Question orale n° 776 :
téléphone

13e Législature

Question de : M. Dominique Baert
Nord (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Dominique Baert interroge Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique sur l'accroissement des pouvoirs de police du maire en matière d'autorisation des implantations des antennes-relais.

Réponse en séance, et publiée le 1er juillet 2009

RÉGLEMENTATION DE L'IMPLANTATION DES ANTENNES RELAIS

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert, pour exposer sa question, n° 776, relative à la réglementation de l'implantation des antennes relais.
M. Dominique Baert. Madame la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, l'implantation des antennes relais dans nos communes, dans nos quartiers, est en train de devenir un problème majeur de vie quotidienne.
Si nos concitoyens sont très attachés au développement des nouveaux moyens de communication, notamment téléphoniques bien sûr, ils sont aussi très préoccupés par les conséquences de ces déploiements tous azimuts sur leur santé. Lieux d'installation, proximité des zones d'habitat dense ou d'écoles, intensité des émissions d'ondes et puissance des matériels implantés, tout cela pose question. Souvent, trop souvent, le maire est interpellé, pour prendre des décisions de contrôle et, surtout, de refus.
Pourtant, les pouvoirs du maire, en l'état actuel de la réglementation, sont limités. Il se sent souvent démuni face aux questions, et confronté à une situation juridique complexe et imprécise, pour ne pas dire instable. Que doit-il répondre lorsqu'il est saisi d'une demande d'installation ? Quel niveau d'ondes doit-il accepter ? Quelles protections ou garanties doit-il, peut-il exiger des opérateurs ? Quels contrôles doit-il, peut-il solliciter, et auprès de quelle autorité ? Quelles sont ses responsabilités ? Lui à qui la loi et la jurisprudence en attribuent tant dans la mise en oeuvre du principe de précaution, comment peut-il concilier la protection de la santé publique, dont il est si souvent le garant, et la réalité scientifique ?
Le Gouvernement a présenté des orientations. Il souhaite organiser un dialogue, une concertation entre élus, associations et opérateurs. Il a annoncé la publication prochaine d'un rapport scientifique de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement.
Pendant ce temps, que faire ? Que dire ? Que tolérer ? Qu'interdire ? Quels seuils d'exposition aux charges électromagnétiques sont compatibles avec la santé publique, et pour qui ? Doit-il y avoir des seuils différenciés pour enfants et adultes ? N'est-il pas de la responsabilité de l'État de veiller à l'élaboration de schémas prévisionnels de déploiement des antennes relais dans nos régions ?
En sens inverse, que peuvent, que doivent faire les services municipaux ? Est-il admissible que le maire soit interpellé par sa population sur les conséquences de l'implantation d'antennes, alors qu'il n'a généralement pas la capacité de faire effectuer les mesures d'exposition par ses services municipaux ? Est-il admissible, au demeurant, que ces mesures ne soient faites qu'une fois l'antenne posée ? Ne serait-il pas nécessaire que soient rapidement établies des règles du jeu claires sur les normes, précises sur les responsabilités juridiques, exhaustives sur le rôle des élus locaux ?
Il y a peu, dans ma circonscription, à Croix surtout, mais aussi à Roubaix ou à Wattrelos, des situations aussi conflictuelles que passionnées ont fait la " une " de l'actualité. C'est dire si j'ai hâte d'entendre votre réponse, madame la secrétaire d'État.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le député, nos concitoyens souhaitent disposer de nouveaux services numériques, mais les équipements qui les fournissent leur inspirent parfois des inquiétudes.
Chacun d'entre nous porte une part de cette schizophrénie ou de ce paradoxe, et les élus sont pris en tenaille entre ces désirs paradoxaux. À leur tour, ils souhaitent que leurs territoires disposent de la meilleure couverture numérique possible - et c'est bien normal - et sont en même temps confrontés à ces craintes, parfois à la mobilisation des populations.
La question que vous posez montre bien le rôle déterminant des maires dans la résolution de ce paradoxe. Nous avons besoin d'eux de même que, sans aucun doute, ils ont besoin que la puissance publique les mette dans une situation plus confortable et leur donne de nouveaux outils.
Dans ce contexte, l'action du Gouvernement est fondée sur une double exigence : le développement des usages numériques doit se faire au profit de nos citoyens ; il doit être accepté socialement, ce qui n'est pas le cas actuellement des équipements producteurs d'ondes électromagnétiques.
Dès le 4 février, j'ai appelé de mes voeux la tenue d'une table ronde sur les radiofréquences. La méthode était inspirée de celle du Grenelle de l'environnement : il s'agissait d'associer toutes les parties prenantes à la décision, de prendre acte du fait que personne n'était satisfait de la situation actuelle mais qu'il était sans doute possible d'en sortir par le haut.
Le 25 mai dernier, l'ancien directeur de la santé, Jean-François Girard, qui organisait la table ronde, m'a remis, ainsi qu'à mes collègues concernés, un rapport d'étape. Du chemin a été parcouru, même si, à ce stade, tous les sujets ne font pas consensus : certaines oppositions perdurent ; nous allons donc poursuivre ce travail collectif.
Dix premières orientations ont été reprises par le Gouvernement. Elles concernent l'information, ainsi que des sujets dont, jusqu'à présent, la puissance publique ne s'était pas emparée : l'accueil des personnes hypersensibles et, éventuellement, le protocole à envisager pour traiter leurs pathologies ; le contrôle des seuils d'exposition ; le rôle des élus locaux dans l'installation du réseau sur le terrain.
Un comité de suivi de cette table ronde va être mis en place ; il se réunira en septembre après que les groupes de travail se seront eux-mêmes réunis plusieurs fois. Le Gouvernement y exposera de façon plus précise les actions qu'il entend mener : je pense en premier lieu au renforcement de l'information des citoyens et des professionnels de santé, mais surtout de celle des élus locaux, de façon que ces derniers puissent la diffuser à leur tour.
De même, les prérogatives des élus locaux seront renforcées. Ces derniers doivent être associés plus en amont sur l'aménagement de leur territoire en réseaux sans-fil. L'objectif poursuivi, qui commence à faire consensus autour de la table ronde, est celui de plans prévisionnels de déploiement élaborés au niveau des communes et validés par les préfets. Ils permettraient, outre le fait d'associer les élus en amont, de donner aux citoyens une meilleure visibilité des équipements prévus dans leur environnement.
L'Agence nationale des fréquences pourrait voir ses missions renforcées, de façon à devenir une véritable agence de sécurité des fréquences. Elle serait ainsi susceptible d'effectuer toutes les mesures et contrôles nécessaires, mais également de proposer des solutions techniques en matière d'ingénierie de réseau.
Par ailleurs, il faudra rénover nos méthodes de mesures des seuils d'exposition et, le cas échéant, revoir ces seuils. Je souhaite que nous travaillions d'abord sur l'exposition du public dans les lieux de vie, en cherchant, par exemple, à définir l'exposition la plus faible possible tout en conservant une bonne qualité de service, ou encore à définir une valeur cible. C'est ce qu'ont fait certains de nos voisins, comme l'Italie, la Suisse ou la Belgique, qui ont défini une valeur cible généralement comprise entre 2 et 6 volts par mètre en zone urbaine, c'est-à-dire inférieure à la norme française actuelle.
Pour ce faire, nous nous appuierons sur des travaux de modélisation - ce qui répond partiellement à vos préoccupations, monsieur le député - et, le cas échéant, sur des expérimentations, le Gouvernement ayant lancé un appel à contributions sur le sujet.
Enfin, le protocole de mesure doit être rendu plus accessible au grand public. On pourrait ainsi imaginer que tout citoyen puisse faire mesurer le niveau d'exposition sur son lieu de vie ou de travail. Ce système pourrait être financé par une contribution des opérateurs, et non, comme c'est actuellement le cas, par un financement direct, lequel est toujours sujet à suspicions. Pardon d'avoir été un peu longue, monsieur le président : je pourrais m'étendre très longuement sur le sujet...
M. le président. Je n'en doute pas, madame la secrétaire d'État... (Sourires.)
La parole est à M. Dominique Baert, que je remercie d'être bref, bien qu'il soit lui aussi capable de faire long.
M. Dominique Baert. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d'État. Comme vous le savez, la situation juridique actuelle n'est guère satisfaisante pour les élus locaux : entre les arrêtés cassés par la juridiction administrative, les saisines des tribunaux judiciaires, la mise en avant de notions telles que les troubles anormaux de voisinage ou le préjudice moral, certains ont parlé de " far west juridique ". Je souhaiterais donc que vous terrorisiez l'incertitude (Sourires), que l'État joue son rôle et fasse respecter au plus vite des règles claires et précises.
Vous avez souvent parlé au futur, et même parfois au conditionnel ; or il est urgent de prendre des décisions dès maintenant. Tels sont mes voeux pour ce dossier ; j'en associe d'autres, et des plus chaleureux, pour l'heureux événement familial qui vous attend dans les prochaines semaines. (Sourires.)
M. le président. Je partage ces voeux, madame la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Merci !

Données clés

Auteur : M. Dominique Baert

Type de question : Question orale

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : Prospective et économie numérique

Ministère répondant : Prospective et économie numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juin 2009

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