Areva
Question de :
M. Yves Cochet
Paris (11e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Yves Cochet interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur les résultats financiers du groupe Areva. Les contre-performances financières peuvent s'expliquer en raison du dérapage des coûts de construction de grands projets de centrales. Il aimerait savoir pourquoi la France s'entête à promouvoir cette énergie dispendieuse et peu rentable et ce que l'État compte faire face à la déroute d'Areva.
Réponse en séance, et publiée le 27 mars 2009
RÉSULTATS FINANCIERS DU GROUPE AREVA
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour exposer sa question, n° 608, relative aux résultats financiers du groupe Areva.M. Yves Cochet. Il y a un mois, l'entreprise Areva a publié ses comptes pour l'année 2008. J'ai pu y lire une suite de difficultés, de déroutes, qui montrent bien qu'Areva n'est pas du tout le fleuron de l'industrie nucléaire française que le président Sarkozy essaie de faire croire et qu'elle serait plutôt au bord de la faillite.
Je citerai quelques exemples du bilan d'Areva.
Premièrement, des pertes colossales ont été enregistrées sur le chantier de l'EPR en Finlande. Lancé en février 2005, ce chantier tourne au désastre : trente-huit mois de retard de travaux, 2,4 milliards d'euros de pénalités demandées aux Français par les Finlandais. Initialement, l'EPR était vendu 3 milliards d'euros, alors qu'il coûte en fait aujourd'hui 5,4 milliards d'euros.
Deuxièmement, Siemens, grand industriel allemand s'il en est, sort du capital d'Areva, ce qui occasionne une facture de plus de 2 milliards d'euros pour racheter les parts détenues par cet ancien allié.
Troisièmement, la cotation en bourse d'Areva est passée de 820 euros en juin dernier à 325 euros actuellement, soit une perte de 60 % de sa valeur.
Quatrièmement, des projets ont été annulés. À la fin du mois de novembre 2008, le projet d'exploitation de la mine d'uranium Midwest au Canada a tourné court et le 5 décembre 2008 l'Afrique du Sud a annulé la commande des douze réacteurs qu'elle prétendait vouloir construire.
J'ajoute que les déplacements commerciaux du président Sarkozy à l'étranger pour vendre des réacteurs - je pense à la Libye, à l'Algérie, au Maroc, à l'Estonie, à l'Arabie saoudite, à la Jordanie - n'ont donné lieu qu'à de simples accords de coopération pas du tout contraignants. Il ne s'agit pas d'accords ni de contrats de vente.
Ma question est simple. Face à cet échec financier et industriel d'Areva, est-ce au citoyen français de contribuer à renflouer ce groupe ? Qui va payer la note de ce désastre ? Est-il envisagé de privatiser partiellement Areva, ce groupe étant détenu à 90 % par l'État ?
M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le député, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Borloo, qui m'a chargé de vous communiquer la réponse suivante sur la situation d'Areva.
Il convient, avant toutes choses, de rappeler que l'évolution de ce groupe s'inscrit dans le contexte de la relance mondiale du nucléaire.
Les résultats d'Areva traduisent les ambitions du groupe dans le cadre de cette relance : le carnet de commandes et le chiffre d'affaires connaissent aujourd'hui une progression forte et l'on peut se réjouir, dans cette période difficile pour l'emploi, que 10 000 personnes y aient été embauchées cette année ; je m'étonne que vous n'en ayez pas parlé.
Les principaux indicateurs financiers du groupe, qu'il s'agisse du résultat opérationnel ou du résultat net, ont par ailleurs été toujours positifs ces dernières années et traduisent la saine gestion de la direction. Je trouve donc que votre analyse est à charge. Les défis et non les difficultés du groupe ne sont que la rançon de ses succès commerciaux. Areva doit en effet mobiliser d'importants moyens financiers pour répondre à la progression de la demande dans le nucléaire. Le Gouvernement travaille actuellement pour trouver des solutions qui permettraient au groupe de garantir le financement de ces investissements.
Vous interrogez également le Gouvernement sur le dérapage des coûts de construction de grands projets de centrales. Les difficultés rencontrées sur le chantier de l'EPR finlandais s'expliquent par le caractère particulier de cette opération. Il s'agit en effet du premier réacteur de troisième génération produit par Areva. Comme c'est une tête de série, les délais de réalisation sont plus difficiles à prévoir et plus importants que sur les réacteurs de série. Il a fallu aussi que les équipes puissent intégrer les processus de leurs partenaires.
Ces difficultés n'ont pas pour autant défavorisé le groupe sur ses autres marchés, bien au contraire. Les clients d'Areva ont pu ainsi mesurer la qualité des équipes d'Areva pour surmonter les obstacles. Quant au second chantier de l'EPR, qui se trouve en France sur le site de Flamanville, il doit faire face à des imprévus comme tout projet, mais se déroule correctement à ce jour. Dans ces conditions, il n'y a pas de dérapage systématique sur les projets de centrales ; sinon, comment expliquer les succès de l'EPR à l'exportation ?
La France doit être un acteur incontournable de la relance du nucléaire pour plusieurs raisons.
Notre pays doit apparaître sur la scène internationale comme l'un des principaux pays promouvant les énergies bas carbone et comme l'un de ceux maîtrisant au mieux la technologie nucléaire. Vous le savez, sur le plan national, le nucléaire contribue au renforcement de notre sécurité d'approvisionnement énergétique.
Nous considérons donc que le groupe Areva participe aujourd'hui pleinement à ces différents objectifs en France mais aussi à l'exportation. Le Gouvernement entend le soutenir car c'est l'un des éléments fondamentaux de notre politique énergétique.
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Monsieur le secrétaire d'État, je ne suis pas d'accord avec votre réponse, et pas seulement d'un point de vue financier. Si le regain du nucléaire que vous évoquez dans votre réponse était dans l'air du temps l'an dernier, il ne l'est plus aujourd'hui. Dans ce genre d'industrie très capitalistique, qui nécessite des investissements à très long terme, il faut des certitudes sur l'avenir. Or tel n'est pas le cas à l'heure actuelle. Je pense qu'il y aura des désinvestissements en matière de nucléaire, y compris pour Areva.
Auteur : M. Yves Cochet
Type de question : Question orale
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Écologie, énergie, développement durable et aménagement du territoire
Ministère répondant : Écologie, énergie, développement durable et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 mars 2009