Question de : M. Éric Ciotti
Alpes-Maritimes (1re circonscription) - Les Républicains

M. Éric Ciotti attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la préparation d'une circulaire visant à diminuer la population carcérale ainsi que la fin du plan national d'exécution des peines d'emprisonnement fermes exécutoires qui a pour but de résorber le stock de peines encore non exécutées, améliorer les délais de mise à exécution des peines et plus largement de mettre en oeuvre les orientations réaffirmées en matière d'exécution des peines. Il lui demande de confirmer ou d'infirmer les intentions qui lui sont prêtées dans cet article et de prendre dès à présent une position publique claire sur les moyens qu'elle entend mettre en oeuvre pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale.

Réponse publiée le 25 décembre 2012

Le surpopulation carcérale apparait comme le résultat d'une politique pénale menée durant ces dix dernières années et privilégiant le recours à l'incarcération pour toute réponse. Le nombre de condamnations à l'emprisonnement ferme a cru de 20 % en dix ans, sans correspondre à une augmentation corrélative des crimes et délits les plus graves. Le taux de densité carcérale, qui est ainsi depuis de nombreuses années extrêmement élevé, entraîne des conditions de détention indignes et des conditions de travail difficiles pour les personnels : au 1er août 2012, 9 établissements pénitentiaires présentaient un taux de surpopulation carcérale supérieur à 200 % et 32 entre 150 et 200 %. Par ailleurs 40 % des détenus ont été condamnés à des peines fermes de moins de 6 mois. Les courtes peines représentent donc une masse considérable et ces peines sont peu aménagées : seules 20,4 % des personnes incarcérées ont vu leur peine aménagée pour préparer leur réinsertion. 45 % des détenus sont en outre à moins de 6 mois de leur fin de peine. Sur la base de ces constats, la garde des sceaux a, par circulaire du 19 septembre 2012 diffusée à l'ensemble des procureurs généraux et des procureurs de la République, souhaité réorienter la politique pénale vers plus d'efficacité, dans le respect des droits fondamentaux. Ces objectifs se traduiront dans le choix des orientations de procédure, le choix des peines requises et un fort accent porté sur les aménagements de peines. Plus d'efficacité, c'est également évaluer rigoureusement l'impact des différents types de peine sur les risques de récidive. Quelle que soit la méthodologie retenue, toutes les analyses françaises et étrangères convergent vers des résultats identiques : la prison aggrave le risque de récidive. La prison comme mode de punition légitime n'est pas remise en cause, mais son impact sur le risque de récidive doit être plus sérieusement pris en compte, sachant que l'incarcération aggrave ce risque puisque 63 % des personnes détenues ayant achevé leur peine sans aménagement sont à nouveau condamné dans un délai de 5 ans, contre 39 % pour celles qui ont terminé leur peine sous le régime de la libération conditionnelle. L'objectif de la nouvelle politique pénale est d'opérer un changement au bénéfice de solutions plus pragmatiques et ayant démontré leur utilité pour promouvoir la sécurité de tous : une grande variété d'aménagements de peine existe pour répondre à la variété des situations (gravité des faits, personnalité de l'auteur, contexte) : semi-liberté, bracelet électronique, suivi encadré par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, notamment dans le cadre des libérations conditionnelles ou des sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général... Le développement des aménagements de peines constitue ainsi une priorité de l'action de la garde des sceaux, afin que soit redonné tout son sens au principe directeur posé par l'article 707 du code de procédure pénale aux termes duquel « l'exécution de la peine favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion et la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ». Cette priorité devra être déclinée lors de l'audience, après le prononcé de la condamnation et lors de sa mise à exécution. A cette fin, la ministre de la justice a demandé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République de veiller à ce que soit recueilli le plus grand nombre d'informations en amont de l'audience permettant d'apprécier la personnalité de l'intéressé, d'adapter la peine requise et d'encourager les aménagements de peines ab-initio. Dans le cadre de l'aménagement de peine décidé par le juge de l'application des peines, la garde des sceaux souhaite que soient facilitées les conditions de son prononcé, notamment par une transmission rapide à ce magistrat des pièces d'exécution, la poursuite des efforts entrepris pour mettre à jour les situations pénales des condamnés et le recours à la procédure hors débat contradictoire en milieu fermé comme en milieu ouvert dès lors que les éléments contenus dans le dossier se révèlent suffisants à éclairer la situation du condamné ainsi que son projet. Chaque situation personnelle doit donner lieu à une évaluation attentive à chaque moment de la procédure et le panel des mesures d'aménagement existant doit être utilisé dans toute sa diversité. La procédure simplifiée d'aménagement de peine (PSAP) et la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP) sont également encouragées. Une politique dynamique en matière d'exécution des peines et d'application des peines exige enfin une concertation accrue entre les parquets, les juges de l'application des peines, les services pénitentiaires d'insertion et de probation, ainsi que les établissements pénitentiaires. Ces mesures immédiates sont nécessaires, mais pas suffisantes. C'est pourquoi, la ministre de la justice a engagé le 18 septembre 2012 un processus de concertation sous la forme d'une conférence de consensus sur la prévention de la récidive destinée à sortir des échanges polémiques et à bâtir une politique durable assise sur des éléments solides et incontestables. L'ensemble de ces dispositifs doit permettre de progresser significativement en matière de prévention de la récidive. Parallèlement à ces mesures, l'impérieuse nécessité d'exécuter les peines d'emprisonnement prononcées et plus particulièrement d'apurer le stock des peines d'emprisonnement en attente d'exécution guide toujours l'action des parquets. En effet, la justice n'est crédible et respectée que si ses décisions sont exécutées, ce qui est le cas d'une peine aménagée. Cette exécution doit être effective et réalisée dans les meilleurs délais comme l'exige l'article 707 du Code de procédure pénale. La concertation entre les différents acteurs de cette exécution doit continuer à être encouragée, notamment à travers les commissions d'exécution des peines, afin d'en faciliter le processus. Plus localement, les contrats d'objectifs - destinés à permettre un apurement des stocks de peine d'emprisonnement en attente d'exécution en contrepartie de l'affectation de magistrats, de greffiers et de fonctionnaires et du recrutement de vacataires et conclus pour deux ans entre la chancellerie et quatorze juridictions le 23 février 2011 - se poursuivent. Une exécution effective des peines est d'ailleurs un outil indispensable à la lutte contre la récidive. La garde des sceaux a, à ce titre sollicité des parquets dans sa circulaire précitée qu'ils veillent, notamment pour les délinquants récidivistes ou réitérant, à apurer à l'occasion des déferrements l'ensemble de leur situation pénale et de s'attacher à solliciter la révocation totale ou partielle des sursis avec mise à l'épreuve en cours au moment des nouveaux faits ou pour lesquels les obligations fixées n'auraient pas été scrupuleusement respectées.

Données clés

Auteur : M. Éric Ciotti

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 17 juillet 2012
Réponse publiée le 25 décembre 2012

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