Question orale n° 309 :
lutte contre l'exclusion

13e Législature

Question de : M. Pierre-Alain Muet
Rhône (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Pierre-Alain Muet attire l'attention de Mme la ministre du logement et de la ville sur la faiblesse des moyens disponibles dans l'agglomération lyonnaise pour mettre en oeuvre l'obligation légale instituée par la loi droit au logement opposable du 5 mars 2007. De nombreuses associations déplorent l'absence de moyens et soulignent les difficultés à appliquer concrètement, dans ce contexte, le principe de continuité de la prise en charge d'hébergement. La saturation structurelle du dispositif d'accueil et d'hébergement laisse à ses portes, chaque jour, en moyenne entre 50 et 80 personnes, avec pour conséquence une gestion au quotidien de la pénurie par les travailleurs sociaux. Enfin, la fermeture de places d'hébergement, dans un contexte marqué par la pénurie, inquiète fortement l'ensemble des structures qui agissent dans le domaine de l'hébergement d'urgence. Il souhaiterait savoir quelles mesures elle entend mettre en oeuvre pour améliorer cette situation afin de garantir l'égal accès de tous à un logement décent.

Réponse en séance, et publiée le 4 juin 2008

DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA LOI
SUR LE DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE À LYON

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour exposer sa question, n° 309, relative aux difficultés d'application de la loi sur le droit au logement opposable à Lyon.
M. Pierre-Alain Muet. Madame la ministre du logement et de la ville, ma question concerne la faiblesse des moyens disponibles dans l'agglomération lyonnaise pour mettre en oeuvre l'obligation instituée par la loi sur le droit au logement opposable. Elle concerne aussi l'inquiétude des acteurs face à l'annonce, en avril, de la fermeture de près de 200 places, dont la moitié résulte de la fin du dispositif hivernal, alors même que dispositif d'accueil lyonnais est déjà très largement saturé.
Comment, dans ce contexte, peut-on mettre en place le principe de continuité dans la prise en charge et, notamment, la formule si juste de la circulaire de mars 2007 indiquant que, seule, la proposition d'orienter vers une structure pérenne commandera désormais la durée de séjour en hébergement d'urgence.
Quand les capacités permanentes des centres d'hébergement passent de 1 424 places cet hiver à 1 302 places en avril, c'est l'inverse qui se produit. Pour ne pas retourner à la rue, des familles n'ont parfois comme seul recours que l'appel au 115.
C'est ainsi que, dans un établissement de ma circonscription, qui comportait 50 places, les Acacias, situé dans le 9e arrondissement de Lyon, le financement accordé dans le cadre du volet hivernal du PARSA a pris fin le 10 avril. Les familles ont dû quitter le centre et être orientées vers des structures d'urgence, donc non pérennes, en totale contradiction avec la loi DALO et la circulaire de mars 2007.
Comment appliquer ce principe quand le taux moyen d'occupation est proche de 100 % dans les centres d'hébergement, 99,8 % à Lyon, et de plus de 98 % pour les places réservées à la veille sociale ? De ce fait, le dispositif d'accueil d'urgence est sous tension permanente et n'offre aucune marge en cas d'apparition d'une demande exceptionnelle. Le 115 est en effet un dispositif structurellement saturé à Lyon, qui refuse chaque soir en moyenne entre 50 et 80 personnes.
Bref, les structures d'accueil lyonnaises vous demandent d'avoir les moyens d'appliquer progressivement la loi DALO, plutôt que d'être confrontées comme aujourd'hui à un retour en arrière. Pour cela, il faut surseoir aux fermetures d'hébergement jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée pour les personnes concernées.
Elles souhaitent aussi la réalisation d'un audit sur les besoins d'hébergement et leur confrontation à la situation existante, pour répondre réellement à la demande, conformément à l'esprit de la loi DALO.
Elles appellent de leurs voeux un audit sérieux et non le recensement nominatif des personnes hébergées. J'ai, en effet, été choqué par la lettre du préfet du Rhône en date du 20 mai qui demande aux présidents de centre d'hébergement " de transmettre à la DASS sous huitaine la liste nominative des personnes qui sont accueillies dans les structures d'hébergement ". S'agit-il d'une demande explicite du Gouvernement, et donc de vous-même, ou de l'excès de zèle d'un préfet plus préoccupé par d'autres considérations que par l'hébergement d'urgence ?
Lorsqu'on proclame une grande ambition - et nous pensons tous sur ces bancs que le droit au logement opposable en est une - il faut s'en donner les moyens. La France a su le faire quand elle a rendu l'enseignement obligatoire pour tous ses enfants. Il faudrait aujourd'hui une ambition comparable dans le domaine du droit au logement. Madame la ministre, nous attendons que cette ambition se concrétise dans les moyens qui sont donnés aux régions et aux collectivités.
M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le député, je vous remercie beaucoup pour votre question, qui est très importante. Notre objectif commun, c'est d'offrir à chacun un toit et un logement décent, surtout à ceux qui sont socialement les plus fragilisés. Vous connaissez ma détermination en ce qui concerne la mise en place du droit au logement opposable. J'étais déterminée avant d'être ministre et je suis toujours une militante de ce droit dans ma responsabilité ministérielle.
Cela dit, et vous le savez mieux que quiconque, la chaîne du logement est aujourd'hui embolisée. On ne peut pas répondre en une année au manque de logements que l'on constate sur l'ensemble du territoire ou, en tout cas, dans les zones tendues : la situation va s'améliorer petit à petit.
L'objectif de la loi du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable, qui a été votée à l'unanimité des membres siégeant au sein de votre assemblée, et que j'avais eu l'honneur de défendre en tant que rapporteure est au coeur de mon engagement ministériel.
Cette loi a introduit dans notre droit le principe selon lequel " toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite [...] jusqu 'à ce qu 'une orientation lui soit proposée ". Tels sont les termes de la loi. Elle précise en outre que " cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ". Or, monsieur le député, vous vous inquiétez du manque de moyens dont souffrent les associations pour parvenir à la pleine application de ce principe. Je partage votre point de vue.
Le renforcement et l'adaptation du dispositif d'hébergement ont fait cependant l'objet d'un effort important dans le cadre du Plan d'action renforcé pour les personnes sans abri, PARSA, décidé par le Gouvernement le 8 janvier 2007. Ce plan d'action, qui a mobilisé les pouvoirs publics et les associations tout au long de l'année 2007, a été relayé en 2008 par de nouvelles mesures prises à l'issue d'une mission confiée par le Premier ministre à Étienne Pinte, député des Yvelines.
Dans un premier temps, le nombre de places d'hébergement destinées aux personnes sans domicile a été accru pour répondre globalement à la demande d'hébergement, même dans les nuits les plus froides de cet hiver. Ainsi, au 31 décembre 2007, on recensait 72 000 places en service, dont 66 000 pérennes et 6 000 supplémentaires dans le cadre du renforcement hivernal, contre quelque 66 000 places au 31 décembre 2006, soit 6 000 places supplémentaires.
Dans un second temps, les conditions de l'accueil ont été améliorées par la transformation de plus de 7 000 places d'hébergement d'urgence en places de stabilisation. Ainsi, l'hébergement d'urgence de faible durée est désormais moins sollicité par les personnes concernées, dès lors qu'elles préfèrent recourir aux modes de prise en charge dans des centres d'hébergement de stabilisation, où la durée de séjour est plus longue et les moyens d'accompagnement renforcés.
À cela il faut ajouter que fin 2007, 12 000 places d'hébergement d'urgence, sur un total de 15 600 places, fonctionnaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre, conformément aux objectifs fixés par le PARSA, grâce notamment aux 84 millions d'euros qui y ont été consacrés en 2007.
Ces efforts vont être amplifiés puisque le Premier ministre, ayant déclaré l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri " grand chantier prioritaire 2008-2012 ", a débloqué une enveloppe supplémentaire de 145 millions d'euros pour l'hébergement, à laquelle s'ajouteront 35 millions d'euros pour financer la rénovation des structures et 60 millions pour résorber l'habitat indigne.
Je n'ignore pas pour autant, monsieur le député, les tensions qui persistent dans certains départements, et en particulier dans certaines grandes villes. J'ai conscience que le renforcement de l'hébergement et l'amélioration de sa qualité n'ont de sens que si nous parvenons parallèlement à améliorer l'accès au logement des personnes les plus démunies.
C'est pourquoi la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 et la loi portant engagement national pour le logement de juillet 2006 ont désigné les personnes hébergées comme relevant des publics prioritaires pour l'accès au logement social. Dans le même sens, la loi instituant un droit au logement opposable, dite loi DALO, a placé les personnes hébergées ou logées temporairement dans des établissements ou des logements de transition parmi les cinq catégories de demandeurs de logement qui peuvent saisir sans délai la commission de médiation. À compter du 1er décembre 2008, ces personnes pourront, le cas échéant, saisir le juge pour faire reconnaître leur droit au logement.
Les préfets sont régulièrement invités à donner la priorité à ces personnes dans l'accès aux contingents de logements dont les préfectures disposent et à négocier au nom de l'État des accords avec les bailleurs et les autres détenteurs de contingents. Je pense que le courrier, auquel vous faites allusion, de M. le préfet du Rhône, dont je salue avec beaucoup de respect les bons résultats, s'inscrit dans cette logique. Je le vérifierai.
Pour ce qui me concerne, je veillerai à ce que ce droit soit respecté et appliqué de façon équitable sur l'ensemble du territoire, pour que l'égal accès de tous à un logement décent soit garanti.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Je vous remercie, madame la ministre, mais, comme vous le reconnaissez vous-même, les tensions sont extrêmement fortes dans les grandes villes. Nous attendons donc de votre ministère qu'il consente un effort particulier, pour que le manque de moyens ne nous contraigne pas à ne pas respecter la loi qui veut qu'on ne remette personne à la rue.

Données clés

Auteur : M. Pierre-Alain Muet

Type de question : Question orale

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : Logement et ville

Ministère répondant : Logement et ville

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 juin 2008

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