ovins
Question de :
M. Jean Mallot
Allier (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean Mallot s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Il a souvent été interpellé dans notre assemblée au sujet de la crise que subissent les éleveurs ovins. C'est bien la preuve que le marasme est profond et que les élus de la Nation veulent défendre cette production essentiellement exploitée en zone défavorisée. Aujourd'hui la production de viande ovine française ne représente plus que 40 % de la consommation, contre 80 % au début de l'application du règlement européen. Pourtant, l'élevage ovin valorise essentiellement des surfaces en herbe en zone difficile et, à ce titre, chacun reconnaît qu'il représente un facteur d'équilibre écologique qui va dans le sens du développement durable. Des éléments nouveaux aggravent la situation : augmentation des charges, cours stagnants, crise de la FCO, baisse de consommation de viande rouge, abandons de la production dus à l'absence de perspectives claires et à un revenu très bas, concurrence déloyale des viandes ovines de l'hémisphère sud, etc. Le département de l'Allier a perdu la moitié de ses effectifs ovins en 20 ans. Depuis un an, le nombre de brebis est passé de 189 000 à 175 000 pour 1 300 éleveurs. Le plan de soutien qu'il a annoncé le 25 avril est insuffisant pour redonner confiance aux éleveurs. Il n'est pas à la hauteur nécessaire, tant sur le plan financier que pour offrir des perspectives aux éleveurs. Aussi, il veut lancer ici une nouvelle alerte pour sauver l'élevage ovin français et avancer trois propositions : une aide d'urgence et immédiate pour rétablir la confiance, qu'on peut chiffrer à 30 € par brebis ; un rééquilibrage des aides PAC, grâce à l'article 69, qui permettrait de reventiler jusqu'à 10 % des aides du 1er pilier vers le secteur ovin - le niveau d'aide à la brebis doit être sensiblement réévalué - ; une loi sur l'étiquetage des viandes ovines qui indiquerait la provenance et la méthode de conservation afin d'éviter la confusion avec la viande « chilled » de Nouvelle-Zélande qui est présentée comme une viande fraîche. Il l'avait promis lors de l'annonce de son premier plan ovin le 30 août 2007, et certains pays producteurs, comme l'Irlande, réclament cette mesure de bon sens. Élu d'un département où une partie non négligeable des surfaces en herbe est encore utilisée pour élever des ovins, il lui demande d'agir, tant au niveau national qu'européen, afin de relancer cette production et sauver nos éleveurs, si nécessaires dans les territoires fragiles.
Réponse en séance, et publiée le 11 juin 2008
SOUTIEN À L'ÉLEVAGE OVIN
M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour exposer sa question, n° 331, relative au soutien au secteur de l'élevage ovin.M. Jean Mallot. Monsieur le ministre, vous avez souvent été interpellé, dans notre assemblée, au sujet de la crise que subissent les éleveurs ovins. C'est bien la preuve que le marasme est profond et que les élus de la nation veulent défendre cette production, essentiellement exploitée en zone défavorisée.
Aujourd'hui, la production de viande ovine française ne représente plus que 40 % de la consommation. Or chacun reconnaît que l'élevage ovin, qui valorise essentiellement des surfaces en herbe dans les zones difficiles, représente un facteur d'équilibre écologique qui contribue au développement durable.
Des éléments nouveaux aggravent la situation : augmentation des charges, cours stagnants, crise de la fièvre catarrhale ovine, baisse de la consommation de viande rouge, abandon de la production dû à l'absence de perspectives claires pour les éleveurs et à un revenu très bas, concurrence déloyale des viandes ovines de l'hémisphère sud. Le département de l'Allier a ainsi perdu la moitié de ses effectifs ovins en vingt ans. Depuis un an, le nombre de brebis est passé de 189 000 à 175 000 pour 1 300 éleveurs.
Or le plan de soutien que vous avez annoncé le 25 avril est insuffisant pour redonner confiance aux éleveurs. Il n'est pas à la hauteur sur le plan financier et n'offre guère de perspectives aux éleveurs. En outre, les éleveurs de moins de cent brebis en sont exclus, ce qui est une erreur si l'on veut maintenir un effectif ovin suffisant en France.
Je veux donc lancer une nouvelle alerte et avancer trois propositions pour sauver l'élevage ovin français. Il convient tout d'abord de verser aux éleveurs une aide d'urgence, qu'on peut chiffrer à 30 euros par brebis, pour rétablir la confiance. Il faut ensuite rééquilibrer les aides de la PAC grâce à l'article 69, qui permettrait de reventiler jusqu'à 10 % des aides du premier pilier vers le secteur ovin - le niveau d'aide à la brebis doit être sensiblement réévalué. Enfin, une loi est nécessaire pour rendre obligatoire un étiquetage des viandes ovines, qui indiquerait leur provenance et leur méthode de conservation, afin d'éviter la confusion avec la viande chilled de Nouvelle-Zélande, présentée à tort comme une viande fraîche. Lors de l'annonce de votre premier plan ovin, le 30 août 2007, vous aviez promis cette mesure de bon sens, que certains pays producteurs, comme l'Irlande, réclament également.
Élu d'un département où une partie non négligeable des surfaces en herbe est encore utilisée pour élever des ovins, je vous demande d'agir, tant au niveau national qu'européen, afin de relancer cette production et de sauver nos éleveurs, si nécessaires dans les territoires fragiles.
M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je tiens à vous assurer, monsieur Mallot, ainsi qu'à tous les parlementaires solidaires de la filière ovine, que je partageais votre préoccupation avant même d'être nommé ministre de l'agriculture. Ancien président du conseil général d'un département où cette filière est très présente, je n'ai jamais oublié l'importance de son rôle face aux défis alimentaire, territorial et écologique. Aussi est-il important de rappeler, comme vous venez de le faire, la grave crise que traverse l'élevage ovin. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'en entretenir non seulement avec des parlementaires, mais aussi avec le président de la Fédération nationale ovine, M. Martin, que j'ai rencontré dans son village, au coeur de l'Aude, vendredi dernier.
Le cheptel de la filière ovine est en diminution constante, en raison principalement de la faiblesse des revenus perçus par les éleveurs. Cette situation, constatée dans votre département de l'Allier, touche l'ensemble du territoire national, ainsi que de nombreux autres pays européens, notamment l'Irlande, où je me suis rendu il y a quelques jours.
Or l'élevage ovin joue un rôle économique, environnemental et territorial essentiel. Il permet de maintenir une activité agricole dans beaucoup de zones fragiles. C'est pourquoi je souhaite mobiliser tous les moyens disponibles pour le préserver et le soutenir en ces temps très difficiles.
Un plan d'urgence de 15 millions d'euros a ainsi été mis en place en août 2007, quelques semaines après mon arrivée au Gouvernement, pour soutenir les éleveurs d'ovins allaitants les plus en difficulté. Le paiement des aides s'est achevé en mai dernier. Face à la situation économique toujours difficile, notamment en raison de l'augmentation du prix des matières premières, le plan d'urgence a été reconduit en 2008 ; j'en avais d'ailleurs discuté avec les professionnels. L'enveloppe budgétaire a été portée à 17 millions d'euros et les critères d'accès aux aides de l'office de l'élevage ont été assouplis, comme vous le demandiez.
Enfin, pour soutenir la trésorerie des exploitations, je viens de demander à la commissaire européenne chargée de l'agriculture et du développement rural, Mariann Fischer Boel, d'autoriser le versement anticipé - qui, s'il est accepté, interviendrait le 16 octobre - des aides européennes aux ruminants, soit 80 % de la PMTVA et de la prime à l'abattage et 50 % de la prime à la brebis.
Au-delà de l'urgence, il faut que les aides économiques qui apportent un soutien immédiat aux éleveurs d'ovins soient associées à des mesures structurelles, afin de leur redonner durablement espoir. Ma première priorité, dans le cadre des discussions sur le bilan de santé de la PAC - engagées sous la présidence slovène et qui devraient se conclure sous la présidence française au mois de novembre -, est donc d'obtenir le rééquilibrage des soutiens directs du premier pilier en faveur de productions ou de zones fragiles, notamment le secteur ovin. Le Conseil des ministres du 17 mars dernier a confirmé la modification de l'article 69, qui devient l'article 68 et qui permettra ce rééquilibrage des aides directes pour les rendre plus équitables.
Je souhaite que le soutien supplémentaire au secteur ovin, que je crois absolument nécessaire et juste, intervienne le plus tôt possible, soit dès 2009 sous une forme transitoire, soit, de manière entièrement opérationnelle, en 2010 dans le cadre des nouveaux règlements. Le plus tôt sera le mieux, compte tenu de la situation très difficile dans laquelle se trouve la filière ovine.
Je me suis personnellement engagé pour que ce rééquilibrage, qui est une mesure d'équité, intervienne dans le cadre du bilan de santé. C'est une de mes priorités. Les décisions de principe seront prises avant la fin de cette année ; la seule question que je ne peux pas trancher aujourd'hui est celle de la date d'entrée en vigueur.
Par ailleurs, j'ai souhaité organiser, dans le cadre de la présidence française, une conférence européenne sur le secteur ovin, qui se tiendra le 5 septembre prochain à Limoges, en présence des principaux pays producteurs, notamment l'Irlande, et de la Commission.
Enfin, d'autres mesures structurelles sont en cours d'élaboration, en concertation avec les professionnels. Ces mesures concernent l'organisation de l'offre et de la demande, la formation et la recherche, l'amélioration génétique et la limitation des effets de distorsion de concurrence liés à l'importation de viande de Nouvelle-Zélande.
Sur ce dernier point, essentiel pour l'avenir de la filière ovine en France, l'objectif est de modifier les règles d'étiquetage dans le cadre d'un règlement européen en cours de discussion, afin de permettre au consommateur de faire la différence entre une bête abattue à des milliers de kilomètres puis transportée en Europe et une viande produite dans nos terroirs et mise sur le marché dans des délais très courts. Cette mesure, que je m'étais en effet engagé à prendre lorsque je suis arrivé au Gouvernement, est actuellement à l'étude.
Tels sont, monsieur Mallot, les dispositifs d'urgence et les mesures structurelles que nous comptons mettre en place.
M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.
M. Jean Mallot. Je me félicite que M. le ministre - nous le savions déjà, mais il est bon qu'il le redise - ait compris l'importance d'une action urgente dans ce secteur. Nous partageons le sentiment que les plans annoncés jusqu'à présent sont insuffisants pour faire face à la situation : une aide de 2 à 3 euros par brebis permet de tenir quelque temps mais n'est pas à la hauteur du problème.
Par ailleurs, l'étiquetage est très important. Il faut que le consommateur sache ce qu'il achète et qu'il connaisse non seulement l'origine du produit, mais aussi les modalités de sa conservation.
En ce qui concerne les mesures structurelles que M. le ministre a bien voulu évoquer, le projet de règlement européen comprend des dispositions qui permettront, sur la base du nouvel article 68, de réaffecter des ressources du premier pilier de la PAC vers certaines priorités, telles que l'agriculture biologique, les zones de montagne et le secteur ovin.
Néanmoins se posent au moins deux problèmes. Tout d'abord, le montant de l'enveloppe - environ 850 millions d'euros - devra couvrir plusieurs actions et les éleveurs d'ovins ont calculé que les sommes qui leur seront allouées seront probablement insuffisantes pour atteindre 30 à 35 euros par brebis. Ensuite, et surtout, les éleveurs souhaitent - et ils ont raison - que cette mesure de soutien supplémentaire au titre de la PAC intervienne dès le 1er janvier 2009. Il ne suffit pas que nous partagions les mêmes préoccupations ; encore faut-il exprimer une volonté politique suffisamment forte pour obtenir des résultats.
Auteur : M. Jean Mallot
Type de question : Question orale
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture et pêche
Ministère répondant : Agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 juin 2008