Question orale n° 445 :
fonctionnement

13e Législature

Question de : M. Guénhaël Huet
Manche (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Guénhaël Huet appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possible fermeture anticipée de certains tribunaux de grande instance dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. Particulièrement pour des villes de taille modeste ou des territoires peu urbanisés, la perte d'un service public est toujours vécue comme un traumatisme. À ce sujet, les garanties données par la chancellerie lors de l'annonce de cette réforme revêtent une importance toute particulière. Ainsi, le relèvement du seuil de compétence des tribunaux d'instance dans les villes qui perdraient leurs tribunaux de grande instance apparaît comme une contrepartie sage, qui ne malmène pas l'esprit de la réforme tout en permettant de conserver un indispensable service de proximité. Aujourd'hui, tandis que la fermeture des tribunaux de grande instance rayés de la carte judiciaire ne devait pas intervenir avant 2011, elle annonce une accélération du dispositif alors même que le relèvement du seuil de compétence des tribunaux d'instance n'est non seulement pas opéré mais même pas encore à l'étude. Il lui demande donc quelles garanties elle peut apporter en ce domaine.

Réponse en séance, et publiée le 10 décembre 2008

RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour exposer sa question, n° 445, relative aux Conditions d'application de la réforme de la carte judiciaire.
M. Guénhaël Huet. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, et elle porte sur les conséquences de la réforme de la carte judiciaire - qui est entrée dans les esprits à défaut d'être déjà entrée en application.
Madame la ministre, l'essentiel des suppressions de juridictions - tribunaux de grande instance ou d'instance, conseils de prud'hommes - prévues dans la réforme de la carte judiciaire, devait avoir lieu en janvier 2011. Or, d'après mes informations, il y a quelques semaines, le secrétaire général de la chancellerie a pris l'initiative assez personnelle d'anticiper la fermeture de certaines juridictions. Cette initiative a eu pour effet de jeter à nouveau de l'huile sur le feu, de raviver des plaies. Très sincèrement, je regrette qu'on ne s'en soit pas tenu à la date du 1er janvier 2011, car il n'était pas nécessaire de remuer le couteau dans la plaie à un moment où les choses commençaient à rentrer dans l'ordre.
Surtout, madame la garde des sceaux, je voudrais connaître les suites que vous réservez à la réforme de la carte judiciaire. L'an dernier, vous vous déclariez prête à examiner, en aval de la réforme, la possibilité de créer un nouveau type de juridiction, les tribunaux d'instance renforcés, en relevant le seuil de compétence des tribunaux d'instance et en leur attribuant le traitement de certains contentieux de proximité tels que ceux qui concernent la famille, en particulier les jugements post-divorce.
La réforme a posé des problèmes que nous avons su gérer au niveau local, même si cela n'a pas été facile. Un an après, madame la garde des sceaux, je voudrais que vous nous indiquiez quelles mesures vous entendez prendre en ce qui concerne les tribunaux d'instance. Allez-vous relever leur seuil de compétence et leur attribuer une partie de ces contentieux de proximité que sont les affaires familiales ?
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Huet, tout d'abord, je tiens à vous remercier pour le soutien que vous avez apporté à la réforme de la carte judiciaire, en faisant preuve de beaucoup de courage et d'un grand sens des responsabilités, puisque votre circonscription est concernée par la suppression d'un tribunal de grande instance.
Vous m'interrogez sur la mise en oeuvre anticipée de la réforme. Celle-ci a débuté le 1er janvier 2008 et doit s'achever le 31 décembre 2010. La révision des implantations judiciaires a donc vocation à se dérouler selon un calendrier échelonné sur trois années. En 2008, nous avons procédé au regroupement de l'ensemble des tribunaux de commerce, qui s'est déroulé sans aucune difficulté, ainsi qu'à celui des conseils des prud'hommes, qui était impératif pour que les élections prud'homales puissent se tenir dans de bonnes conditions. Dans les deux cas, tous les agents concernés ont été reclassés et il a été tenu compte de leurs situations personnelles, y compris des plus difficiles. La première phase de la réforme de la carte judiciaire est donc opérationnelle.
S'agissant des tribunaux d'instance et de grande instance, la mise en oeuvre anticipée de leur regroupement ne résulte pas d'une initiative personnelle du secrétaire général de la chancellerie. Elle a été précédée d'une concertation, notamment avec les chefs de cour. Il est vrai que la réforme de la carte judiciaire, qui a été actée par tous, a été très difficile, notamment pour les élus. Mais elle a été décidée par décret et elle est aujourd'hui entrée en vigueur.
Pourquoi anticipons-nous le regroupement de certains tribunaux ? Dans certaines juridictions, il manque des magistrats, des fonctionnaires ou des greffiers et, dans d'autres, les personnels sont extrêmement inquiets. Il s'agit donc de tenir compte de leur situation personnelle et familiale, notamment de la situation professionnelle des conjoints et des contraintes liées à la rentrée scolaire des enfants. Toutes les mesures prises par anticipation ont ainsi été acceptées par les personnels et les membres de la juridiction. Nous ne bousculons donc personne et nous ne mettons pas d'huile sur le feu.
Encore une fois, le principe de la réforme a été acté. Sa mise en oeuvre n'interviendra pas brutalement le 1er janvier 2011 : elle est progressive et doit s'étaler sur trois ans. Dans certains cas, elle aura lieu au plus tard le 31 décembre 2010 ; dans d'autres, elle sera anticipée, c'est-à-dire qu'elle aura lieu avant cette date. Le regroupement ou la transformation de toutes les juridictions concernées se dérouleront selon ce calendrier, qui n'a pas été modifié : le délai de trois ans pour la mise en oeuvre de la réforme était prévu dès l'origine.
Le regroupement des tribunaux d'instance débutera au 1er janvier 2009 : au premier semestre, nous comptons en fermer un bon tiers. Quant à celui des TGI, il interviendra au second semestre. Ces modalités sont actuellement en cours de discussion, mais, je le répète, il n'y a aucune volonté de modifier le calendrier initialement prévu.
S'agissant du contentieux, la commission présidée par le recteur Guinchard a formulé un certain nombre de préconisations dans un rapport qui fait consensus. La commission n'a pas souhaité revenir sur la définition des seuils concernant les tribunaux d'instance. Il est vrai que des chefs de cour m'avaient proposé de supprimer l'ensemble des tribunaux d'instance et de créer des tribunaux de première instance. Mais, pour des raisons qui tiennent à la situation des personnels et à l'impact immobilier d'une telle réforme, je n'ai pas retenu cette solution.
En revanche, la commission a proposé de redéfinir la répartition des compétences entre les TGI, les tribunaux d'instance et les juridictions de proximité autour de grands blocs de compétence ou de pôles spécialisés, par exemple dans les affaires familiales. Par ailleurs, elle n'a pas remis en cause le juge de proximité, mais la juridiction de proximité.
En tout état de cause, les conclusions du rapport Guinchard ont été rédigées dans un souci d'efficacité de la justice au bénéfice des justiciables. Ainsi, le contentieux des affaires familiales - actuellement très dispersé, puisqu'il est réparti notamment entre le juge des enfants, celui des tutelles ou celui du divorce - sera regroupé au sein de pôles " famille ", afin que tous les magistrats puissent se communiquer facilement les informations relatives à un même dossier. L'objectif de cette réforme est donc d'accroître, dans l'intérêt du justiciable, la rapidité, l'efficacité et la lisibilité de l'action de la justice. Les préconisations du rapport Guinchard seront mises en oeuvre au cours de l'année 2009. Du reste, dans sa proposition de loi relative à la simplification du droit, le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, a déjà repris quelques-unes de ses recommandations.
En conclusion, nous respectons le calendrier de mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire. Les anticipations sont dues à la nécessaire prise en compte de la situation personnelle des agents : fonctionnaires, greffiers ou magistrats. Quant aux tribunaux d'instance dits renforcés, sur lesquels vous m'avez interrogée, leur organisation dépend de celle des audiences notamment. Par exemple, quand un tribunal de grande instance est transformé en tribunal d'instance, celui-ci peut conserver des compétences du TGI. C'est à la discrétion des chefs de cour. Tantôt le maintien de ces compétences sera automatique, tantôt il dépendra des contentieux dont les magistrats sont saisis.
M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.
M. Guénhaël Huet. Je vous remercie, madame la garde des sceaux. Toutefois, je me permets d'insister sur le fait qu'une compensation, au bon sens du terme, est nécessaire pour que la réforme soit définitivement acceptée. Or une telle compensation consiste, quels que soient les procédures ou les moyens utilisés, à maintenir les contentieux de proximité au niveau des tribunaux d'instance. Je souhaite donc que l'on puisse avancer dans cette direction. Cela permettra de faciliter les choses dans de nombreux cas, d'autant que certains projets de réforme que vous avez actés se heurtent au coût très élevé des programmes immobiliers, qui posent problème au niveau local.

Données clés

Auteur : M. Guénhaël Huet

Type de question : Question orale

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 décembre 2008

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