Question orale n° 957 :
prêts

13e Législature

Question de : M. Nicolas Dupont-Aignan
Essonne (8e circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe

M. Nicolas Dupont-Aignan rappelle à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation que les deux dernières années ont confirmé, à un niveau dramatique et inédit, la concurrence très insuffisante existant au sein du secteur bancaire, la tentation permanente d'abus de position dominante de ce qu'il faut bien appeler, hélas, un oligopole, se traduisant aussi bien pour les particuliers que pour les petites entreprises par une raréfaction et un renchérissement du crédit. En témoigne ainsi le niveau record des plaintes des particuliers auprès de la médiation bancaire en 2008, en hausse de près de 16 % par rapport à l'année précédente. En témoigne également, malgré les efforts méritoires bien qu'insuffisants du médiateur du crédit, le nombre de défaillances d'entreprises constatées en 2009, qui s'élèvent à 70 000. En témoigne, encore, l'aveu du secteur bancaire lui-même selon lequel, en dépit des promesses faites en contrepartie du plan de sauvetage gouvernemental, les banques françaises n'ont pas augmenté sur 2009 leur offre de crédit de 3 à 4 %. En témoigne, enfin, la permanence de mauvaises pratiques bancaires dont on ne peut qu'imaginer qu'elles ont empiré à la faveur de la crise : il pense, d'une part, au volume de crédit consenti aux entreprises qui n'en ont pas besoin, au détriment de celles dont la trésorerie menace de flancher, ce afin de gonfler artificiellement les statistiques. Il pense, d'autre part, à cette habitude qui consiste pour les banques à refuser du crédit de trésorerie aux TPE-PME pour leur facturer des rallonges financières sous forme d'agios, au coût bien supérieur. Des voix s'élèvent partout dans le pays pour réclamer de meilleures pratiques bancaires, plus raisonnables et plus responsables vis-à-vis de la vitalité du tissu économique et donc de l'emploi. Deux mesures simples permettraient d'aller en ce sens : la première, le « droit au crédit opposable », consisterait pour les établissements bancaires à devoir systématiquement justifier et notifier par écrit tout refus de crédit, de telle sorte qu'il puisse leur être opposées des plaintes pour refus de vente si, comme c'est le cas la plupart du temps, le client a pu maintenir à flot son activité en supportant des charges d'agios plutôt que des charges, inférieures, de crédit. La seconde consisterait à voir l'État utiliser de son influence dans le secteur bancaire par le biais des établissements qu'il contrôle, afin de développer le crédit court terme au taux du marché pour les TPE-PME et, pourquoi pas, pour les particuliers. De la sorte, en réintroduisant une réelle concurrence dans un secteur stratégique pour l'activité économique nationale, la puissance publique serait également à même de vraiment réguler certains tarifs abusifs et mettre fin à de mauvaises pratiques (par exemple les frais bancaires sur la gestion du compte et les dates de valeurs sur les chèques, qui ponctionnent la trésorerie des entreprises et le pouvoir d'achat des ménages). Il lui demande donc si le Gouvernement entend favoriser l'adoption de ces mesures ou de mesures comparables pour favoriser la reprise et le développement de notre tissu économique, aussi bien que l'augmentation du pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Réponse en séance, et publiée le 24 février 2010

ACCÈS DES TPE-PME AU CRÉDIT

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour exposer sa question, n° 957, relative à l'accès des TPE-PME au crédit.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, vous le savez, compte tenu de la crise qu'affronte notre pays, beaucoup de petites entreprises ont fait faillite ; on a constaté en 2009 près de 70 000 défaillances d'entreprises. Or beaucoup de TPE et de PME se font l'écho de pratiques bancaires inacceptables. Le médiateur du crédit, mis en place par le Gouvernement, a permis de mettre fin à certaines pratiques excessives et d'accorder à certaines entreprises les crédits nécessaires.
Pour autant, on note que les engagements pris par les banques françaises n'ont pas été tenus ; elles avaient notamment promis d'augmenter leur offre de crédit de 3 à 4 % en 2009. On relève aussi, et c'est beaucoup plus grave, que les banques ont tendance à faire des offres de crédit aux entreprises qui n'en ont pas besoin, ou qui du moins ne les demandent pas, afin de pouvoir remplir leurs quotas, tandis qu'elles asphyxient dans le même temps de toutes petites entreprises en leur refusant des crédits de trésorerie.
Il y a plus d'un an que j'ai alerté le Gouvernement sur la limitation des crédits de trésorerie, qui entraîne des défaillances d'entreprises pour 3 000 euros, pour 5 000 euros, pour 10 000 euros. On m'a dit que je rêvais ! Aujourd'hui, les chiffres sont là. La Banque de France indique que les prêts de trésorerie aux entreprises ont diminué de près de 15 % au cours de l'année 2009. C'est extrêmement grave ; cela met en danger notre tissu économique.
M. Daniel Mach. C'est vrai !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Que compte faire le Gouvernement pour rappeler à l'ordre un secteur bancaire qui ressemble de plus en plus à un oligopole privé et qui choisit les entreprises à qui il prête ?
Pour être concret, je formule deux propositions.
Tout d'abord, ne serait-il pas possible d'obliger les établissements bancaires à justifier et à notifier par écrit tout refus de crédit, de telle sorte que des plaintes pour refus de vente puissent être déposées si, comme c'est le cas la plupart du temps, le client a pu maintenir à flot son activité en supportant des charges d'agios bien supérieures aux charges d'un crédit ?
L'État pourrait également user de son influence pour que le crédit retourne vers les toutes petites entreprises et les PME, sans même parler des particuliers, qui font l'objet d'un véritable racket sur leurs frais bancaires.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, ce que vous allez proposer pour que cesse ce véritable scandale.
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. C'est un sujet que le Gouvernement ne prend pas à la légère. Il s'agit de la transmission de la crise financière à notre tissu économique, plus particulièrement à ceux qui font sa vitalité et qui contribuent à l'emploi dans les territoires : les PME. C'est donc l'un des points essentiels sur lesquels notre plan d'action dans la crise s'est concentré.
De nombreuses actions auprès des banques ont été menées et le plan de financement des PME a permis de mettre sur la table plus de 22 milliards d'euros, afin d'améliorer et de protéger le financement des PME dans la crise. Voici quelques-uns des résultats obtenus.
Concernant la trésorerie, le Gouvernement a d'abord pris des mesures de facilité, notamment par des avances de trésorerie de l'État. Au 8 janvier 2010, plus de cinquante-cinq mille garanties avaient été activées pour un encours cumulé supérieur à 1,1 milliard d'euros. Depuis octobre dernier, le Gouvernement a étendu aux exportations ces dispositifs de soutien ; cela est particulièrement important si nous voulons garder des PME capables de progresser à l'export.
La réduction des délais de paiement, instituée par la loi de modernisation de l'économie, a dégagé, en 2009, un supplément de trésorerie pour un grand nombre de PME ; c'est le cas quand cette loi est correctement appliquée, et nous devons rester vigilants sur ce point.
La médiation du crédit est opérationnelle depuis la mi-novembre 2008. Le travail remarquable de M. Ricol a permis de traiter plus de quatorze mille dossiers et, dans deux cas sur trois, son action a conduit à un déblocage du crédit auprès des banques. Cette médiation a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2010 par un accord de place.
Enfin, nous avons eu recours à des financements de prêts ou de garanties par OSEO, dispositif souvent très apprécié des PME. Cela permet de nombreux déblocages ou montages de prêts, notamment pour des investissements.
La crise ne rend pas les choses faciles pour les PME, mais, globalement, les conditions de financement des entreprises par les banques sont meilleures en France que dans les autres pays européens.
Pour autant, nous ne pouvons bien évidemment pas relâcher nos efforts. Lors de la réunion organisée jeudi dernier avec les dirigeants des cinq principaux réseaux bancaires, Christine Lagarde a rappelé avec la plus grande fermeté la nécessité d'accroître les encours de crédits aux TPE et PME. Le dispositif de suivi des encours de crédit sera reconduit en 2010. À notre demande, en 2010, les cinq réseaux bancaires mettront à disposition des TPE et PME indépendantes une enveloppe totale de 38 milliards d'euros de nouveaux crédits à moyen et long terme. Cette enveloppe sera identifiée, afin d'éviter le risque, que vous avez rappelé, qu'on ne traite que les bons clients en laissant les autres, ceux qui ont vraiment besoin que l'on s'occupe d'eux, sur le côté. Ces nouveaux crédits seraient ainsi en progression de 6 % par rapport à 2009.
Il faut également, vous l'avez dit, réduire les délais de décision pour l'octroi d'un crédit car l'attente est souvent pénalisante pour une décision d'investissement.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas Dupont-Aignan. J'insiste sur la nécessité d'exiger une réponse écrite au refus de prêt. C'est une mesure qui ne coûte pas cher et qui permettrait de mieux contrôler le système bancaire. En voyant les profits de certaines banques, qui jouent ensuite ces milliards sur les marchés financiers, on peut légitimement s'interroger sur ce qui se passe.
J'insiste aussi sur les crédits de trésorerie : OSEO joue un rôle très important, mais ne prête que si la banque prête.
J'ajoute enfin, pour que le Gouvernement le sache, mais il le sait bien, que, à la suite des interventions du médiateur du crédit, nous avons vu des représailles très fortes contre certaines entreprises ; l'ensemble de leurs crédits ont été bloqués. C'est inacceptable !

Données clés

Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan

Type de question : Question orale

Rubrique : Banques et établissements financiers

Ministère interrogé : Commerce, artisanat, pme,tourisme, services et consommation

Ministère répondant : Commerce, artisanat, pme,tourisme, services et consommation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 février 2010

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