Question de : M. Laurent Marcangeli
Corse-du-Sud (1re circonscription) - Les Républicains

M. Laurent Marcangeli interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question du rapprochement familial des prisonniers, notamment en Corse. Pendant longtemps, seul l'article D. 402 du code de procédure pénale évoquait de façon floue cette question : « En vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé au maintien et à l'amélioration de leurs relations avec leurs proches ». Il faut attendre 2009, pour qu'enfin l'article 34 de la loi pénitentiaire y fasse référence explicitement : « Les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement ». Malheureusement, cet article a créé de fait une inégalité manifeste entre les détenus en instruction, les détenus condamnés et ceux en attente d'un jugement. Cette situation est d'autant plus injuste qu'elle méconnait les règles européennes et notamment la recommandation du comité des ministres aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes du 11 janvier 2006 (17-1) : « Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale ». Afin de remédier à cela, une proposition de loi visant à consacrer le droit au rapprochement familial pour les détenus condamnés a été déposée par Sauveur Gandolfi-Scheit, député de Haute-Corse. Adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale en janvier 2012, elle attend désormais son inscription à l'ordre du jour du Sénat. En attendant, l'état actuel du droit provoque des situations humaines dramatiques. Et cela est d'autant plus vrai en Corse du fait de l'insularité qui engendre des difficultés en matière de transports et des frais non négligeables. Le rapprochement familial permettrait de ne pas pénaliser encore davantage les familles, déjà touchées par la souffrance morale due à l'incarcération de leur proche. Il répondrait à une exigence d'humanité et de cohésion sociale, indispensable à toute société harmonieuse. Enfin, il pourrait constituer l'un des points-clefs de la réussite du défi de la réinsertion et de la prévention de la récidive. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer le point de vue du Gouvernement et ses intentions sur cette question particulièrement sensible.

Réponse publiée le 21 octobre 2014

La question du maintien des liens familiaux, qui participent de la préservation des droits des personnes détenues mais aussi de leur réinsertion sociale, est un élément essentiel de la politique pénitentiaire mise en oeuvre par la Garde des sceaux. A ce jour, les textes qui régissent la matière sont fixés pour l'essentiel par la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Ainsi, l'article 34 dispose d'une part que les prévenus dont l'instruction est achevée peuvent bénéficier d'un rapprochement dans l'attente de leur jugement. D'autre part, l'article 35 consacre le droit des personnes détenues - prévenues ou condamnées- au maintien des relations avec leur famille. Le maintien des liens familiaux, tel que prévu dans l'ordonnancement juridique français prévoit par conséquent d'ores et déjà que celui-ci s'applique quelle que soit sa situation pénale de la personne détenue. En outre, concernant l'affectation des personnes détenues par l'administration pénitentiaire, le critère de la proximité du lieu de détention des personnes condamnées avec la résidence de leurs proches est systématiquement pris en compte conformément à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme repris par les dispositions du code de procédure pénale applicables en la matière (articles D 74 et D 402). La circulaire du 21 février 2012 relative à l'orientation en établissement pénitentiaire des personnes détenues précise par ailleurs que le maintien des liens familiaux constitue l'un des critères essentiels à prendre en compte dans le choix d'affectation d'une personne condamnée. S'agissant particulièrement de la question du rapprochement familial des personnes détenues dont la famille réside en Corse celle-ci est traitée conformément au droit commun applicable à l'ensemble des personnes détenues. Au mois de juillet 2014, 207 personnes condamnées nées en Corse étaient détenues, dont 114 au sein de l'un des trois établissements pénitentiaires situés en Corse (maison d'arrêt d'Ajaccio, centre pénitentiaire de Borgo, centre de détention de Casabianda). Parmi celles étant détenues sur le continent et sollicitant leur affectation en Corse, les demandes sont examinées conformément aux dispositions légales et règlementaires en vigueur. La totalité de ces affectations a donc été réalisée à partir de critères légaux, dont le maintien des liens familiaux est l'un des aspects importants, mais non exclusif, parmi d'autres critères tenant notamment à la nature des faits, la durée de la peine, la personnalité (en prenant en compte les expertises, le comportement en détention, etc.). La catégorie de l'établissement, de même que son niveau de sécurité, participent également des éléments qui sont appréciés en regard de la situation pénale de la personne détenue. Depuis l'arrivée de la Garde des sceaux pas moins de 41 transferts ont été effectués vers le quartier centre de détention de l'établissement de Borgo.

Données clés

Auteur : M. Laurent Marcangeli

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 17 juillet 2012
Réponse publiée le 21 octobre 2014

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