effet un sujet très sensible. Vous estimez qu'un vide juridique résulterait de l'absence de publication d'un décret d'application de l'article 50 de la loi de solidarité et de renouvellement urbains du 13 décembre 2000. Cet article, codifié à l'article L. 112-1 du code de l'urbanisme, prévoit que des décrets en Conseil d'État définissent la surface de plancher développée hors oeuvre d'une construction et notamment les conditions dans lesquelles sont déduites de cette surface les surfaces de plancher supplémentaires nécessaires à l'aménagement et à l'amélioration de l'habitabilité des logements destinés à l'hébergement des personnes handicapées. Or l'article R. 112-2 du même code a été modifié par le décret n° 2006-555 du 17 mai 2006, qui constitue un décret d'application de l'article 50 de la loi du 13 décembre 2000. Cet article - pardonnez-moi d'évoquer des aspects aussi techniques, mais c'est indispensable - prévoit que la surface de plancher hors oeuvre nette d'une construction est égale à la surface hors oeuvre brute de cette construction après déduction, notamment, d'une surface forfaitaire de cinq mètres carrés par logement respectant les règles relatives à l'accessibilité intérieure des logements aux personnes handicapées.
Cette disposition constitue, et j'en suis bien consciente, une réponse tardive à l'article 50 de la loi du 13 décembre 2000, ce qui a placé des familles, comme celle que vous connaissez, dans des situations personnelles préjudiciables. Je ne peux, vous le savez, prendre position sur des procédures judiciaires en cours, lesquelles portent sur l'état du droit en vigueur à la date des recours contentieux. Sur le plan humain, cependant, je ne peux que partager votre point de vue sur le dossier particulier auquel vous faites référence.
L'article 50 constitue une première réponse concrète en termes d'habitabilité aux familles qui souhaitent aménager leur habitation pour accueillir un proche polyhandicapé. Néanmoins, comme vous le soulignez, cet article du code de l'urbanisme est fortement insatisfaisant s'agissant des critères d'habitabilité réels et indispensables à la vie la plus autonome possible des personnes polyhandicapées, et la surface déductible de cinq mètres carrés se révèle, dans ce cas, notoirement insuffisante. À cet égard, je souhaite vivement qu'une mesure réglementaire adaptée puisse élargir cette notion de déductibilité de la surface hors oeuvre afin que des familles puissent garder leur enfant ou leur proche à la maison en adaptant leur logement de manière adéquate.
Je peux vous assurer, monsieur le député, que mes collègues du Gouvernement - Mme Boutin en particulier - et moi-même mettons tout en oeuvre pour prendre les mesures les plus rapides et les mieux adaptées à la situation de ces familles, et notamment de la famille Bobillier. Notre mobilisation est entière et nous reviendrons vers vous dès que possible.

Données clés

Auteur : M. Bernard Gérard

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Solidarité

Ministère répondant : Solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mai 2008

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