carte scolaire
Question de :
Mme Annick Lepetit
Paris (17e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Annick Lepetit interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation des collèges parisiens. Certains établissements connaissent de fortes tensions mais ne disposent pas de moyens suffisants pour y faire face. S'ils ne sont pas inscrits dans la carte d'éducation prioritaire, ils ne peuvent bénéficier de moyens supplémentaires et adaptés pour l'accompagnement des élèves. Par ailleurs, certains établissements ont été particulièrement touchés par la politique « d'assouplissement » de la carte scolaire engagée par le Gouvernement. C'est toute la mixité sociale au sein des collèges qui est mise à mal. Globalement, sur Paris, les dérogations ont augmenté de 20 % (1 700 dérogations) à la rentrée 2008 par rapport à celle de 2007 (1 400 dérogations). La politique de dérogation massive assèche littéralement certains établissements de ses effectifs, effectifs qui conditionnent malheureusement l'octroi des aides spécifiques de l'État. C'est particulièrement le cas au collège Boris Vian, dans le 17e arrondissement. Loin de résoudre les inégalités d'accès à l'éducation, ces politiques conduisent au creusement des inégalités et provoque de graves déséquilibres entre les différents collèges. C'est l'un des fondements du pacte républicain qui est menacé. Après six mois de mise en place, et au regard des premiers éléments de bilan qui remontent des territoires, elle lui demande s'il compte revenir sur sa politique « d'assouplissement » de la carte scolaire. Elle souhaite connaître également les mesures concrètes qu'il compte prendre pour, en lien avec les départements, rééquilibrer les moyens financiers et humains en faveur des collèges qui perdent un grand nombre d'élèves et adapter la carte d'éducation prioritaire à la réalité des territoires et des populations.
Réponse en séance, et publiée le 11 février 2009
CONSÉQUENCES DE LA POLITIQUE D'ASSOUPLISSEMENT DE LA CARTE SCOLAIRE À PARIS
M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour exposer sa question, n° 559, relative aux conséquences de la politique d'assouplissement de la carte scolaire à Paris.Mme Annick Lepetit. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et a trait à la situation des collèges parisiens. Certains établissements connaissent de fortes tensions, mais ne disposent pas de moyens suffisants pour y faire face. S'ils ne sont pas inscrits dans la carte d'éducation prioritaire, ils ne peuvent bénéficier de moyens supplémentaires et adaptés pour l'accompagnement des élèves. Cette insuffisance budgétaire en faveur des établissements publics en difficulté entraîne déjà une fuite des élèves.
Par ailleurs, certains établissements ont été particulièrement touchés par la politique dite d'" assouplissement " de la carte scolaire engagée par le Gouvernement. Celle-ci fragilise un peu plus les collègues en difficulté en accentuant le mouvement de fuite. C'est toute la mixité sociale au sein de ces collèges qui est mise à mal. Globalement, à Paris, les dérogations ont augmenté de 20 % à la rentrée 2008 par rapport à celle de 2007. Cette politique de dérogations massives, combinée à une restriction des moyens alloués aux établissements en difficulté, vide littéralement certains établissements de leurs effectifs, effectifs qui conditionnent l'octroi des aides spécifiques de l'État. C'est particulièrement le cas au collège Boris-Vian, dans le 17e arrondissement.
Loin de résoudre les inégalités d'accès à l'éducation, ces politiques creusent les inégalités et provoquent de graves déséquilibres entre les différents collèges. Après six mois de mise en place, et au regard des premiers éléments de bilan qui remontent des territoires, je demande à M. le ministre de l'éducation nationale si le Gouvernement compte revenir sur sa politique d'" assouplissement " de la carte scolaire. Je souhaite également connaître les mesures concrètes qu'il compte prendre pour, en lien avec les départements et la communauté éducative, rééquilibrer les moyens financiers et humains en faveur des collèges qui perdent un grand nombre d'élèves.
M. le président. La parole est à M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la députée, Xavier Darcos m'a demandé de vous faire la réponse suivante.
Que vous contestiez aux familles le droit de pouvoir choisir l'établissement scolaire de leurs enfants, c'est une position que les Français ont déjà réprouvée par trois fois.
La première fois en élisant un Président de la République et une majorité parlementaire dont le programme prévoyait très explicitement de leur offrir cette nouvelle liberté.
La deuxième fois en essayant par tous moyens, et depuis des années, de contourner la carte scolaire que vous cherchez à leur imposer coûte que coûte. Et c'est précisément parce que seuls les plus informés et les plus fortunés pouvaient y parvenir que nous avons voulu instaurer des règles claires et transparentes, valables pour tous.
Et puis, vous l'indiquez vous-même dans votre question, les Français vous ont démenti une troisième fois en exerçant le droit qui leur est désormais reconnu, dans des conditions qui sont à présent bien plus satisfaisantes à l'idéal républicain de justice et d'équité puisque rappelle que les dérogations sont désormais accordées, d'une part, en tenant compte de la place disponible dans les établissements scolaires, d'autre part, quand la demande est supérieure à l'offre, en accordant la priorité aux élèves relevant de critères sociaux - les élèves boursiers par exemple - ou médicaux, notamment les élèves atteints d'un handicap, ou encore aux élèves souhaitant s'inscrire dans une section n'existant pas ailleurs.
Aussi, madame la députée, le ministre ne peut-il que s'inscrire en faux contre le constat que vous venez de tracer des effets de la suppression de la carte scolaire. Je vous rappelle, notamment, que près de 75 % des demandes de dérogation sont liées aux critères qui viennent d'être énumérés, ce qui montre une fois de plus, si cela était nécessaire, que l'enjeu est avant tout un enjeu de justice sociale.
S'agissant du collège Boris-Vian, que vous prenez en exemple à l'appui de votre démonstration, vous devez savoir que cet établissement a connu au cours des dernières années une lente érosion de ses effectifs, érosion liée davantage au contexte démographique du nord de Paris qu'aux décisions relatives à la carte scolaire.
À la rentrée dernière, nous avons accordé trente-huit dérogations, dont vingt-neuf relèvent de critères sociaux. Les conditions d'enseignement se sont-elles dégradées du fait de cette trentaine de départ ? Certainement pas. Je vous rappelle que, dans ce collège, on compte, pour 500 élèves, deux personnels de direction, deux conseillers principaux d'éducation et sept assistants d'éducation. Une dotation complémentaire de trois médiateurs de réussite scolaire est prévue au 1er mars 2009 pour cet établissement qui offrait, à la rentrée dernière, un plus grand nombre d'heures par élève qu'à la rentrée précédente.
Vous le voyez, madame la députée, l'assouplissement de la carte scolaire est loin d'être la libéralisation anarchique du marché scolaire que vous semblez redouter. Lorsqu'un établissement perd des élèves du fait de l'assouplissement de la carte scolaire, nous lui maintenons les moyens dont il disposait jusqu'alors. C'est ainsi que nous rétablirons l'attractivité de ces collèges, et non pas en obligeant les familles à y inscrire leurs enfants !
M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.
Mme Annick Lepetit. Vous ne serez pas étonné, monsieur le secrétaire d'État, si je vous dis que je suis un peu déçue par cette réponse politicienne, mais je sais bien que ce n'est pas vous qui l'avez rédigée.
Je resterai très concrète afin d'éviter toute polémique superficielle, car le sujet est extrêmement grave. Je vais donc vous donner les chiffres concernant les motifs de dérogation en sixième sur Paris. Les demandes de dérogation concernent 13 500 élèves en sixième - 25 % des familles en demandent une. Quels sont les motifs ? Sur 3 503 demandes de dérogation, 232 sont faites pour des motifs boursiers, 306 pour des problèmes de langue, 346 pour rejoindre une classe à projet, 400 pour des rapprochements de fratries, 516 pour des proximités de domicile et 1 885 pour d'autres raisons inexpliquées. Les motifs des demandes de dérogation ne sont donc pas vraiment ceux que donne M. Darcos.
Par ailleurs, j'appelle l'attention du ministre sur le fait que la baisse des effectifs du collège Boris-Vian, qui est effectivement situé dans le nord de Paris, n'est pas due à une diminution du nombre d'habitants. D'ailleurs, les derniers recensements de l'INSEE montrent qu'il y a davantage d'habitants à Paris qu'auparavant, notamment dans ces quartiers. Puisqu'un CDEN doit se réunir jeudi prochain, il faut connaître les chiffres. À Boris-Vian, sur 140 places en sixième, il y a eu 104 demandes de dérogation : 38 ont été acceptées, dont 9 sans aucun motif, ce que le rectorat n'est pas loin de reconnaître.
Je tenais à vous transmettre ces éléments d'information, car je regrette que la réponse de M. Darcos se fonde uniquement sur les résultats de la campagne électorale. Depuis lors, de l'eau a coulé sous les ponts, et j'imagine que ceux qui ont fait confiance au Président de la République, notamment en matière éducative, sont tombés de haut.
Auteur : Mme Annick Lepetit
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement secondaire
Ministère interrogé : Éducation nationale
Ministère répondant : Éducation nationale
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 février 2009