Question orale n° 888 :
campagnes électorales

13e Législature

Question de : M. Thierry Mariani
Vaucluse (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Thierry Mariani appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la législation relative aux campagnes électorales. En effet, si le besoin d'une réglementation du financement des campagnes électorales est apparu tardivement dans notre pays, le retard français fut vite rattrapé. La création, en 1990, de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s'inscrit pleinement dans cette dynamique. Autorité administrative indépendante, la commission effectue un contrôle minutieux des comptes, qu'elle peut, dans un délai de six mois après transmission, approuver, rejeter ou réformer (par exemple majorer des dépenses facturées à un coût abusivement bas). Elle saisit le juge de l'élection en cas de transmission en retard, de dépassement du plafond ou de rejet du compte. Seuls les comptes approuvés ouvrent droit au remboursement de l'État. Le juge de l'élection peut alors prononcer des sanctions électorales (annulation ou réforme du résultat), financière (amende) ou pénale (emprisonnement, inéligibilité). Il reste que ce contrôle a posteriori montre aujourd'hui ses limites. La liberté prise par certains responsables politiques qui, en période électorale, confondent régulièrement moyens de la collectivité et compte de campagne rend nécessaire une nouvelle évolution de notre législation et l'introduction d'une procédure de contrôle a priori, en référé, en cas de manquement manifeste aux dispositions du code électoral. Il souhaite connaître la position du Gouvernement sur sa proposition.

Réponse en séance, et publiée le 27 janvier 2010

RÉFORME DE LA LÉGISLATION SUR LE FINANCEMENT
DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour exposer sa question, n° 888, relative à la réforme de la législation sur le financement des campagnes électorales.
M. Thierry Mariani. Monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur, ma question porte sur la législation relative au financement des campagnes électorales.
Si le besoin d'une réglementation du financement des campagnes électorales est apparu tardivement dans notre pays, le retard français a été vite rattrapé et la création, en 1990, de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s'inscrit pleinement dans cette dynamique.
Autorité administrative indépendante, la commission effectue un contrôle minutieux des comptes, qu'elle peut, dans un délai de six mois après transmission, approuver, rejeter ou réformer, majorer par exemple des dépenses facturées à un coût abusivement bas.
Elle saisit le juge de l'élection en cas de transmission en retard, de dépassement du plafond ou de rejet du compte. Seuls les comptes approuvés ouvrent droit au remboursement de l'État et le juge de l'élection peut alors prononcer des sanctions électorales, comme l'annulation ou la réforme du résultat, des sanctions financières, une amende, ou pénales, emprisonnement ou inéligibilité.
Il reste que ce contrôle a posteriori montre aujourd'hui ses limites. Certains responsables politiques font ainsi preuve d'une grande liberté en période électorale en confondant régulièrement moyens de la collectivité et compte de campagne.
J'ignore comment cela se passe dans les autres régions françaises, mais je peux témoigner de ce qui se passe en Provence-Alpes-Côte d'Azur : ainsi, le président sortant de la région n'hésite pas à multiplier les colloques, inaugurations et autres manifestations aux quatre coins de la région. Il suffit de consulter son agenda sur le site internet de la région et de le comparer avec celui de l'année dernière pour se rendre compte que la collectivité et les contribuables financent en ce moment au moins une manifestation par jour ne visant qu'à une seule chose : faire la promotion de l'équipe sortante.
La période des voeux a également donné lieu à des comportements à proprement parler antirépublicains, qu'il s'agisse des voeux à la presse ou même des voeux au personnel régional, qui ressemblaient plus à une réunion militante qu'à une cérémonie protocolaire.
Je pourrais également vous parler des différentes publications, qu'il s'agisse du journal mensuel du conseil régional, distribué en décembre aux frais du conseil régional, en pleine campagne électorale, ou de ceux publiés par certains départements qui, comme celui du Vaucluse, ont consacré un numéro quasi complet pour dire, avec forces mensonges et contrevérités, tout le mal que pensait son président de la réforme territoriale.
Ces comportements m'ont poussé à envisager avec mes collègues de Provence-Alpes-Côte d'azur, dont Marie-Josée Roig, présente ici, le dépôt d'une proposition de loi que je soumettrai prochainement à mes collègues parlementaires.
Bien entendu, même si elle était votée rapidement, cette proposition ne s'appliquerait pas à la campagne en cours, mais je souhaite vivement, pour l'avenir, faire évoluer notre législation avec l'introduction d'une procédure de contrôle a priori, en référé, en cas de manquement manifeste aux dispositions du code électoral.
Ma question est donc simple : pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, rappeler quelles sont les règles précises en matière d'utilisation des moyens des collectivités territoriales en période électorale et, si vous en avez pris connaissance, nous dire ce que vous pensez de ma proposition de loi ?
M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le député, vous avez appelé notre attention sur l'application de la législation relative au financement des campagnes électorales. Vous regrettez en particulier les agissements de certains responsables de collectivité locale qui, en période électorale, tendent à utiliser les moyens de leur collectivité.
Tout d'abord, je suis d'accord avec vous, le strict respect du code électoral doit s'imposer à tous les candidats, notamment pour l'utilisation des moyens publics en période électorale. J'ai d'ailleurs demandé aux services du ministère de l'intérieur d'être particulièrement vigilants sur ce point.
M. Yves Fromion. Ils vont avoir du travail !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Fort heureusement, les dépenses électorales font l'objet, comme vous l'indiquez dans votre question, d'un contrôle approfondi par la commission nationale, autorité administrative indépendante qui a le pouvoir de saisir le juge de l'élection en cas de manquement à la législation relative aux comptes de campagnes.
Les recours post-électoraux qui peuvent découler de ses décisions ont prouvé leur efficacité. Ils peuvent entraîner, en cas de manquements conduisant à une annulation, une nouvelle élection, laissant ainsi le dernier mot aux électeurs, ainsi que des sanctions pénales dissuasives, telles que l'inéligibilité pendant une durée d'un an.
Faut-il aller plus loin en donnant à cette commission une compétence nouvelle, susceptible d'être exercée avant l'examen des comptes de campagne et comportant la possibilité d'un recours contentieux préalable à l'élection ?
Au regard des différents risques que pourrait comporter la saisine en référé, en amont de l'élection, du juge électoral, le ministère de l'intérieur n'en est pas totalement convaincu, pour les raisons suivantes : d'une part, une saisine préalable pourrait conduire à une instrumentalisation de la commission nationale, puis du juge électoral, par les candidats, qui pourraient faire des référés un élément de polémique électorale pendant la campagne ; d'autre part, la tentation pour le président de la commission de saisir le juge électoral pourrait conduire à une multiplication des recours, source d'engorgement pour la juridiction administrative, qui a déjà à connaître de nombreux contentieux électoraux a posteriori.
Il paraît donc préférable d'attendre le sort réservé aux éventuels griefs qui pourraient être soulevés à l'occasion de recours relatifs aux prochaines élections régionales et cantonales avant d'envisager de se lancer dans cette voie.
En revanche, je tiens à vous signaler que, pour mettre en évidence les agissements inacceptables dont vous souhaitez la sanction, il est toujours possible à un candidat d'informer la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, y compris durant la période de campagne, des suspicions qui existent quant au non-respect par un candidat des dispositions légales et, naturellement, de reprendre ensuite ces observations dans le cadre d'un contentieux post-électoral. Je vous engage à le faire, monsieur le député, si tel est le cas dans votre région.
M. Yves Fromion. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
M. Thierry Mariani. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai déjà déposé un recours devant la commission, mais jamais une élection régionale n'a été annulée. Cela ne concerne pas, en effet, 3 000 ou 5 000 électeurs, mais, dans ma région, par exemple, plus de 3,5 millions.
Il y a des cas flagrants, je le répète. Ainsi, en plein mois de décembre, aux frais de la région, a été distribué un journal avec un édito éminemment politique du président et sa photo, ce qui est de manière évidente illégal.
Je persiste à vouloir déposer cette proposition, en limitant peut-être le nombre de recours possible, parce qu'il y a un moment où il devrait y avoir une sorte de référé pour dire stop. Aujourd'hui, la sanction est donnée après et certains candidats, de n'importe quel côté de l'hémicycle, peuvent être tentés de prendre le risque, en sachant qu'ils seront peut-être sanctionnés, mais plus tard. En outre, on n'a jamais annulé une élection concernant plusieurs millions d'habitants.
Si l'on ne met pas en place pour les prochaines élections une procédure permettant de bloquer de tels abus, ceux-ci auront tendance à continuer. Le contrôle a posteriori, c'est bien mais, parfois, c'est trop tard.

Données clés

Auteur : M. Thierry Mariani

Type de question : Question orale

Rubrique : Élections et référendums

Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Ministère répondant : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2010

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