Question orale n° 409 :
Sénat

13e Législature

Question de : M. René Rouquet
Val-de-Marne (9e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. René Rouquet attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement sur les très vives attentes qui s'expriment, dans notre pays, pour voir enfin le Sénat examiner le texte de loi relatif à la pénalisation de la négation du génocide arménien de 1915, qui avait été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale en octobre 2006. Depuis cette date, nombreux sont nos concitoyens à se mobiliser pour que la France légifère enfin contre les négationnistes du premier génocide du XXe siècle et punir, par la loi, ceux qui continuent d'insulter la mémoire des victimes, plus de 90 ans après la tragédie et 7 ans après que la France en ait officiellement reconnu l'existence par une loi de la République. Comme l'a fait la loi Gayssot en 1990 contre les négationnistes de la shoah, il apparaît donc désormais indispensable de sanctionner les comportements négationnistes qui offensent la mémoire du peuple arménien et qui n'ont pas leur place dans la République. Aussi il lui demande ce que le Gouvernement entend mettre en oeuvre dans les meilleurs délais, pour que l'examen de la loi pénalisant le négationnisme du génocide arménien soit inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat.

Réponse en séance, et publiée le 3 décembre 2008

EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA PÉNALISATION DE LA NÉGATION DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

M. le président. La parole est à M. René Rouquet, pour exposer sa question, n° 409, relative à l'examen de la proposition de loi relative à la pénalisation de la négation du génocide arménien.
M. René Rouquet. Monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité pour le Sénat d'inscrire à son ordre du jour la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006, tendant à réprimer la contestation de l'existence du génocide arménien, afin qu'elle la vote dans les mêmes termes.
Le génocide est défini et qualifié comme un crime, tant par le droit français que par le droit international. Les députés de l'Assemblée nationale ont voté, voici plus de deux ans, la proposition de loi pénalisant la négation du génocide arménien, reconnu par la loi française le 29 janvier 2001. Pour prendre effet, cette proposition de loi doit être maintenant inscrite à l'ordre du jour du Sénat et être approuvée.
La négation d'un génocide internationalement reconnu est une insulte à nos valeurs fondamentales et universelles. Depuis l'adoption de cette proposition de loi, nombre de nos concitoyens se sont mobilisés, comme on l'a vu voici quelques jours à quelques mètres d'ici, pour que la Haute assemblée accomplisse cette évolution législative, afin de punir les négationnistes du premier génocide du XXe siècle qui continuent d'insulter la mémoire des victimes, quatre-vingt-treize ans après cette tragédie où périrent 1,5 million de victimes, et sept ans déjà après que la représentation nationale l'a reconnue par une loi de la République.
Cette préoccupation n'est pas seulement celle de la diaspora arménienne de France ou des Français d'origine arménienne ; c'est celle de tous ceux qui sont attachés à la justice et au droit, pour qui la France, patrie des droits de l'homme et berceau des lumières, s'honorerait à adapter désormais sa législation pour condamner pénalement la négation ou la contestation du génocide qui a été perpétré en 1915 contre le peuple arménien.
Aussi, je vous demande ce que le Gouvernement entend mettre en oeuvre dans les meilleurs délais pour que la proposition de loi visant à pénaliser le négationnisme du génocide arménien soit inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence M. Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, retenu par d'autres obligations, que vous avez bien voulu interroger sur le texte de loi relatif à la pénalisation de la négation du génocide arménien de 1915, voté par l'Assemblée nationale en octobre 2006.
Nul ne peut contester que, durant le premier conflit mondial, la communauté arménienne de l'ancien empire ottoman ait été victime de massacres abominables. Cette barbarie a marqué l'histoire de manière indélébile. Ces atrocités sont gravées dans la mémoire des descendants des victimes et la France, qui est fière d'avoir été l'une de leurs principales terres d'asile, en garde le vivant souvenir. Elle sait combien ce douloureux passé fait partie de la mémoire vive du peuple arménien, des descendants et des rescapés qui ont trouvé refuge sur notre territoire. C'est ce qui a poussé la représentation nationale à adopter, en janvier 2001, une loi reconnaissant le génocide arménien de 1915.
Il s'agit là d'un sujet particulièrement important et sensible pour notre opinion publique attachée au respect de la mémoire de chacun. Toutefois, il faut bien garder à l'esprit que le devoir de mémoire n'est pas uniquement dirigé vers le passé. Il nous met tous face à nos responsabilités devant l'avenir. Ce travail de mémoire, les Turcs ont commencé à l'entreprendre ; il faut l'encourager.
Certes, c'est à la Turquie qu'il appartient de mener le débat et de se réconcilier avec son passé, mais l'on ne se réconcilie pas tout seul. Or, une nouvelle dynamique s'est dessinée, ces derniers mois, en faveur du dialogue avec l'Arménie. Nous encourageons également les initiatives engagées par les autorités arméniennes et turques pour faciliter le rapprochement de leurs deux pays. Ce n'est que grâce à ce dialogue que pourront se fermer les blessures du passé et que les deux pays pourront affronter le présent et répondre aux défis de l'avenir.
À ce titre, le rapprochement actuellement en cours au plus haut niveau entre l'Arménie et la Turquie, illustré notamment par la visite que l'on peut qualifier d'historique du président Gül à Erevan, capitale de l'Arménie, en septembre dernier, constitue un geste fort et très encourageant. Ce climat favorable doit se confirmer et se poursuivre afin que la normalisation des relations entre les deux pays, que la France appelle de ses voeux, puisse aboutir au plus vite. Une réouverture de la frontière entre les deux pays, outre le bénéfice mutuel qu'ils en tireraient, contribuerait à créer une nouvelle dynamique politique et économique dans une région qui en a bien besoin.
Je tiens enfin à rappeler que le génocide arménien a été officiellement reconnu par la loi du 29 janvier 2001 et que, par ailleurs, la loi française condamne toute provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale.
S'agissant de la proposition de loi dont vous parlez, la position du Gouvernement est claire et connue : il n'est pas favorable à son inscription à l'ordre du jour du Sénat. Comme je viens de l'évoquer, le dispositif législatif existe déjà. En outre, le Gouvernement considère qu'il n'appartient pas au Parlement de légiférer sur l'histoire et que c'est aux historiens qu'il revient d'écrire et d'interpréter celle ci.
M. le président. La parole est à M. René Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour la première partie de votre réponse. Bien sûr, la seconde partie ne me satisfait pas puisque rien ne permet actuellement de poursuivre pénalement les auteurs de prises de position négationnistes sur ce génocide, comme l'avait fait la loi Gayssot en 1990 contre les négationnistes de la Shoah.
Il est indispensable que le Gouvernement sanctionne les comportements négationnistes qui offensent la mémoire du peuple arménien et n'ont pas leur place dans notre République.
À nos yeux, légiférer constitue non pas un acte mémoriel, mais un acte politique. Plus que jamais, il appartient au Parlement de légiférer contre la négation de ce génocide pour le punir.

Données clés

Auteur : M. René Rouquet

Type de question : Question orale

Rubrique : Parlement

Ministère interrogé : Relations avec le Parlement

Ministère répondant : Relations avec le Parlement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 décembre 2008

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