avoués
Question de :
M. Jean-Michel Clément
Vienne (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Jean-Michel Clément attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'avenir des charges d'avoués et des personnels exerçant dans ces charges. En effet, selon ses déclarations, le recours à un avoué ne serait plus obligatoire au 1er janvier 2010. Or, si des propositions ont été faites en direction des 444 avoués pour lesquels une période de transition de deux ans a été concédée, cette mesure risque de se traduire par une suppression de près de 2 000 emplois directs, sans qu'aucune proposition de conversion ne soit faite aux salariés de ces études. Dans une période de crise économique majeure, il doit la mettre en garde contre le démantèlement d'une profession et de ses auxiliaires. Ainsi, le Gouvernement se trouve être directement responsable d'un plan de licenciement sans équivalent, ces licenciements impactant indirectement sur d'autres emplois. Il lui demande de lui préciser la date et les mesures concrètes prévues concernant le reclassement et la nature du plan de formation envisagé pour l'ensemble des personnels. Il souhaiterait également qu'elle lui précise le montant du budget afférent au reclassement des personnels, que l'État consentirait à prendre à sa charge.
Réponse en séance, et publiée le 5 juin 2009
AVENIR DE LA PROFESSION D'AVOUÉ
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour exposer sa question, n° 751, relative à l'avenir de la profession d'avoué.M. Jean-Michel Clément. J'espère que M. le ministre va persister dans le fil de la réponse qu'il vient de donner à mon collègue.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Ce sujet ne relève pas de ma responsabilité.
M. Jean-Michel Clément. Certes, mais j'ose espérer que c'est de la responsabilité de votre Gouvernement, duquel vous êtes solidaire. J'en appelle aussi à votre sagesse.
Ma question, qui s'adressait à Mme la garde des sceaux, porte sur la suppression de la profession d'avoué et les conséquences de cette décision sur l'avenir des professionnels concernés et de leurs salariés.
Tout d'abord, je ne peux m'empêcher de revenir sur la méthode employée.
La brutalité de l'annonce de la suppression de cette profession montre à la fois le peu de considération accordée à ces auxiliaires de justice et le vrai visage de votre action : vous déclinez le dogme de la réforme sans en évaluer l'impact ni concerter les intéressés pourtant disposés à y travailler.
L'annonce de la suppression de la profession d'avoué a été faite le 10 juin 2008 par communiqué de presse du ministère de la justice, au lendemain d'un conseil des ministres où avait pourtant été autorisée la reprise d'une étude d'avoué. Il en va de la réforme de l'organisation judiciaire, qui concerne également la mission dévolue aux avoués, comme de la réforme de la carte judiciaire, où on a préféré supprimer les tribunaux avant de poser la vraie question sur laquelle tous les professionnels s'accordaient.
Là encore, on a favorisé l'effet d'annonce à la concertation, arguant de la directive européenne sur les services du 12 décembre 2006 qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2010, bien qu'on sache que cette directive ne justifie pas, en droit, la décision de suppression.
Certes, à l'échelon national, 244 études comptent peu comparativement à la fermeture de sites industriels, mais il ne faut pas oublier que de leur sort dépend aussi celui de 1 850 salariés, principalement des femmes.
Un avant-projet de loi circule. Il doit être soumis au Parlement avant la fin de l'année.
Les termes qu'il contient, en son article 16 notamment, mettent en évidence une rupture caractérisée du principe d'égalité devant les charges publiques, pour l'indemnisation des professionnels.
Le traitement réservé à ces derniers, par rapport à d'autres professions ayant fait l'objet de mesures similaires, démontre que ce principe est méconnu, ce qui entraînera de légitimes recours et de nouvelles charges pour le budget du ministère de la justice, sans parler de la désorganisation des greffes et des conséquences sur le fonctionnement de notre justice.
Pour les salariés licenciés du seul fait du Prince, aucune indemnité supra légale n'est prévue. Pire, les dispositions de l'article 17 du projet de loi, qui interdisent la réembauche d'un salarié licencié, sont contraires au code du travail.
À l'instar de ce qui a été demandé par Mme Lagarde dans sa circulaire du 19 janvier 2009, dans laquelle elle écrivait aux préfets, évoquant la crise, " vous aurez la charge d'animer des réunions afin d'évoquer la mise en place de mesures permettant d'anticiper les mutations économiques prévisibles à moyen et long termes par une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences appliquée à une branche d'activité ", Mme la garde des sceaux entend-elle, avant de déposer son projet de loi, faire une évaluation sérieuse de celui-ci, pour prévoir une juste et préalable compensation de ses conséquences sur le fonctionnement de la justice et redonner aux avoués et à leurs salariés un peu confiance ?
M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député, Mme la garde des sceaux, qui est empêchée, m'a demandé de répondre à sa place à cette question concernant l'avenir des charges d'avoués et des personnels qui exercent dans ces charges.
Le Gouvernement a décidé d'unifier les professions d'avocat et d'avoué. Cette décision vise tout d'abord à simplifier l'accès à la justice en appel. Elle poursuit, au niveau de la cour d'appel, la réforme engagée en 1971 qui a unifié les professions d'avocat et d'avoué près les tribunaux de grande instance. La cohérence de cette action peut difficilement être discutée.
En outre, cette décision met également notre droit en conformité avec les exigences de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, qui doit impérativement être transposée avant la fin de l'année. En effet, l'activité des avoués entre dans le champ de la directive, et la réglementation actuelle de la profession, qui repose notamment sur un régime d'autorisation, ne peut plus être justifiée.
Le Gouvernement est conscient des implications de cette réforme, nécessaire et souhaitable, pour la profession et il est particulièrement sensible au devenir des salariés des offices.
Une concertation importante a été menée depuis l'annonce de la réforme. Tout est mis en oeuvre pour que les salariés retrouvent une place dans la nouvelle organisation issue de la réforme ou qu'à tout le moins une aide personnalisée qui facilite leur reconversion professionnelle leur soit offerte.
À cette fin, une commission tripartite a été installée le 10 mars 2009. Composée de représentants de l'État, des employeurs et des salariés, cette commission prépare une convention prévoyant les mesures de reclassement des salariés dont le licenciement ne pourra être évité.
Des cellules de reclassement seront mises en place au sein de chaque cour d'appel et un prestataire de service aura pour mission d'assister chaque salarié, de façon individualisée, pour l'aider à retrouver un emploi.
Il est par ailleurs envisagé de faciliter pour ces salariés l'accès à des postes dans les greffes des juridictions, où leur savoir-faire sera particulièrement utile - nous manquons de personnels dans les greffes, chacun le sait.
S'agissant des collaborateurs juristes des avoués, leur accès à la profession d'avocat ou aux autres professions judiciaires sera également facilité par ce que l'on appelle " les passerelles ".
Il a enfin été décidé - cela répond à la préoccupation que vous avez exprimée en dernier - que les salariés licenciés recevront des indemnités de licenciement majorées, égales au double des indemnités légales. Ces indemnités seront calculées en fonction du nombre d'années d'ancienneté dans la profession. Cette mesure permettra aux salariés ayant une ancienneté importante de percevoir jusqu'à quatorze mois de salaire. Ces indemnités seront prises en charge par l'État.
S'agissant du budget afférent au reclassement des personnels, il correspond à un montant de 3 000 euros par salarié concerné, dont 2 000 euros pris en charge par le Fonds national pour l'emploi et 1 000 euros pris en charge par l'État en lieu et place de l'employeur.
Ces sommes s'ajoutent aux indemnités de licenciement également prises en charge par l'État, dans des conditions plus favorables que le minimum légal, pour un montant global estimé à 19,2 millions d'euros.
Ce sont des sommes importantes, qui montrent que nous n'avons pas oublié les personnels qui exercent dans les charges d'avoué.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.
M. Jean-Michel Clément. Monsieur le ministre, je prends note de ces informations, qui confirment celles que j'avais pu recueillir ici ou là. Je voudrais insister sur deux éléments :
D'abord, en ce qui concerne la profession d'avoué, je pense que l'indemnisation telle qu'elle est prévue dans le projet de loi constitue une rupture d'égalité des citoyens devant les charges publiques. Vous n'avez pas répondu sur ce point, mais je crains, si le projet de loi reste en l'état, qu'elle ne soit l'objet de recours qui auront forcément un impact sur le budget de l'État.
Ensuite, sur l'étude d'impact que je demandais, un élément a totalement été occulté, c'est l'incidence sur le fonctionnement des cours d'appel après la suppression des avoués. On nous dit que les dispositifs télématiques vont tout résoudre ; je crois qu'il n'en est rien. Le dispositif doit être sécurisé. En l'état, il alourdirait inévitablement la tache des greffes dont les effectifs sont déjà insuffisants, nous le savons.
M. Jean Mallot. Eh oui !
M. Jean-Michel Clément. Au final, c'est l'action judiciaire qui, une fois encore, sera ralentie. Nous n'avons pas besoin de cela. Je n'ai pas eu le temps de l'évoquer mais le justiciable est, lui aussi, l'oublié de cette réforme. La notion d'étude d'impact nous est présentée aujourd'hui comme étant un outil indispensable, constitutionnellement. Nous allons mettre en évidence un dysfonctionnement réel de la justice alors même qu'une réflexion d'ensemble à laquelle tous les professionnels étaient prêts nous aurait permis d'évaluer et de corriger ces incidences. Je regrette profondément la méthode employée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Auteur : M. Jean-Michel Clément
Type de question : Question orale
Rubrique : Professions judiciaires et juridiques
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 mai 2009