Question orale n° 65 :
urbanisme

13e Législature

Question de : M. Marc Joulaud
Sarthe (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Marc Joulaud attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur le phénomène de disparition des commerces traditionnels des centres-villes dont la presse s'est fait l'écho encore récemment. Ce phénomène n'est pas nouveau. En effet, depuis plusieurs années, on observe une prolifération d'agences bancaires, cabinets d'assurance, ou agences d'intérim au détriment des commerces de proximité. La politique d'implantation des établissements bancaires et autres activités de services qui consiste à solliciter les meilleurs emplacements commerciaux en proposant des sommes supérieures de 20 à 40 % supérieures aux prix du marché conduit à déstabiliser le tissu commercial des centres urbains. Les prix des fonds de commerce atteignent des montants complètement prohibitifs, et il devient impossible aux petits entrepreneurs de rivaliser dans les transactions. Aujourd'hui, les commerces traditionnels, commerces de bouche, cafés et restaurants qui font la vie de nos coeurs de ville se raréfient. À court terme, ce phénomène a pour conséquence de casser l'animation des centres et, à long terme, il risque de provoquer une désertification de ces lieux, car si ces emplacements sont tant convoités c'est en raison de la vie commerciale qui les entoure ; quand les commerces auront disparu du centre, les activités de services partiront aussi et l'organisation des centres urbains sera complètement déstructurée. Les collectivités sont conscientes de ce processus. Qu'elles soient moyennes ou plus importantes, elles sont toutes concernées. Des villes comme Orléans, Rouen, Nantes ou Paris ont d'ailleurs engagé des actions pour limiter l'ampleur de ce phénomène, avec plus ou moins de succès. On constate en fait qu'elles sont assez démunies pour y faire face. Le décret d'application de l'article 58 de la loi du 2 août 2005 qui a instauré un droit de préemption au profit des communes sur les cessions de fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux n'a pas encore été publié. Les élus ne disposent donc aujourd'hui que de peu de leviers d'action et encore moins de dispositifs contraignants pour favoriser la diversité des activités dans leurs centres et ainsi en préserver la vitalité. Il lui demande donc de lui préciser si ce décret sera prochainement publié et les mesures qu'elle entend prendre au plan national.

Réponse en séance, et publiée le 19 décembre 2007

DROIT DE PRÉEMPTION DES COMMUNES SUR LES FONDS ARTISANAUX, FONDS DE COMMERCE ET BAUX COMMERCIAUX

M. le président. La parole est à M. Marc Joulaud, pour exposer sa question, n° 65, relative au droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, fonds de commerce et baux commerciaux.
M. Marc Joulaud. Je souhaitais, monsieur le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur la disparition des commerces traditionnels des centres-villes, dont la presse porte d'ailleurs régulièrement témoignage.
Ce phénomène n'est pas nouveau : depuis plusieurs années, on voit proliférer dans les centres-villes les agences bancaires, les cabinets d'assurance ou les agences d'intérim au détriment des commerces de proximité. La politique d'implantation des établissements bancaires et d'autres activités de services, qui consiste à accaparer les meilleurs emplacements commerciaux en acquittant des baux souvent de 20 à 40 % supérieurs aux prix du marché, conduit à déstabiliser le tissu commercial des centres urbains. Atteignant ainsi des montants complètement prohibitifs, les prix des fonds de commerce interdisent aux petits entrepreneurs de s'installer, et aujourd'hui les commerces traditionnels, commerces de bouche, cafés et restaurants, se raréfient en centre-ville.
Ce phénomène, qui a pour conséquence à court terme de tuer l'animation des centres, risque à long terme de provoquer une désertification de ces lieux. En effet, si ces emplacements sont tant convoités, c'est en raison de la vie commerciale qui les entoure, et il est à craindre que, quand les commerces auront disparu du centre, les activités de services ne partent aussi.
Les collectivités sont conscientes de ces risques qui les concernent toutes, qu'elles soient moyennes ou plus importantes. Des villes comme Orléans, Rouen, Nantes ou Paris ont d'ailleurs engagé des actions visant à limiter l'ampleur de ce phénomène, avec un succès variable. On constate en réalité qu'elles sont démunies des moyens d'y faire face.
Leur fait défaut notamment le décret d'application de l'article 58 de la loi du 2 août 2005 instaurant un droit de préemption au profit des communes sur les cessions de fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux, qui n'a pas encore été publié. Les élus ne disposent donc aujourd'hui que de peu de moyens d'action et encore moins de dispositifs contraignants propres à endiguer ce phénomène et à favoriser la diversité des activités dans leurs centres-villes afin d'en préserver la vitalité.
J'aimerais donc savoir si ce décret sera prochainement publié. Plus généralement, envisagez-vous de prendre des mesures ou de mettre en place des dispositifs qui permettraient aux communes de maintenir la diversité du tissu commercial ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Monsieur le député, vous avez bien voulu appeler l'attention sur le sujet très important et préoccupant de la diversité commerciale et de l'animation de nos centres-villes. Il s'agit là, je crois, d'un problème qui dépasse les clivages politiques et qui est aujourd'hui l'objet d'attentes fortes de nos concitoyens.
Ayant été rapporteur pour la commission des finances de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, je me souviens très bien que c'est votre collègue, M. Ollier, qui avait proposé d'instaurer le nouveau dispositif, que vous avez évoqué, prévu à l'article 58 de ce texte. Cet article instaure en effet, comme vous l'avez rappelé, un droit de préemption au profit des communes sur les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux, ainsi que sur celles des baux commerciaux.
Vous me permettrez d'indiquer en propos liminaire que favoriser la création, la pérennisation et la croissance des petites et moyennes entreprises, qui regroupent 2,4 millions d'entreprises et emploient environ 8,3 millions de salariés, soit près de 60 % de la population active, était l'objet de la loi pour l'initiative économique du 1er août 2003 puis de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. Certaines dispositions de ce dernier texte, comme l'article 58 qui nous intéresse plus particulièrement, doivent permettre aux PME de jouer un rôle actif en matière de cohésion territoriale, s'agissant plus particulièrement de nos centres-villes.
En ce qui concerne ces centres-villes, j'estime comme vous qu'il convient d'y préserver une offre commerciale de proximité suffisamment diversifiée. En effet, comme vous l'avez justement souligné, la prolifération d'un certain type d'implantations commerciales, au détriment du commerce de proximité, est une préoccupation majeure. Je suis donc particulièrement attaché à une mise en oeuvre rapide de cette mesure de préemption, attendue par des collectivités territoriales soucieuses de diversifier le tissu économique de leur territoire.
Ce projet de décret est aujourd'hui même soumis à l'examen du Conseil d'État. L'Association des maires de France, l'AMF, en avait été saisie au préalable, et c'est ce qui explique en partie le retard que vous avez évoqué. Cette saisine est conforme à la philosophie du texte, les élus municipaux étant concernés au premier chef par ce dispositif. Compte tenu de l'importance de cette mesure, Christine Lagarde et moi-même avons jugé utile de procéder à cette consultation ainsi qu'à celle des différents acteurs du commerce. Les services du ministère de l'économie ont ainsi pu étudier les observations de l'AMF, en liaison avec l'ensemble des administrations concernées et les têtes de réseau des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers.
Ce décret doit apporter aux communes les précisions et éclaircissements nécessaires, notamment pour délimiter le périmètre de sauvegarde où pourra s'exercer le droit de préemption.
Ce texte étant dès aujourd'hui soumis à l'examen du Conseil d'État, sa publication ne devrait plus tarder. En tout état de cause, nous nous sommes, Christine Lagarde et moi-même, assigné l'objectif que ce texte soit publié avant la fin de l'année. Nous serons donc, Christine Lagarde, Jean-Louis Borloo et moi-même, en mesure de signer ce texte dès que le Conseil d'État en aura achevé l'examen, respectant ainsi l'objectif du Gouvernement d'une publication avant la fin d'année.

Données clés

Auteur : M. Marc Joulaud

Type de question : Question orale

Rubrique : Communes

Ministère interrogé : Économie, finances et emploi

Ministère répondant : Économie, finances et emploi

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 décembre 2007

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