DOM-ROM : La Réunion
Question de :
M. Patrick Lebreton
Réunion (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Patrick Lebreton interroge M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur l'introduction de la mouche bleue à La Réunion et les menaces que sa prolifération fait peser sur la biodiversité et l'activité apicole. Au début de l'année 2008, le CIRAD a introduit puis lâché sur La Réunion près de 400 cibdela janthina dans la nature, des tenthrèdes ramenées de l'île de Sumatra, en Indonésie. Plus communément appelées mouche bleue, ces insectes étaient censés combattre les différentes pestes végétales et notamment la vigne marrone qui prolifère et menace de nombreuses plantes endémiques ainsi que l'exceptionnelle biodiversité de notre île. Près de deux ans après son introduction, les apiculteurs ont constaté une forte baisse de la production. Pour ces derniers, la mouche bleue concurrence les abeilles sur les fleurs de baie-roses et de letchis. Si l'efficacité de cette introduction sur la vigne marrone a été fulgurante, l'effet collatéral immédiat a été de priver les abeilles de plantes mellifères recherchées. Il en a résulté une baisse préoccupante de la production. Plus grave encore, la mouche bleue, depuis son introduction à La Réunion a proliféré, a colonisé puis chassé les abeilles de nombreux espaces. En effet, les abeilles délaissent les fleurs qui ont été visitées par les mouches bleues. Cette situation fait peser une menace des plus graves sur la biodiversité, la production de fruit et met gravement en péril l'équilibre des exploitations apicoles ainsi que le revenu des apiculteurs. En 2009, les producteurs de litchis ont déjà observé une baisse considérable de la production. D'ores et déjà, il est légitime de s'interroger sur la rigueur des études qui ont précédé l'introduction de cet insecte à La Réunion. Par ailleurs, la prolifération de cette mouche commence à fortement inquiéter la population qui redoute des conséquences sur la santé publique. Dès lors, il importe de s'interroger sur le contenu de ces études. Les effets de l'introduction de la mouche bleue ont-ils été correctement mesurés lors des différentes études préalables qui ont été conduites ? L'introduction de la mouche bleue a-t-elle eu un effet sur la baisse de la production de miel à La Réunion et la catastrophique récolte de litchis en 2009 ? Dans l'hypothèse où la responsabilité de cette introduction serait reconnue, s'engage-t-il à indemniser les apiculteurs et producteurs de fruits de La Réunion ? Enfin, il demande s'il est en mesure d'assurer que la prolifération excessive de l'insecte ne comporte aucun risque sur la santé publique.
Réponse en séance, et publiée le 29 janvier 2010
EFFETS DE L'INTRODUCTION DE LA TENTHRÈDE
À LA RÉUNION
M. Patrick Lebreton. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche, ma question, comme celle de Mme Huguette Bello, porte sur l'introduction de la tenthrède à La Réunion. C'est le signe que ce problème soulève de grandes inquiétudes ; c'est aussi la preuve que la mise en filière dans le domaine agricole a été une réussite sur l'île.
Je ne reviendrai pas sur les faits, sinon pour rappeler qu'il y a deux ans le CIRAD a introduit puis lâché sur La Réunion la tenthrède, qui venait de l'île de Sumatra, en Indonésie, et que des conséquences sur l'apiculture ont été notées. Dans ma commune, par exemple, où siège la coopérative des producteurs apicoles, une grande inquiétude s'exprime.
Il est clair que, si l'efficacité de cette introduction sur le raisin marron a été fulgurante, l'effet collatéral ne s'est pas fait attendre. C'est pour cela que les apiculteurs, mais aussi les producteurs de l'arboriculture fruitière, sont particulièrement inquiets. En effet, au-delà des agriculteurs, c'est l'ensemble de la filière des producteurs de fruits qui vit dans l'incertitude concernant les risques que la mouche bleue fait peser sur la production.
Même si je n'ai pas beaucoup de temps, j'aimerais vous conter une anecdote. Il y a quelques mois, alors que je jardinais dans la cour située à l'arrière de ma maison, j'ai été très inquiet car j'ai entendu, provenant des fleurs de litchis, comme un bourdonnement d'abeilles. J'ai cru qu'il s'agissait d'un essaim en train de se former. Or c'étaient des mouches bleues ! Là où elles passent - et cela nous rappelle de tristes moments de notre histoire -, les abeilles ne viennent plus.
Bref, il existe en la matière de grandes inquiétudes et, loin de protéger la biodiversité, cette situation fait peser sur elle une menace des plus graves, de même que sur la production fruitière. De plus, elle met gravement en péril l'équilibre des exploitations apicoles ainsi que le revenu des apiculteurs.
Outre les menaces pesant sur l'arboriculture fruitière, que je viens d'évoquer, il existe des inquiétudes dans la population sur les conséquences éventuelles pour la santé.
Dès lors, je souhaite vous demander si les effets de l'introduction de la mouche bleue avaient été bien mesurés. Vous avez en partie répondu sur ce point en nous disant qu'une nouvelle mission d'expertise allait être envoyée. De notre point de vue, cela permettra de vérifier l'effet de cette mouche bleue, évoqué à l'instant par ma collègue Huguette Bello, sur la baisse de la production de miel et sur la récolte de litchis, particulièrement catastrophique en 2009.
Dans l'hypothèse où la responsabilité de cette introduction serait reconnue dans la baisse des productions, vous engagez-vous, monsieur le ministre, à indemniser les apiculteurs et producteurs de fruits de La Réunion ? Pouvez-vous, enfin, nous donner toutes les assurances sur le fait que la prolifération excessive de l'insecte ne comporte aucun risque pour la santé publique ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, je vous apporterai quelques précisions en complément à la réponse que j'ai faite à Mme Huguette Bello.
Premièrement, la mouche bleue a été introduite après avis favorable du conseil scientifique régional du patrimoine naturel. Il s'agit donc d'une décision collective.
Deuxièmement, l'efficacité de l'introduction de la mouche bleue contre la prolifération de la vigne marronne - qui pose elle aussi, je le rappelle, des problèmes très importants pour les arboriculteurs et les apiculteurs de l'île - est redoutable. On peut donc se féliciter que la décision, prise collectivement, se soit révélée efficace.
Par ailleurs, j'ai pleinement conscience des inquiétudes dont vous vous faites l'écho ; des professionnels m'en ont parlé. Mon souci est d'y répondre de la manière la plus raisonnable et la plus scientifique possible.
En premier lieu, je vous redis que j'ai demandé au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, de mettre en place les expérimentations nécessaires pour obtenir des réponses sur les pertes de récoltes apicole et arboricole, ce qui est très important pour les producteurs de l'île.
En second lieu, sur la question de la santé, qui est tout à fait majeure, j'ai demandé très récemment à l'AFSSA d'effectuer une mission d'expertise, car il est effectivement très important que l'on ait les réponses les plus précises et les plus scientifiques possible. S'il y a des inquiétudes, le mieux est de saisir les établissements publics qui ont la compétence scientifique nécessaire pour apporter des réponses.
Enfin, de manière plus générale, je profite de vos deux questions pour dire, que, dans le cadre des états généraux du sanitaire, que j'ai lancés le mardi 19 janvier dernier, j'ai demandé que l'un des groupes de travail mis en place soit spécifiquement consacré au domaine phytosanitaire et à la lutte biologique contre les insectes. On pourra ainsi dresser le bilan des coûts et des avantages de l'introduction d'éléments biologiques pour lutter contre la prolifération d'un certain nombre d'insectes ou de plantes nuisant à la production arboricole ou apicole.
Auteur : M. Patrick Lebreton
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Alimentation, agriculture et pêche
Ministère répondant : Alimentation, agriculture et pêche
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2010