Question orale n° 51 :
services extérieurs

13e Législature

Question de : M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe

M. Nicolas Dupont-Aignan interroge M. le Premier ministre sur l'urgente réforme de l'État qui implique notamment un redéploiement, voire une rationalisation, de ses services et établissements dans les régions, ce dont plus personne ne conteste le principe et ce, depuis fort longtemps. En revanche, sur une question aussi cruciale pour l'avenir des régions, il va de soi que la plus grande égalité de traitement possible entre les territoires, le souci en conséquence d'une approche globale et cohérente à l'échelle de chacun d'entre eux et une réelle volonté de dialogue, doivent animer l'État lors des concertations avec les élus locaux et les agents de la fonction publique. Il s'agit en somme de faire exactement le contraire de ce qui a été fait depuis quelques mois pour réformer la carte judiciaire. Non seulement le ministère de la justice a eu la main trop lourde sur le fond, pratiquant de véritables tailles à la hache selon une logique purement comptable, mais aussi il a fait preuve dans la méthode de maladresse et d'autoritarisme, qui ont légitimement hérissé jusqu'aux élus de la majorité. Ces contre-exemples devraient servir de leçon pour que, y compris en ce qui concerne la présente refonte de la carte judiciaire, le Gouvernement corrige maintenant le tir et engage une politique enfin ambitieuse, globale et plus consensuelle. Pour réussir, cette nouvelle politique qu'attendent les Français, les élus et les fonctionnaires, doit obéir à quelques principes simples : premier d'entre eux, il faut investir là où les besoins sont criants : ce n'est pas en fermant pléthore de tribunaux que l'ont résoudra la misère de notre justice, laquelle dispose d'un budget par habitant moitié moindre qu'en Grande-Bretagne et en Allemagne. Alors la réforme de la carte judiciaire oui, mais si et seulement si le défaut de moyens lancinant est enfin comblé. Il faut dans ce domaine une politique de donnant-donnant. Second principe, il est nécessaire d'envisager le redéploiement des établissements et services déconcentrés de l'État à l'échelle de chaque territoire concerné, et non à l'échelle de chaque ministère animé dans son coin par une pure logique comptable. C'est pourquoi, il lui paraît indispensable de mettre sur pied des schémas départementaux d'aménagement du territoire, qui repartissent intelligemment et de manière équitable - c'est-à-dire selon des critères objectifs indiscutables - les conséquences de cette rationalisation. Ainsi, les petites et moyennes villes ne seraient-elles pas dépouillées de toutes leurs administrations mais verraient au contraire le maintien d'un établissement public, d'un hôpital, d'un tribunal, d'une caserne, d'un hôtel des impôts, etc. dont la taille et les moyens seraient accrus. C'est par cette politique de spécialisation des activités par ville et par la relance de la délocalisation des établissements public de l'Île-de-France vers les autres régions que l'on rationalisera non seulement les dépenses, mais aussi l'efficacité des services et l'action de la République sur l'ensemble du territoire. Naturellement, seule une DATAR remise à niveau et chargée expressément de cette mission globale pourrait, sous l'autorité directe du Premier ministre, mener à bien cette impérieuse réforme.

Réponse en séance, et publiée le 5 décembre 2007

RÉFORME DE L'ÉTAT
ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour exposer sa question, n° 51, relative à la réforme de l'État et à l'aménagement du territoire.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Je souhaitais interroger M. le Premier ministre sur les conséquences de la réforme de l'État sur l'aménagement du territoire, notamment dans les villes petites et moyennes et les zones rurales.
Chacun convient que la réforme de l'État est urgente et nécessaire. Le Gouvernement a donc raison de vouloir la mener à son terme. Reste que, pour qu'elle soit acceptée et comprise, il faut veiller à répartir les efforts sur l'ensemble du territoire. À cet égard, la réforme de la carte judiciaire, qui a suscité une certaine tension, même dans les rangs de la majorité, ne peut que nous inquiéter.
Nous savons qu'elle sera suivie d'une réforme de la carte hospitalière et que, de manière légitime, tous les ministères devront bientôt revoir leur organisation. Si chacun le fait indépendamment des autres, ce sont toujours les mêmes petites villes et les mêmes zones rurales qui seront sacrifiées. Celles qui ont perdu cette année un tribunal d'instance perdront l'an prochain un hôpital de moyen séjour et, l'année suivante, une caserne militaire, alors même qu'elles sont frappées par les délocalisations. Celles-ci, on le sait, sont particulièrement importantes dans les villes moyennes ou les petites villes des zones rurales où l'activité économique s'était fortement implantée dans les années soixante.
Si l'on tronçonne ainsi la réforme de l'État, certains territoires connaîtront une crise aiguë, sans pour autant que les territoires urbains, notamment les banlieues, bénéficient d'un traitement de faveur. Je rappelle ce qui s'est passé pour la carte judiciaire : on nous a assuré que la suppression des tribunaux était menée dans une optique de redéploiement, afin de créer des tribunaux d'instance là où ils manquaient. Malheureusement, dans l'Essonne, les 160 000 habitants du Val d'Yerres et du Val de Seine n'ont aucun accès à la justice et, malgré l'existence de cités difficiles, le Gouvernement n'a annoncé aucune création. Vous comprendrez donc l'inquiétude des zones rurales et urbaines, qui craignent une réforme de l'État à la hache, appliquée sans concertation ni organisation.
C'est pourquoi j'appelle votre attention sur la nécessité d'établir des schémas départementaux ou régionaux d'aménagement du territoire, qui veilleraient à répartir les efforts de manière équitable entre les petites villes d'un même territoire, afin que ce ne soient pas toujours les mêmes qui paient, souvent très cher, le prix de la réorganisation légitime des services publics. Peut-on savoir ce que le Gouvernement entend faire pour coordonner au niveau régional l'application des réformes des différents ministères ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser M. le Premier ministre, retenu ce matin, qui m'a chargé de vous répondre.
Vous soulevez un problème important : comment concilier le souci de l'aménagement du territoire et la réforme de la présence de l'État sur le terrain ? Le Gouvernement souhaite adapter l'État et la fonction publique aux enjeux de notre temps, et leur donner davantage de capacités d'expertise dans un monde de plus de plus en plus complexe à administrer. C'est, vous l'avez souligné vous-même, une nécessité, conséquence logique d'une décentralisation confirmée par tous les gouvernements et dont l'État n'a pas encore tiré toutes les conséquences dans son organisation territoriale. De plus, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux permettra de redonner du pouvoir d'achat aux fonctionnaires et des marges de manoeuvre à l'État. Cette réforme est aussi un formidable défi, pour réorganiser les services et les méthodes, au bénéfice d'un État plus efficace, recentré sur ses missions essentielles : la compétitivité de la France, la sécurité et la préservation du lien social.
L'État ne mènera pas cette réforme à bien sans réviser son implantation sur le territoire. Le Gouvernement mesure bien entendu les inquiétudes que cette adaptation peut susciter. Comme les élus locaux, dont vous vous faites le relais, nos concitoyens craignent qu'elle ne dégrade les services rendus au public et n'ait un impact négatif sur le développement de leurs communes.
Il lui appartient de répondre à ces inquiétudes.
Tout d'abord, les collectivités, les établissements publics et les organismes de sécurité sociale gèrent déjà, plus souvent que l'État, le quotidien de nos concitoyens.
Ensuite, le premier niveau d'accueil est la commune. Et c'est bien à ce niveau qu'il faut travailler pour renforcer les synergies qui se créent et faire apparaître les meilleures initiatives, notamment pour améliorer le service aux usagers.
Enfin, fondamentalement, l'attrait d'un territoire dépend surtout de sa capacité à valoriser des atouts, à offrir à ses habitants un logement, un cadre de vie adaptés, un environnement préservé et des services aux personnes performants. Vous l'avez souligné tout à l'heure dans votre question.
L'État veillera donc, dans ses différentes réformes, à ne pas concentrer sur un même territoire les fermetures des services. Il devra tenir compte de la fragilité de certains bassins d'emploi, du poids que telle ou telle structure dans l'économie locale et de la réalité des départements ruraux, que vous avez rappelée, monsieur le député, et que je connais bien. Il veillera le cas échéant à aider à la revitalisation de ces territoires, comme il demande aux grandes entreprises de le faire.
Quant à votre suggestion de mettre en place des schémas régionaux, qui fassent mieux apparaître l'évolution de la présence de l'État, la DIACT est bien entendu appelée à animer la politique d'aménagement du territoire, qui aidera les régions à répondre à l'ensemble de ces défis.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Vous avez évoqué les collectivités locales et le rôle des communes. J'aimerais que le Gouvernement se penche sur la question de la péréquation financière. Plus il se reposera sur la commune, plus cette péréquation doit être importante. Ce n'est pas le cas actuellement, ce qui risque d'aggraver considérablement les inégalités, notamment en Île-de-France.
Quant au service public et au rôle des grandes entreprises publiques, Mme Colot, autre élue du département de l'Essonne, interrogera dans un instant le Gouvernement sur la dégradation du service de La Poste. Il faut évidemment veiller à ce que de grands établissements ou entreprises publics ne défassent pas continuellement ce que le Gouvernement accomplit chaque jour.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan

Type de question : Question orale

Rubrique : Ministères et secrétariats d'état

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2007

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