vétérinaires
Question de :
Mme Virginie Duby-Muller
Haute-Savoie (4e circonscription) - Les Républicains
Mme Virginie Duby-Muller interroge Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur un manque à gagner important dans la retraite de plusieurs vétérinaires suite à des opérations passées de prophylaxie sur les bovins, commanditées et financées par l'État. Lors de ces opérations, les vétérinaires étaient les collaborateurs occasionnels du service public, salariés de l'État, et leur travail était encadré et contrôlé par les directions départementales des services vétérinaires sous la conduite du ministère de l'agriculture. À ce titre, leur employeur devait les affilier aux régimes sociaux, mais, bien que les rémunérations perçues par les praticiens étaient considérées fiscalement comme des salaires, l'État n'a pas versé les cotisations sociales qui leur auraient donné droit à une protection sociale et à une retraite. Un manque à gagner a alors été constaté sur le montant des retraites des vétérinaires, reconnu par le Conseil d'État comme une faute de l'État, entraînant réparation (arrêtés n° 334 197 et 341 325 du 14 novembre 2011). Quelques-uns des vétérinaires alors concernés ont été effectivement indemnisés. Cependant, à ce jour, nombreux sont les vétérinaires concernés qui peinent toujours à faire valoir leurs droits à une retraite normalement due. Ils n'arrivent pas à obtenir cette réparation du fait de la date de prise d'effet de la prescription quadriennale, qui limite dans le temps les recours envers l'État. En effet, la reconnaissance de la faute de l'État date de 2011, ce qui élimine pour le recours tous les vétérinaires ayant pris leur retraite avant cette date. La problématique aujourd'hui porte donc sur la date de prise d'effet de la prescription quadriennale. Plusieurs vétérinaires ignoraient cette prescription, qui a fait l'objet d'une communication très faible, au moment où ils ont pris leur retraite. Ils sont de bonne foi, mais se sentent aujourd'hui floués : il a fallu attendre 2011 pour qu'ils apprennent, suite à des actions menées par certains de leurs représentants, que l'État avait commis une faute. Ils ont ainsi présenté tardivement un dossier de demande - par ailleurs très difficile à constituer, du fait de l'ancienneté de ces opérations de prophylaxie d'état et de la destruction de certaines archives -. Au total, plusieurs centaines de vétérinaires retraités seraient lésés. Ainsi, les vétérinaires retraités, dont la retraite est mince en partie à cause de la carence de l'État - souhaiteraient voir la prescription courir au-delà de 2015, en réparation de la faute commise par l'État. Les dossiers établis avant cette date deviendraient alors valides pour tous ceux qui ont pris leur retraite avant 2011. Aussi, elle souhaite connaître son analyse sur le sujet, et les propositions du Gouvernement pour ces vétérinaires retraités, qui se sentent floués par la date de début de prescription qui diminue considérablement les ayants droit.
Réponse publiée le 21 mars 2017
L'État a tiré toutes les conséquences des deux décisions du Conseil d'État du 14 novembre 2011. Il a mis en place, dès 2012, une procédure harmonisée de traitement des demandes d'indemnisation du préjudice subi par les vétérinaires du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale au titre des activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire. Cette procédure s'appuie sur la reconstitution des rémunérations perçues annuellement par chaque vétérinaire sur la période d'exercice de son mandat sanitaire. L'activité sanitaire des vétérinaires s'avère, en effet, avoir été très variable et ce indépendamment du département d'exercice. Si le traitement des demandes d'indemnisation peut apparaître long, il convient de souligner que la procédure amiable concerne un pré-contentieux de masse, qu'elle est lourde, car composée d'une analyse de chaque dossier selon des règles harmonisées, et de plusieurs étapes requérant l'implication non seulement du ministère chargé de l'agriculture mais aussi d'un ensemble de partenaires extérieurs. Cette procédure est ouverte aux vétérinaires retraités comme aux vétérinaires actifs. A ce jour, 1 273 dossiers recevables sont parvenus au ministère. 1 100 ont été complètement instruits. Priorité a été accordée, dans le traitement des demandes, aux vétérinaires en retraite qui subissent d'ores et déjà un préjudice. Trois séries de protocoles ont ainsi été envoyées en 2014, 2015 et 2016. Près de 80 % des vétérinaires en retraite, ayant accepté la proposition d'assiette qui leur a été faite, ont ainsi été indemnisés, ce qui montre la pertinence de la procédure retenue. Ce processus se poursuit en 2017. Cent nouvelles propositions d'accord ont d'ailleurs été envoyées depuis le début de l'année. Plus de cinquante d'entre elles sont déjà signées portant au 1er mars 2017 le nombre d'accords conclus à 553. Certains dossiers présentent néanmoins des difficultés particulières. L'article 1er de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d'État a confirmé, dans ses décisions no 388198 et 388199 du 27 juillet 2016, que le délai de prescription de la demande d'indemnisation courrait à partir du 1er janvier suivant le jour de la liquidation de la retraite. Il a aussi souligné que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établie par ses décisions du 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974 qui ont donné lieu à diffusion et à retranscription dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. Ce n'était qu'à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire avaient été « assimilées », pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ainsi le Conseil d'État a-t-il jugé que les vétérinaires ne pouvaient être légitimement regardés comme ignorants de leur créance au moment où ils ont liquidé leur droit à pension. Le Conseil d'État, dans une décision du 10 janvier 2007 (Mme Martinez, no 280217), a en outre jugé que l'erreur de l'administration était sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration opposait la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré. L'article 6 de la loi précitée dispose également que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». Si l'article 6 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 prévoit aussi que les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières, notamment de la situation du créancier. Cette possibilité ne peut être qu'exceptionnelle, au risque, en cas de généralisation, de remettre en cause toute sécurité juridique et toute égalité des citoyens devant la loi.
Auteur : Mme Virginie Duby-Muller
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions de santé
Ministère interrogé : Affaires sociales et santé
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 28 février 2017
Réponse publiée le 21 mars 2017