Question orale n° 547 :
droit du travail

13e Législature

Question de : Mme Laure de La Raudière
Eure-et-Loir (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Mme Laure de La Raudière interroge M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur les difficultés rencontrées par de nombreux chefs d'entreprises, en raison de l'imprécision actuelle des articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail, qui aboutit à une confusion dans la définition des infractions constituant le prêt de main-d'oeuvre illicite et le délit de marchandage. Le prêt de main-d'oeuvre illicite est actuellement défini comme étant toute opération à but lucratif ayant pour seul objet le prêt de salarié. Le délit de marchandage est actuellement défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour conséquence de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou conventionnelles. Toutes les entreprises prestataires de services (forces de vente, nettoyage, accueil, gardiennage, informatique, maintenance..., sous-traitance en général) sont amenées à mettre à disposition leur personnel auprès d'une société cliente. L'inspecteur du travail, les syndicats, le personnel peuvent, sur le fondement des articles précités, saisir le juge pénal pour que l'entreprise prestataire de service et l'entreprise cliente soient condamnées pour les délits de marchandage et/ou de prêt de main-d'oeuvre illicite. L'imprécision actuelle des articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail ne permet pas une application prenant en compte l'évolution et la complexité accrue des tâches développées par les entreprises prestataires de services. La généralité et l'imprécision du contenu de ces articles sont à l'origine de nombreux contentieux à l'occasion desquels des sous-traitants ou prestataires de services ont été soit condamnés pénalement, ou civilement, soit au contraire relaxés après de longues et injustes poursuites. Cette situation fait peser un risque anormal sur l'entrepreneur prestataire de services, ce qui justifie de donner une définition des éléments constitutifs du prêt de main-d'oeuvre illicite. Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l'économie, le Gouvernement avait pris l'engagement de travailler sur ce sujet. Aussi, elle souhaiterait connaître les mesures qu'il envisage de prendre pour solutionner ce problème rapidement.

Réponse en séance, et publiée le 4 février 2009

DÉLITS DE MARCHANDAGE ET DE PRÊT ILLICITE
DE MAIN-D'OEUVRE

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour exposer sa question n° 547, relative à l'imprécision de la définition des délits de marchandage et de prêt illicite de main-d'oeuvre dans le code du travail.
Mme Laure de La Raudière. Ma question s'adresse à M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Elle concerne les difficultés rencontrées par de nombreux chefs d'entreprise de prestations de services en raison de l'imprécision actuelle de la définition du prêt de main-d'oeuvre illicite et du délit de marchandage dans les articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail. Ma question s'inscrit pleinement dans le cadre du contrôle des engagements pris par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l'économie.
Le prêt de main-d'oeuvre illicite est actuellement défini comme étant toute opération à but lucratif ayant pour seul objet le prêt de salarié. Le délit de marchandage, quant à lui, est actuellement défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour conséquence de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou conventionnelles. Toutes les entreprises prestataires de services - forces de vente, nettoyage, accueil, gardiennage, informatique, maintenance, sous-traitance en général - sont amenées à mettre à disposition leur personnel auprès d'une société cliente. L'inspecteur du travail, les syndicats, le personnel peuvent, sur le fondement des articles précités, saisir le juge pénal pour que l'entreprise prestataire de service et l'entreprise cliente soient condamnées pour les délits de marchandage et/ou de prêt de main-d'oeuvre illicite. Ces entreprises risquent une condamnation pénale dans un flou reconnu de tous et qui n'est que relativement juridique.
Prenons un seul exemple : celui d'une entreprise mettant un animateur commercial à disposition de grandes marques agro-alimentaires. Celui-ci a été formé par l'entreprise qui l'emploie, et il se rend dans les supermarchés pour faire la promotion du produit de la marque cliente. Il arrive d'ailleurs fréquemment qu'un animateur commercial effectue des prestations pour plusieurs marques différentes, toutes clientes de l'entreprise dans laquelle il est employé. Or le dirigeant de l'entreprise qui l'emploie peut parfaitement être attaqué pour prêt illicite de main-d'oeuvre et délit de marchandage. La personne portant plainte va arguer que l'animateur commercial travaille en réalité pour la marque agro-alimentaire initialement cliente de l'entreprise employeuse, et donc considérer qu'il doit bénéficier des avantages de l'entreprise de la marque agro-alimentaire : convention collective, convention d'entreprise. La définition actuelle retenue par le code du travail ignore totalement que l'entreprise prestataire de services a son propre savoir-faire, transmis à son salarié, et sa propre convention collective. Les dispositions législatives en vigueur ignorent que l'animateur commercial peut travailler chez plusieurs clients. On aboutit donc à des plaintes au pénal contre les dirigeants des entreprises proposant des prestations d'animation commerciale, avec des relaxes au bout de trois ou quatre ans, après une période de stress constant pour les personnes poursuivies.
Un tel exemple montre que l'imprécision des articles L. 8231-1 et L. 8241-1 du code du travail ne permet pas une application prenant en compte l'évolution et la complexité accrue des tâches développées par les entreprises prestataires de services. C'est un sujet important, étant donné l'augmentation du nombre d'emplois dans ce secteur en développement. La généralité et l'imprécision du contenu de ces articles sont à l'origine de nombreux contentieux. Le risque anormal qui pèse sur l'entrepreneur prestataire de services justifie de donner une définition des éléments constitutifs du prêt de main-d'oeuvre illicite ou du délit de marchandage.
Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l'économie, le Gouvernement avait pris l'engagement de travailler sur ce sujet. Quelles mesures M. Hortefeux envisage-t-il de prendre pour régler ce problème rapidement, conformément à cet engagement pris en juin dernier ?
M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame Laure de La Raudière, M. le ministre du travail vous prie d'excuser son absence, et je vous remercie de votre compréhension.
Vous travaillez activement sur ces sujets avec beaucoup de compétence et d'humanité, chacun le sait, Brice Hortefeux en particulier. Je suis en mesure de vous confirmer en son nom qu'une mission de réflexion a été confiée, le 20 novembre 2008, par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, à Thomas Chaudron, chef d'entreprise et ancien président du Centre des jeunes dirigeants, sur la place du tiers dans la relation de travail, thème incluant notamment la question que vous avez évoquée avec beaucoup de précision, à savoir le cadre légal applicable en matière de prêt de main-d'oeuvre.
M. Thomas Chaudron a remis son rapport à Brice Hortefeux le 2 février. Il émet un certain nombre de propositions concernant la possibilité de prêt de personnel dans des bassins d'emploi, en fonction de la nature des missions exercées. Le rapport ayant été rendu hier, vous comprendrez que le ministre ait besoin d'un peu de temps pour étudier ces propositions et pour pouvoir se prononcer concrètement sur la suite à leur donner. Mais je suis sûr qu'il sera à votre écoute et qu'il mènera, avec vous et les autres parlementaires concernés par cette question importante, toute la concertation nécessaire.

Données clés

Auteur : Mme Laure de La Raudière

Type de question : Question orale

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

Ministère répondant : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2009

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