insertion professionnelle
Question de :
M. Jean-Patrick Gille
Indre-et-Loire (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Patrick Gille interroge Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le financement par l'État des écoles de la deuxième chance. Ces écoles, visant l'insertion des jeunes ou des 20-30 ans sans qualification, et s'appuyant sur une alternance forte, parviennent à des taux de réussite de 70 % et ont démontré leur efficacité. Elles sont généralement financées par les conseils régionaux et le fonds social européen. Elles sont aussi bénéficiaires ces deux dernières années d'aides exceptionnelles au lancement dans le cadre de la politique de la ville par la DIV ou l'ACSE. Il lui demande de dire quel soutien l'État souhaite apporter à ce dispositif qui fonctionne, alors qu'il consacre 50 millions d'euros dans le cadre de l'Epide, c'est-à-dire le dispositif de la défense nationale qui ne touche que 1 500 jeunes et est loin d'avoir fait ses preuves alors qu'il revient à 30 000 € par bénéficiaire, tandis que les écoles de la deuxième chance reviennent de leur côté à moins de 10 000 € par bénéficiaire.
Réponse en séance, et publiée le 28 mai 2008
FINANCEMENT DES ÉCOLES DE LA DEUXIÈME CHANCE
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour exposer sa question, n° 280, relative au financement des écoles de la deuxième chance.M. Jean-Patrick Gille. Monsieur le président, ma question s'adressait à Mme la ministre de l'emploi et de la formation professionnelle, grande argentière du Gouvernement. Cependant, j'aurais aussi pu la poser à M. Laporte, secrétaire d'État à la jeunesse, qui s'est déclaré intéressé par les écoles de la deuxième chance, ou bien encore à Mme Boutin, ministre de la ville, qui a apporté deux années de suite des financements ponctuels et a reçu dernièrement la conférence des présidents des écoles de la deuxième chance.
Bref, beaucoup de monde s'intéresse à ce dispositif qui vise à une insertion professionnelle durable de jeunes en difficultés. Rappelons que le candidat Nicolas Sarkozy avait inscrit dans son programme le principe d'une école de la deuxième chance dans chaque département. Pour autant, nous n'avons pas de réponse claire sur le soutien financier de l'État. Peut-être est-ce faute de savoir quel ministère est en charge de ce dossier !
Aujourd'hui, il existe seize écoles qui animent trente-cinq sites sur vingt-trois départements. Elles ont accueilli 4 000 jeunes en 2007. Le dispositif, basé sur une alternance active avec les entreprises locales et une pédagogie adaptée, a fait ses preuves avec un taux de réussite de placement ou d'entrée en qualification proche de 65 % et un coût moyen par jeune hors rémunération de 9 000 euros.
Mais si l'on excepte les 1,5 million d'euro prévus par l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances sur les 2,5 millions promis initialement pour 2008, l'ensemble des financements reste à la charge des collectivités locales à l'initiative de ce dispositif et du Fonds social européen.
Or, actuellement, elles n'ont que la possibilité de percevoir une part infime de la taxe d'apprentissage restreinte aux " actions complémentaires ", la disposition législative permettant d'élargir cette perception " au titre de la catégorie A du hors quota " n'étant toujours pas programmée, à moins que vous puissiez m'apporter des précisions.
Mais la vraie question est celle d'un financement pérenne par l'État au moment où le financement du FSE tend à baisser.
Monsieur le secrétaire d'État, vous en avez la possibilité, étant donné que vous abondez largement par ailleurs l'Établissement public d'insertion de la défense, l'EPID, qui porte le dispositif " défense deuxième chance " et qui bénéficie d'une subvention de 50 millions d'euros du ministère de l'emploi et d'un droit de tirage conséquent sur les contrats aidés. Ainsi son budget s'élève-t-il à 100 millions d'euros pour environ seulement 2 000 jeunes, alors qu'il était initialement prévu pour dix fois plus. Et si l'on en croit le récent rapport du sénateur François Trucy le taux de réussite avoisinerait péniblement 40 % à 50 % pour un coût annuel de 30 000 à 50 000 euros par jeune !
Ne vous serait-il pas possible de distraire un peu de ces crédits d'un dispositif qui, chacun le reconnaît, peine à trouver des bénéficiaires pour soutenir de manière pérenne les écoles de la deuxième chance, les aider à essaimer maintenant qu'elles ont fait leur preuve, qu'elles sont labellisées et qu'elles délivreront bientôt leurs premières validations ?
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le député Jean-Patrick Gille, je vous remercie de votre question sur un sujet qui est, pour le Gouvernement, d'importance nationale : l'insertion des jeunes sur le marché du travail. S'agissant des administrations que vous avez citées, permettez-moi toutefois de vous rappeler que cette question concerne au premier chef le secrétariat d'État à l'emploi !
Vous avez évoqué les différents outils dont nous disposons et ceux que nous essayons de mettre en place afin de favoriser l'insertion des jeunes. Disons les choses avec clarté et franchise : comme pour l'emploi des seniors, le chômage de masse a conduit, depuis vingt ans, à faire des choix plus ou moins hypocrites, qui n'ont pas permis de s'intéresser véritablement à l'accès des jeunes à l'emploi - ou, du moins, de mettre en place des outils suffisamment bien structurés. Nous essayons donc aujourd'hui d'y remédier, en développant l'ensemble des outils disponibles ; en effet, comme vous le savez pour y être confronté presque quotidiennement dans votre département, les jeunes se trouvent dans des situations diverses et les difficultés auxquelles ils se heurtent pour accéder à l'emploi varient suivant les cas. La politique de l'emploi propose donc plusieurs réponses possibles : un accompagnement dans le cadre du CIVIS ; un contrat aidé permettant d'acquérir, grâce à une première expérience professionnelle, une compétence que l'on peut ensuite valoriser pour accéder à d'autres postes ; un accompagnement renforcé, tel celui proposé par le dispositif des écoles de la deuxième chance, sur lequel vous avez raison d'insister ; enfin, pour une minorité de jeunes qui connaissent des difficultés encore plus importantes, tenant notamment à des problèmes de comportement, il existe le dispositif " Défense deuxième chance ".
J'ai brossé ce tableau parce que, si je vous rejoins sur la nécessité d'évaluer l'efficacité de ces dispositifs en fonction de leur pertinence, j'estime que chacun répond à un besoin et à un public différents et possède son utilité propre. Le dispositif " Défense deuxième chance " s'adresse ainsi à des jeunes qui sont très éloignés de l'emploi et souffrent de vraies difficultés comportementales, ce qui suppose un travail de fond sur une longue durée. Plutôt que de refaire ce qu'on faisait autrefois et juxtaposer des cases administratives séparées en demandant aux jeunes de s'adapter à ce qu'on leur propose, nous voulons faire du " sur-mesure " et proposer une panoplie d'outils adaptés à la situation particulière de chacun. C'est la diversité de ces outils qui nous apportera la solution.
S'agissant de l'ÉPIDE, je suis d'accord avec vous : dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens qui sera bientôt négociée avec ses administrations de tutelle, il faudra revoir son mode de fonctionnement et sans doute l'astreindre à une plus grande obligation de résultat. C'est en tout cas à cette condition qu'on pourra stabiliser ses coûts, eu égard aux bénéfices d'insertion attendus.
Quant à la question spécifique de l'école de la deuxième chance et de son financement, je vous apporterai deux éléments de réponse. Tout d'abord, dans le cadre du plan " Espoir banlieues " mis en oeuvre conjointement avec Fadela Amara - vous avez eu raison de le souligner, il s'agit bien d'un travail d'équipe -, le Gouvernement est déterminé à soutenir le développement des écoles de la deuxième chance, car c'est un dispositif pertinent d'accès à l'emploi pour des jeunes qui sont parfaitement capables de s'insérer dans une entreprise en lui apportant une forte plus-value. Par ailleurs, je soutiens la proposition extrêmement intéressante de M. Yanick Paternotte - fruit d'un travail particulièrement pertinent et qui, de toute évidence, rejoint vos préoccupations -, visant à permettre aux écoles de la deuxième chance d'être financées par une part plus importante de la taxe d'apprentissage, grâce à ce que l'on appelle le " hors quota ".
Pour conclure, si l'on veut donner enfin aux jeunes une véritable chance de trouver un emploi, l'important est de se doter de tous les outils possibles, tout en respectant la diversité des situations. En particulier, l'école de la deuxième chance est un dispositif pertinent que le Gouvernement soutiendra, notamment dans le cadre du plan " Espoir banlieues ".
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
M. Jean-Patrick Gille. Monsieur le secrétaire d'État, je précise que, si je ne vous ai pas cité tout à l'heure, c'est en raison de votre présence dans l'hémicycle : j'avais bien entendu prévu de le faire.
Je crois, comme vous, qu'il ne faut pas opposer les dispositifs mais rechercher des réponses adaptées aux situations. Toutefois, vous reconnaîtrez avec moi qu'il y a un déséquilibre : d'un côté, 100 millions d'euros pour 2 000 jeunes - et le rapport du sénateur Trucy montre bien les difficultés que l'on a à recruter des bénéficiaires, peut-être tout simplement parce que le public, estimé initialement à 20 000 jeunes, n'existe pas ; de l'autre, 1,5 million pour 4 000 jeunes. Je vous ai donc proposé une piste pour engager un rééquilibrage.
Vous avez apporté un début de réponse en soutenant la proposition d'élargir la part de la taxe d'apprentissage ; je m'en félicite, mais, d'expérience, je sais qu'il sera difficile - dans un premier temps du moins - de percevoir ce nouveau montant ; une telle réponse n'est donc pas tout à fait satisfaisante. Aussi me permettrez-vous, suite à votre réponse quelque peu timorée, de citer quelqu'un que vous reconnaîtrez sans peine :
" Je veux que tous les moyens soient mobilisés pour qu'à partir de seize ans, tout jeune sorti du système scolaire sans aucune qualification puisse être accueilli dans une école de la deuxième chance. Là où elles existent, ces écoles sont un succès. Je veux qu'elles soient généralisées sur tout le territoire. Je veux que la deuxième chance devienne un droit pour tous. Je veux que ces écoles puissent bénéficier de la taxe d'apprentissage. Je veux que l'État s'engage financièrement, parce que ce qui coûte le plus cher à la société, ce qui coûte le plus cher à l'économie, c'est de laisser une partie de sa jeunesse à la dérive. "
La répétition du " Je veux " aura suffi pour reconnaître l'auteur, mais son identification sera confirmée par la conclusion : " Le développement de la deuxième chance sera l'une des priorités de mon quinquennat. " Il s'agit bien entendu de Nicolas Sarkozy - non, cette fois, en tant que candidat, mais en tant que Président de la République. Je n'ai pas obtenu de réponse s'agissant de la possibilité, qu'il avait évoquée, d'une généralisation des écoles de la deuxième chance, avec un financement public partiel, à tous les départements.
Auteur : M. Jean-Patrick Gille
Type de question : Question orale
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : Économie, industrie et emploi
Ministère répondant : Économie, industrie et emploi
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 2008