Question orale n° 573 :
Mauritanie

13e Législature

Question de : M. Thierry Mariani
Vaucluse (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Thierry Mariani demande à M. le ministre des affaires étrangères et européennes de préciser quelle sera la position de la France lors du prochain sommet France-Afrique à l'égard de la Mauritanie en proie au chaos depuis le coup d'État du 6 août 2008. Ce putsch a été immédiatement condamné par Nicolas Sarkozy et la communauté internationale dès le 7 août 2008, qui n'ont cessé depuis de réclamer le retour à la légalité constitutionnelle en soulignant que le président déchu, Sidi Ould Abdallahi, avait été élu dans des conditions transparentes et démocratiques et que le coup d'État avait ouvert la voie à la répression et plongé à nouveau le pays dans le chaos. Cette condamnation ferme et sans conditions a été également prononcée par l'Union africaine (UA) qui vient de tenir son 12e sommet du 26 janvier au 2 février 2009 et a décidé de retirer à la Mauritanie son siège de membre à part entière de l'organisation, lui interdisant de ce fait de participer aux activités de l'Union africaine jusqu'à ce que l'ordre constitutionnel soit rétabli. Compte tenu de l'approche du prochain sommet France-Afrique, il lui demande de bien vouloir préciser quelle sera la position de la France sur le dossier mauritanien et dans quelles mesures elle envisage de faire preuve de la même détermination manifestée récemment par l'Union africaine pour oeuvrer au retour de la démocratie en Mauritanie.

Réponse en séance, et publiée le 11 février 2009

SITUATION POLITIQUE EN MAURITANIE

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 573, relative à la situation politique en Mauritanie.
M. Thierry Mariani. Monsieur le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, je souhaiterais que vous précisiez la position de la France à l'égard de la Mauritanie, pays en proie au chaos depuis le coup d'État du 6 août 2008.
Ce putsch a immédiatement été condamné par Nicolas Sarkozy et la communauté internationale, qui n'ont cessé d'exiger le retour à la légalité constitutionnelle, en soulignant que le président déchu, Sidi Ould Abdallahi, avait été élu dans des conditions transparentes et démocratiques, et que le coup d'État avait ouvert la voie à la répression et plongé à nouveau le pays dans le chaos.
Une condamnation ferme et sans conditions a également été prononcée par l'Union africaine, encouragée par la détermination des patriotes mauritaniens qui ont commencé à lutter contre ce pouvoir illégitime. Lors de la 163e réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, qui s'est tenue en Éthiopie le 22 décembre 2008, les participants ont pris la décision d'imposer des sanctions à l'encontre de toutes les personnes civiles et militaires dont les activités auraient pour objet de maintenir le statu quo anticonstitutionnel en Mauritanie, si l'ordre constitutionnel n'était pas rétabli d'ici au 5 février 2009. Ces sanctions comprennent le refus d'accorder des visas aux putschistes, des restrictions sur leurs voyages et le gel de leurs avoirs bancaires et financiers.
Lors de son douzième sommet, du 26 janvier au 2 février 2009, l'Union africaine a tenu une réunion consultative sur la situation en Mauritanie. Constatant qu'aucune avancée n'avait été enregistrée, elle a décidé de mettre à exécution les sanctions et de retirer à la Mauritanie son siège de membre à part entière de l'organisation, lui interdisant de ce fait de participer aux activités de l'Union africaine jusqu'à ce que l'ordre constitutionnel soit rétabli.
Compte tenu de la venue des membres du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine le 20 février 2009 à Paris, sur invitation de l'Organisation internationale de la francophonie, mais aussi dans la perspective du prochain sommet France-Afrique, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir préciser quelle sera la position de la France sur le dossier mauritanien, et dans quelle mesure elle envisage de faire preuve de la même détermination que l'Union africaine pour oeuvrer au retour de la démocratie en Mauritanie et empêcher que les autorités issues du coup d'État n'organisent de nouvelles élections présidentielles, à moins, bien sûr, que celles-ci soient organisées en toute transparence et en toute légalité.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le député, comme vous le savez, la Mauritanie constituait à la veille du coup d'État du 6 août dernier un modèle de démocratie en Afrique. Ce pays représente par ailleurs pour la France un partenaire historique privilégié. Nous avons donc suivi avec une attention particulière la crise qu'il traverse et nous n'avons pas ménagé nos efforts pour l'aider à en sortir.
La France, qui assumait alors la présidence du Conseil de l'Union européenne, a condamné avec la plus grande fermeté le coup d'État du 6 août, à l'instar de l'Union africaine et de l'ensemble de la communauté internationale. Depuis lors, la communauté internationale n'a cessé d'appeler au retour à l'ordre constitutionnel, tout en maintenant un dialogue avec l'ensemble des acteurs politiques mauritaniens.
Cette position s'est traduite par le gel d'une partie de la coopération internationale et par la suspension de la Mauritanie de plusieurs organisations internationales. Bien entendu, les mesures de gel des programmes et projets de la coopération française ont fait l'objet d'un examen vigilant afin de ne pas priver la population d'une aide indispensable - j'y ai personnellement veillé. L'aide alimentaire et l'aide humanitaire, notamment, ne sont pas concernées.
Parallèlement, le ministère des affaires étrangères et européennes, ainsi que notre ambassade à Nouakchott, ont rencontré de très nombreux acteurs mauritaniens afin de comprendre la réalité de la situation et de rechercher une solution consensuelle permettant de rétablir la démocratie. Au niveau de l'Union européenne, une procédure de dialogue renforcé, dans le cadre de l'article 96 de l'accord de Cotonou, a été mise en oeuvre ; j'ai d'ailleurs conduit les prémices de ce dialogue avec M. Michel, commissaire européen en charge du développement.
Un groupe de contact international a été constitué. Il comprend l'Union européenne, l'Union africaine, les Nations unies, l'Organisation internationale de la francophonie, la Ligue arabe et l'Organisation de la Conférence islamique, ainsi que les membres permanents et les membres africains du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce groupe de contact a permis de maintenir l'unité d'approche de la communauté internationale sur la question.
La position de fermeté adoptée n'a toutefois pas permis à ce jour de parvenir au rétablissement de l'ordre constitutionnel, même si elle a certainement contribué à la libération du président Abdallahi au mois de décembre. La junte a rejeté les exigences de la communauté internationale concernant le départ des militaires du pouvoir et l'association de toutes les parties, notamment du président Abdallahi, à la recherche d'un plan de sortie de crise.
Après avoir organisé des " états généraux de la démocratie " du 27 décembre au 6 janvier, la junte annonce aujourd'hui la tenue d'une élection présidentielle au mois de juin. De leur côté, le Front national pour la défense de la démocratie - le FNDD -, coalition de partis dénonçant le coup d'État, ainsi que le président Abdallahi ont choisi de ne pas participer à ces journées de concertation et refusent de s'associer au processus électoral annoncé par la junte.
Compte tenu de l'absence de retour à l'ordre constitutionnel, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine a annoncé le 5 février dernier l'entrée en vigueur de sanctions afin d'accroître la pression exercée sur la junte.
Dans ce contexte, la France continue, en concertation avec ses partenaires, à travailler en Mauritanie et au sein de nombreuses instances internationales au règlement de cette crise.
Si des élections devaient, comme l'annonce la junte, être organisées, nous serions bien entendu très attentifs aux modalités d'organisation du scrutin et aux conditions d'éligibilité des candidats. Les candidats ne doivent pas exercer de responsabilités dans l'exécutif avant et pendant le scrutin ; c'est la position constante de la France.
Vous avez fait référence, monsieur le député, au prochain sommet Afrique-France. Il n'est pas prévu avant fin 2009, début 2010. Tels sont les éléments d'information que je souhaitais vous apporter.
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État. Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce dossier.
Vous l'avez dit, la Mauritanie était un modèle. Sur ce continent, les élections démocratiques ne sont pas la règle, et celles qui avaient porté l'ancien président Abdallahi au pouvoir étaient régulières. Ce pays francophone est également un grand partenaire de la France, et je vous remercie de l'attention que vous lui portez.
Nous ne pouvons que souhaiter un retour à l'ordre constitutionnel. C'est ce qu'attendent les partisans de l'ancien président, mais aussi certains partis de l'opposition, comme le parti mauritanien pour le renouveau, présidé par Rachid Moustapha.
Si des élections sont organisées en juin, je compte sur votre vigilance et sur celle de la France pour qu'elles aient lieu en toute équité et en toute transparence. En particulier, si ceux qui ont participé à ce coup d'État peuvent être candidats, il faut qu'ils aient au préalable démissionné de leurs fonctions, pour concourir au même niveau que les autres candidats.
Ce retour à la légalité démocratique que nous appelons de nos voeux est dans l'intérêt de la Mauritanie et de nos relations avec ce pays.

Données clés

Auteur : M. Thierry Mariani

Type de question : Question orale

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes

Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 février 2009

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