baux commerciaux
Question de :
Mme Laure de La Raudière
Eure-et-Loir (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Laure de La Raudière interroge Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi au sujet de l'application de la loi Périssol. Cette loi de 1996 consistait à déduire des revenus « net imposable » jusqu'à 80 % du montant de l'acquisition, sur une période de 24 ans au maximum. Les investisseurs, ayant acquis un logement neuf ou en état futur d'achèvement du 1er janvier 1996 au 31 août 1999, ont pu souscrire à ce dispositif. Or, un certain nombre de sociétés gestionnaires chargées de louer ces logements, ont fait signer aux investisseurs propriétaires de résidences de tourisme, un contrat de bail commercial, contrat dans lequel il est par ailleurs inséré une clause disposant que les propriétaires peuvent récupérer leur appartement ou maison au bout de 11 ans. Cette clause est nulle en droit. Le problème intervient lors de la résiliation de ce bail. En effet, les sociétés gestionnaires n'ont généralement pas prévenu leurs cocontractants des conséquences de cette résiliation, et notamment de l'application de l'article L. 145-14 du code de commerce, qui les oblige au versement d'une indemnisation d'éviction. Une clause contraire aurait pu être insérée dans le contrat de bail, mais les propriétaires, mal informés, n'y ont généralement pas procédé. Aujourd'hui, beaucoup de propriétaires désireux de retrouver la pleine jouissance de leur bien sont donc obligés de verser des sommes extrêmement importantes pour mettre fin au contrat qui les lient à la société gestionnaire. Cette situation est d'autant plus critiquable que ces biens immobiliers n'ont pas été loués en tant que locaux commerciaux. Aujourd'hui, nombreux sont les propriétaires lésés qui se regroupent afin de mener à bien des actions en justice et obtenir gain de cause. Aussi, elle souhaiterait savoir si elle envisage de prendre des mesures claires afin de permettre aux propriétaires de recouvrer l'entière jouissance de leur immeuble.
Réponse en séance, et publiée le 8 octobre 2008
APPLICATION DE LA LOI PÉRISSOL
M. le président. La parole est à Mme Laure de la Raudière, pour exposer sa question, n°394, relative à l'application de la loi Périssol.Mme Laure de La Raudière. La loi Périssol de 1996 permettait de déduire des revenus nets imposables 80% du montant de l'acquisition d'une résidence, et ce sur une période de vingt-quatre années tout au plus. En échange, le propriétaire s'engageait à louer son logement nu pendant au moins neuf ans. Les investisseurs ayant acquis un logement neuf ou en état futur d'achèvement entre le 1er janvier 1996 et le 31 août 1999 ont pu souscrire à ce dispositif.
Or, à l'époque, lors de l'extension de cette mesure aux résidences de tourisme, plusieurs sociétés de gestion chargées de louer ces logements ont soumis aux investisseurs un contrat de bail commercial comportant une clause " rassurante " aux termes de laquelle les propriétaires pouvaient récupérer leur résidence après onze années, tandis que le gestionnaire renonçait, sans indemnité, à toute propriété commerciale. Hélas, les propriétaires ont été bien abusés, car cette clause est nulle en droit. De nombreuses difficultés surgissent en effet lorsqu'ils demandent la résiliation du bail aux sociétés gestionnaires. Celles-ci, n'ayant pas prévenu leurs cocontractants des conditions de cette résiliation, telles que l'article L. 145-14 du code de commerce qui les contraint à verser une indemnité d'éviction, peuvent dès lors revenir sans vergogne sur leur signature. C'est scandaleux ! En outre, elles profitent de délais avantageux puisque les locataires sont autorisés à demeurer dans les lieux tant que le montant de l'indemnité n'a fait l'objet d'aucun accord. Au fond, elles améliorent leurs comptes d'exploitation sur le dos de propriétaires floués.
Cette pratique est d'autant plus répréhensible que lesdites résidences n'ont pas été louées comme locaux commerciaux. Aujourd'hui, les associations de propriétaires lésés fleurissent et leur essor se poursuivra à mesure que les contrats de bail arrivent à échéance. Qu'envisage le Gouvernement pour permettre à ces propriétaires de recouvrer l'entière jouissance de leur bien ?
M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame la députée, la loi Périssol autrefois, la loi Demessine en zone de revitalisation rurale ou encore le statut de loueur en meublé professionnel ou non aujourd'hui, sont autant de dispositifs incitant nos concitoyens à placer leur épargne dans l'immobilier de loisir. Les particuliers sont les premiers investisseurs dans le tourisme, lui-même premier secteur économique. C'est grâce à leurs investissements que se sont développées de nombreuses stations montagnardes ou littorales. Or, certains d'entre eux ne souhaitent ou ne peuvent plus réinvestir dans leur bien - au risque de provoquer une dégradation de l'offre touristique.
L'avantage fiscal et les droits d'utilisation du logement - de l'ordre de plusieurs semaines chaque année - complètent la rentabilité d'un bien immobilier loué. De son côté, l'opérateur exploitant garantit un loyer fixe pour la durée du bail - neuf ans au moins - et assume les risques commerciaux. Il offre plusieurs services tels que l'accueil, le ménage, le petit-déjeuner ou encore la location de linge. Étant donné que toute résidence de tourisme exige la signature d'un bail commercial, la création d'un fonds de commerce est nécessaire, dont l'opérateur exploitant est en droit d'exiger la valorisation à l'échéance du bail. Et pour cause : en moyenne, cinq années sont nécessaires à l'essor économique d'une résidence de tourisme.
Dès lors, il appartient à chacun des investisseurs particuliers d'être vigilant à la signature du bail et de prévoir d'emblée des conditions de séparation avec l'opérateur exploitant.
Il est vrai que le grand nombre d'associations créées ces dernières années illustre la multiplication des litiges. J'ai récemment reçu Mme Demessine et M. Bouvard, qui suivent cette question de près. Le projet de loi relatif au développement du tourisme que je soumettrai au conseil des ministres avant la fin de l'année comportera des mesures de simplification et de rationalisation qui permettront de préserver l'équilibre entre propriétaires, exploitants et locataires et d'éviter une dégradation des résidences de tourisme. Tel est l'objectif du Gouvernement !
M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.
Mme Laure de La Raudière. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir brossé ce panorama complet de l'immobilier touristique. La question des propriétaires lésés s'ajoute à de nombreux autres problèmes que votre projet de loi ne manquera pas de traiter.
Néanmoins, je rappelle qu'entre 1996 et 1999, les pratiques de certains opérateurs ont lésé des propriétaires investisseurs, dont l'objectif était pourtant de récupérer leur bien dans un délai de onze ans - précision d'ailleurs explicite dans le contrat. Hélas, ils ignoraient certaines dispositions du droit commercial dont ni les sociétés de gestion ni les notaires n'ont pris soin de les informer. C'est à ces cas précis qu'il faut apporter une réponse.
Auteur : Mme Laure de La Raudière
Type de question : Question orale
Rubrique : Baux
Ministère interrogé : Économie, industrie et emploi
Ministère répondant : Économie, industrie et emploi
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 octobre 2008