pêche
Question de :
Mme Annick Le Loch
Finistère (7e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Annick Le Loch appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la nécessité d'une clarification concernant le recouvrement du Fonds de prévention des aléas de la pêche et la mise en oeuvre des principales mesures contenues dans le plan pour une pêche durable et responsable. Il a récemment affirmé que pour lui « le suivi compte autant que l'effet d'annonce ». C'est précisément sur ce suivi qu'elle aimerait l'interroger. Concernant tout d'abord le Fonds de prévention des aléas de la pêche (FPAP), la Commission européenne demande aux entreprises de pêche de rembourser les aides versées. Cette demande de remboursement risque de fragiliser des entreprises de pêche et suscite de nombreuses inquiétudes. Pour procéder au recouvrement, il a indiqué récemment avoir demandé à la Commission que soient prévues « des mesures réalistes, pragmatiques, ciblées et très progressives ». Comment va s'organiser concrètement le remboursement de ces sommes exigées par la Commission ? Second sujet d'inquiétude, l'avenir des contrats bleus. Ce dispositif, lui aussi, est aujourd'hui en suspens. Comme pour le FPAP, c'est le plus grand flou qui règne. La Commission a demandé à la France de reformuler plusieurs dispositions des contrats bleus qui n'étaient pas « eurocompatibles ». A propos du travail fait en lien avec la Commission, il a récemment déclaré : « pour les contrats bleus, certains ajustements étaient nécessaires mais ils n'ont franchement pas été vidés de leur contenu ». Elle lui demande de lui préciser d'une part que les contrats bleus ont bien été validés par la Commission européenne, et d'autre part, les aspects sur lesquels ont porté les ajustements nécessaires évoqués. Enfin, elle souhaiterait qu'il puisse apporter une clarification au sujet des aides sociales personnalisées. Il semble là encore que la Commission se montre réticente face à ce qu'elle assimile à des aides d'État et à une forme de distorsion de concurrence. Elle lui demande si ces aides sont aujourd'hui menacées et où en sont les discussions avec Bruxelles. FPAP, contrats bleus, aides sociales, écotaxe (dont 32 millions serviraient à renflouer l'ENIM) ; les marins, leurs familles, les entreprises et territoires vivant de l'économie de la pêche ont besoin de réponses claires et d'être rapidement rassurés. A l'heure où se décident les engagements pour un plan de sauvetage et de restructuration dont elle a pu prendre connaissance sous criée avec les professionnels le 20 décembre dernier, elle lui demande de lui rendre compte sur chacun des différents points évoqués de l'état d'avancement des dispositifs censés soutenir la pêche, et des points de blocage qui perdurent avec la Commission européenne.
Réponse en séance, et publiée le 14 janvier 2009
MISE EN OEUVRE DU PLAN POUR LA PÊCHE
M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch, pour exposer sa question, n° 483, relative à la mise en oeuvre du plan pour la pêche.Mme Annick Le Loch. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, j'appelle votre attention sur la nécessité d'une clarification s'agissant du recouvrement du Fonds de prévention des aléas de la pêche et de la mise en oeuvre des principales mesures du plan pour une pêche durable et responsable.
Vous avez récemment affirmé que, pour vous, " le suivi compte autant que l'effet d'annonce " ; c'est justement sur ce suivi que j'aimerais vous interroger, car la poursuite de cet engagement est pour moi une source constante d'inquiétude.
S'agissant tout d'abord du Fonds de prévention des aléas de la pêche, le fameux FPAP, la Commission européenne demande aux entreprises de pêche, vous le savez, de rembourser les aides versées. Or cette demande risque de fragiliser ces entreprises et suscite de nombreuses inquiétudes. Vous avez indiqué récemment avoir demandé à la Commission que soient prévues, pour procéder au recouvrement, " des mesures réalistes, pragmatiques, ciblées et très progressives ". Comment s'organisera concrètement le remboursement de ces sommes exigées par la Commission ?
L'avenir des contrats bleus est un autre sujet d'inquiétude : ce dispositif, lui aussi, est aujourd'hui en suspens. Comme pour le FPAP, la plus grande confusion règne. La Commission a demandé à la France, me semble-t-il, de reformuler plusieurs dispositions des contrats bleus qui n'étaient pas " eurocompatibles ". À propos du travail effectué en lien avec la Commission, vous avez récemment déclaré : " Pour les contrats bleus, certains ajustements étaient nécessaires mais ils n'ont franchement pas été vidés de leur contenu. " Pouvez-vous me préciser, d'une part, que les contrats bleus ont bien été validés par la Commission européenne et, d'autre part, les aspects sur lesquels ont porté les ajustements nécessaires que vous évoquez ?
Enfin, je souhaiterais des éclaircissements s'agissant des aides sociales personnalisées. Là encore, la Commission semble réticente face à ce qu'elle assimile à des aides d'État et à une forme de distorsion de concurrence. Ces aides sont-elles aujourd'hui menacées ? Devront-elles être un jour remboursées, comme pour le FPAP ? Où en sont vos discussions avec Bruxelles sur ce point ? Dans ce domaine aussi, les plus grandes inquiétudes demeurent.
Monsieur le ministre, sur le FPAP, sur les contrats bleus, sur les aides sociales - et je pourrais ajouter l'écotaxe, dont j'ai appris incidemment, lors d'une réunion, que 32 millions servaient à renflouer l'Établissement national des invalides de la marine, qu'il faut bien trouver le moyen d'alimenter puisque aucune cotisation n'a été versée -, les marins, leurs familles, les entreprises et les territoires vivant de l'économie de la pêche ont besoin de réponses claires.
À l'heure où se décident les mesures d'un plan de sauvetage et de restructuration dont j'ai pu prendre connaissance sous la criée du Guilvinec, avec les professionnels, le 20 décembre dernier, pouvez-vous me rendre compte, sur chacun des différents points évoqués, de l'état d'avancement des dispositifs censés soutenir la pêche, et des points de blocage qui perdurent à la Commission européenne ?
Et puisque vous me faites l'honneur de votre présence sur nos bancs ce matin, monsieur le ministre, je souhaite également vous interroger sur un sujet qui ne laisse pas d'inquiéter, à savoir le plan de sortie de flotte, troisième du nom : combien de navires, pour quel montant et dans quels quartiers maritimes ?
M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Il est normal vis-à-vis du Parlement, de vous, madame Le Loch, et d'un secteur auquel je suis très attaché, que je vienne personnellement vous répondre. Cet attachement s'est d'ailleurs traduit, au-delà des discours, par l'augmentation sans précédent du budget alloué à la pêche et à l'aquaculture pour 2009.
Vos questions, qui ont trait à l'acceptation de plusieurs dispositifs par la Commission européenne, préoccupent les professionnels ; je veux leur dire la vérité, les rassurer et poursuivre la concertation. En tant que ministre, et fort de mon expérience d'ancien commissaire européen, je déploie beaucoup d'efforts pour entretenir un dialogue constructif, mais jamais complaisant, avec la Commission. S'agissant de l'une des toutes premières politiques communautaires, le dialogue avec celle-ci s'impose d'ailleurs, au même titre que pour la PAC.
Pour ce qui concerne le FPAP, je vous confirme avoir demandé à la Commission européenne que le remboursement des aides qu'elle a décidé soit mis en oeuvre de manière progressive, réaliste, pragmatique, et après une analyse cas par cas de la situation des différentes entreprises. Ce remboursement ne doit pas mettre en péril la pérennité des entreprises, et ne la mettra pas : j'y veillerai attentivement.
À ce stade, les modalités de mise en oeuvre ne sont pas encore précisément arrêtées, les expertises nécessaires étant en cours de réalisation. Dès qu'elles seront finalisées dans les conditions que j'indiquais, j'en informerai les professionnels concernés.
S'agissant des contrats bleus, leur mise en place tout au long de l'année 2008 a été conduite en concertation étroite avec les structures professionnelles qui portent les projets et dans la plus grande transparence vis-à-vis de la Commission européenne, laquelle a été tenue informée de la conception et de la mise en oeuvre des contrats : je m'en suis plusieurs fois entretenu avec M. Joe Borg, commissaire européen en charge de la pêche.
Ces multiples échanges ont permis à la Commission de valider le principe des contrats bleus, lequel n'est pas contesté. La plupart des mesures présentées à la Commission depuis l'été 2008 ont été approuvées par elle : ramassage des engins de pêche perdus et des déchets en mer, obligation de peser et de déclarer la pêche dans les halles à marée, adoption de pratiques de pêche sélectives plus contraignantes que ce qu'impose la réglementation, ou encore raccourcissement des marées.
Seules deux mesures ont fait l'objet d'observations de la part de la Commission, qui a, en premier lieu, fait savoir que la mesure de réduction du nombre de jours de mer n'était pas éligible dans le cadre des contrats bleus, mais pouvait être aidée à travers les dispositions du fonds européen pour la pêche relatives aux arrêts temporaires des activités de pêche. Mes services travaillent donc actuellement à la reconfiguration de cette mesure, en tenant compte des obligations imposées par la Commission, mais aussi de son ouverture au sujet du financement via le fonds européen pour la pêche.
S'agissant, en second lieu, de la mesure visant à l'abandon de la technique de pêche dite du " chalut jumeau ou triple ", la Commission a indiqué que son indemnisation était conditionnée par l'abandon effectif de cette technique et qu'elle ne saurait avoir un effet purement incitatif.
Tels sont les deux points sur lesquels nous continuons à travailler dans le cadre des contrats bleus, lesquels seront reconduits en 2009. Les mesures approuvées par la Commission pourront être poursuivies et nous en étudions de nouvelles. Je rappelle que ce sont les marins eux-mêmes qui ont proposé cette forme de contractualisation, justifiant, dans le plan d'action pour une pêche durable et responsable, l'emploi de ce dernier adjectif.
Pour ce qui concerne enfin l'aide sociale, la Commission a fait part aux autorités françaises de ses doutes quant à l'" euro-compatibilité " de la mesure. Elle considère en effet que les entreprises bénéficient indirectement de l'aide sociale accordée à leurs salariés, et que cela affecte les règles de concurrence. La France, je le dis au nom du Gouvernement, ne partage pas l'appréciation de la Commission et le lui a fait savoir. De tels désaccords entre la Commission et un État membre ne sont d'ailleurs pas anormaux : les points de vue doivent être confrontés.
L'aide sociale est versée directement aux marins afin de leur permettre, ainsi qu'à leurs familles, de bénéficier d'un minimum de revenus, mais elle n'affecte pas les salaires versés par les entreprises et ne constitue donc pas une aide pour elles. En effet, cette aide est versée sans préjudice du respect du salaire minimum existant dans le secteur de la pêche. L'entreprise verse au salarié le même salaire, avec ou sans aide. L'aide sociale ne se substituant en aucun cas au salaire, elle n'a donc pas pour effet de substituer l'État aux entreprises, contrairement à ce qu'estime la Commission. Nous poursuivons le dialogue avec celle-ci et mettrons tout en oeuvre pour que ladite aide soit validée.
Enfin, j'ai bien noté votre dernière question relative aux plans successifs de sortie de flotte : je vous répondrai précisément, par écrit, dans les prochains jours.
S'il reste des points à préciser, les nombreux échanges que nous avons eus avec la Commission et l'esprit de transparence qui, depuis le début, prévaut vis-à-vis d'elle, ont permis la validation de l'ensemble des mesures du plan pour une pêche durable et responsable. Ces mesures, techniquement et financièrement sans précédent, décidées en faveur des pêcheurs, doivent permettre, moyennant un suivi en effet aussi important que l'effet d'annonce, de préserver leur activité et de leur offrir l'avenir qu'ils sont en droit d'attendre.
M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch.
Mme Annick Le Loch. Merci pour votre réponse, monsieur le ministre.
Il serait catastrophique, pour les équipages, d'avoir à rembourser un jour les aides sociales ; j'espère donc que cela n'arrivera jamais. Quant aux aides du FPAP, il me semble que l'on avait reconnu leur caractère " euro-incompatibles ", tout en ajoutant que cela n'empêchait pas de les verser. On ne manque pas de le rappeler aujourd'hui sur les quais, où s'expriment des inquiétudes. Les entreprises, qui élaborent actuellement des plans de sauvetage et de restructuration des équipages, n'intègrent donc pas, dans leurs bilans, les remboursements de FPAP, lesquels pourraient les mettre en péril.
Dans les multiples réunions auxquelles j'assiste, la question des contrats bleus et des remboursements de FPAP est sur la table : j'espère donc que votre pugnacité, que je reconnais, permettra d'apporter des réponses à la profession.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture. Juste un mot, madame la députée.
S'agissant du remboursement éventuel des aides versées via le FPAP, je répète qu'il n'interviendra, le cas échéant, qu'étalé sur plusieurs années et en fonction de la situation de chaque entreprise. C'est ce dont nous discutons avec la Commission. J'ignore ce qu'a déclaré le Gouvernement qui a versé ces aides, mais il est clair qu'elles s'adressaient aux entreprises : le risque qu'elles contreviennent aux règles communautaires était donc bien identifié.
L'aide sociale est différente, puisque, j'y ai veillé, elle est versée aux personnes, notamment à des marins-pêcheurs qui, pour certains, percevaient des salaires négatifs lors de la flambée du prix du pétrole. Heureusement, celui-ci a baissé depuis quelques mois, mais, je le répète, une telle aide me semble " euro-compatible " dès lors qu'elle est versée aux personnes.
Auteur : Mme Annick Le Loch
Type de question : Question orale
Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle
Ministère interrogé : Agriculture et pêche
Ministère répondant : Agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 janvier 2009