Question orale n° 589 :
écoles territoriales des arts plastiques

13e Législature

Question de : M. Bernard Cazeneuve
Manche (5e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Bernard Cazeneuve alerte Mme la ministre de la culture et de la communication sur la situation des écoles territoriales d'enseignement supérieur des arts plastiques, confrontées à la mise en oeuvre de l'harmonisation européenne des cursus universitaires. Initiée par la déclaration de Bologne du 19 juin 1999, l'harmonisation européenne des cursus universitaires a conduit à la mise en place du système LMD, qui s'applique pour les universités et se met en place pour les écoles supérieures d'enseignement des arts plastiques. Les diplômes délivrés font l'objet d'une homologation dans ce cadre nouveau : le diplôme national supérieur d'expression plastique devient un master, et le diplôme national d'arts plastiques sera prochainement une licence. La mise en place d'un troisième cycle, délivrant un doctorat, est également envisagé. Sur le plan pédagogique (semestrialisation des cours, attribution de crédits par matière enseignée...), la réforme est bien avancée. D'autres enjeux restent cependant source de difficultés considérables pour les collectivités territoriales. Nos écoles vont devoir être autonomes sur le plan juridique et la délégation aux arts plastiques encourage leur transformation en établissements publics de coopération culturelle, si possible en regroupant plusieurs établissements afin de créer des pôles d'excellence, capables de se positionner à l'échelon européen. Dans le même temps, la question du statut des enseignants des écoles d'art territoriales reste posée et leur assimilation à celui des écoles nationales d'art sera source de charges nouvelles pour les collectivités. Afin de proposer un cursus complet (licence et master) aux étudiants, les écoles de petite taille comme celle de Cherbourg (31 étudiants à la rentrée 2008) devront se rapprocher d'autres établissements existants, l'une des pistes étant la constitution d'un établissement de coopération culturelle au niveau de la région avec d'autres écoles. Ce rapprochement entre établissements impose une réflexion sur le maillage territorial le plus pertinent et sur le maintien d'un accompagnement de qualité pour les étudiants. Par delà les hypothèses retenues, les écoles d'art s'aligneront, à terme, sur le modèle universitaire et appelleront des financements qui ne relèvent ni des compétences des communes, ni de leur capacité contributive. Si la plupart des communes sont déterminées à assurer la pérennité des écoles d'art en poursuivant leur financement, elles ne sauraient désormais en assurer seules une charge accrue. En conséquence, insistant sur les charges nouvelles que cette réforme génère pour les collectivités territoriales, il l'interroge sur les mesures que l'État entend prendre pour accompagner la réforme des écoles d'art et souhaite une clarification des compétences territoriales en matière d'enseignement supérieur.

Réponse en séance, et publiée le 25 mars 2009

RÉFORME DES ÉCOLES TERRITORIALES D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DES ARTS PLASTIQUES

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour exposer sa question, n° 589, relative à la réforme des écoles territoriales d'enseignement supérieur des arts plastiques.
M. Bernard Cazeneuve. Madame la ministre de la culture, je souhaite vous interroger sur l'avenir du réseau des écoles d'art en France, aux termes de la déclaration de Bologne de 1999. Celle-ci vise à faire des écoles d'art et de leur réseau des universités à part entière là où elles étaient des structures d'enseignement supérieur entièrement à part. Pour ce faire, vous souhaitez que ce réseau se conforme à la réforme dite LMD - licence, master, doctorat - qui conduira l'ensemble de ces écoles à mettre en place un premier, un deuxième, puis un troisième cycle au bénéfice de leurs étudiants.
Cette réforme, qui peut avoir des effets très positifs, si on l'accompagne, n'est pas accompagnée pour l'instant. Elle soulève un certain nombre de questions sur lesquelles je souhaite avoir des précisions.
Premièrement, la plupart des écoles d'art, à l'exception de quelques-unes qui ont une dimension nationale, sont financées à plus de 90 % par les collectivités territoriales. Or, en lisant les documents émanant de votre ministère à propos de la révision générale des politiques publiques, j'ai le sentiment que le réseau des écoles d'art en France est l'une des principales cibles de la RGPP. J'en veux pour preuve que l'école d'art de Cherbourg a vu la subvention de l'État qui lui était allouée cette année diminuer de 20 %. Nombre de maires se demandent donc aujourd'hui s'ils pourront, dans le contexte de la réforme et des objectifs de la RGPP continuer à faire fonctionner ces écoles.
Madame la ministre, entendez-vous prendre des dispositions pour faire en sorte que d'autres collectivités territoriales et l'État financent davantage ces écoles pour ne pas les voir disparaître car beaucoup d'entre elles sont menacées ?
Deuxièmement, je m'interroge sur le statut des enseignants. À partir du moment où l'on souhaite faire de ces écoles d'art des universités à part entière et que les enseignants verront leur statut évoluer, il faudrait que votre ministère précise le cadre de l'évolution de ce statut de manière que l'on connaisse les conditions dans lesquelles nous allons pouvoir continuer à les employer, éventuellement à renouveler leur contrat.
Troisièmement, pour se conformer à la réforme LMD, votre ministère a indiqué dans une circulaire qu'il faudrait encourager la création d'établissements publics de coopération culturelle au niveau régional. Nous avons d'ailleurs engagé cette réflexion à l'échelle de la Normandie. Toutefois il faudrait que les directeurs régionaux des affaires culturelles soient mandatés pour rassembler ces écoles et les accompagner dans la création de ces EPCC. Il conviendrait également que le Gouvernement précise les conditions dans lesquelles il entend les doter financièrement.
Je conclurai en abordant quelques éléments simples tirés de l'expérience locale.
Tout d'abord, ces écoles sont une extraordinaire occasion pour donner accès à des étudiants à une formation supérieure, là où ce serait impossible dans le cadre des cursus traditionnels de l'université. Ces écoles d'apprentissage des arts plastiques et de formation des esprits donnent une autre chance sur les territoires d'avoir accès à des pratiques beaucoup plus professionnalisantes qu'on ne le pense en réalité.
Ensuite, ces structures ne sont pas simplement des structures d'enseignement supérieur. Ce sont aussi des structures culturelles qui contribuent au rayonnement des beaux-arts, de l'art contemporain sur les territoires. À Cherbourg, par exemple, nous avons implanté à proximité de l'école des beaux-arts un centre d'art contemporain autour de la photographie que vous accompagnez d'ailleurs fortement de votre volonté et de subventions ce qui permet de mener le travail en collaboration. Faites donc en sorte que ces écoles soient des instruments de politique culturelle.
Enfin, veillons à ce que la culture ne soit pas trop balayée par le vent de la RGPP. S'il est un domaine qui doit demeurer préservé des régulations budgétaires, c'est bien celui-ci. Je pense qu'en tenant ces propos, je ne vous ferai pas de peine.
M. le président. La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, mais j'ai compris qu'il ne sera pas facile de répondre de façon concise à cette question ! (Sourires.)
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, mon ministère conduit en effet depuis plusieurs années sur cette question une concertation soutenue avec les associations d'élus et les directeurs des écoles supérieures d'art, dont l'importance est fondamentale dans l'irrigation culturelle du territoire.
L'objectif principal est de faire aboutir la réforme permettant la délivrance de diplômes qui soient reconnus aux différents grades du LMD, de manière à faciliter les possibilités de circulation de nos jeunes professionnels à l'échelle européenne.
Je tiens d'abord à souligner que les collectivités territoriales ont été très actives et très constructives. La réforme est en marche dans un climat de compréhension et de volonté d'aller de l'avant. J'ajoute que les principes de cette réforme ont été débattus dans le cadre du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, lequel veillera à sa mise en oeuvre et jouera le rôle d'instance de dialogue.
S'agissant des diplômes nationaux dans le domaine des arts plastiques, à ce stade, seul le diplôme final des écoles supérieures d'art, à savoir le diplôme national supérieur d'expression plastique, devrait prochainement permettre de confier le grade de master à ses titulaires. La réflexion est en cours pour procéder ultérieurement à une demande de reconnaissance au grade de licence pour les diplômes à bac + 3, et de doctorat pour les formations postdiplôme.
La question du statut du personnel des écoles a par ailleurs fait l'objet de travaux spécifiques que le conseil supérieur de la fonction publique territoriale a intégré dans le rapport sur la filière culturelle qu'il a adopté le 20 février 2008.
En ce qui concerne l'accès des écoles à l'autonomie juridique et pédagogique, qui est en effet une condition sine qua non pour qu'elles soient habilitées à délivrer les diplômes conférant le grade de master, la constitution de nouveaux établissements publics de coopération culturelle, portée notamment par les DRAC, est en bonne voie dans plusieurs régions, comme par exemple le Nord-Pas-de-Calais, la Bretagne et la Lorraine. Des regroupements d'écoles autour d'un projet d'établissement me paraissent devoir être encouragés pour construire les établissements de demain. Les écoles à petits effectifs, comme celle de Cherbourg, ne doivent pas fermer ; elles sont invitées à se rapprocher des établissements voisins, y compris au plan interrégional, et sont systématiquement accompagnées dans cette démarche par les services de mon ministère.
S'agissant enfin de la charge financière induite par la réforme, l'État ne montera pas énormément en puissance, mais il accompagnera les collectivités territoriales en fonction des projets d'établissement. Il le fera en respectant l'impératif de maîtrise des budgets de fonctionnement et l'objectif d'aménagement du territoire auquel je suis moi aussi très attachée.
Nous luttons évidemment pour que la RGPP ne se traduise pas par une baisse des crédits culturels, ce qui n'est pas le cas pour l'heure.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve.
M. Bernard Cazeneuve. Pour réussir cette réforme, l'État doit augmenter ses contributions. En effet, dès lors que les écoles d'art deviennent des universités à part entière, il n'y a aucune raison pour que les collectivités les financent seules. Or, pour l'instant, et contrairement à ce que vous affirmez, les contributions de l'État aux écoles d'art ont diminué, de 20 % à Cherbourg. Ce n'est sans doute guère de votre fait et cela tient plutôt à la mécanique budgétaire globale, mais cela vulnérabilise le réseau. Je compte donc sur votre détermination, que je sais grande, pour faire en sorte que la copie soit corrigée.

Données clés

Auteur : M. Bernard Cazeneuve

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2009

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