transport de marchandises
Question de :
M. Arnaud Robinet
Marne (1re circonscription) - Les Républicains
M. Arnaud Robinet attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les fortes inquiétudes des entreprises de transports françaises tant internationales que sur réseaux de proximité qu'entraînera l'écotaxe poids lourd. En effet, les entreprises de transports travaillent avec une trésorerie exsangue ; elles sont soumises certes aux répercussions des crises successives qui impactent notre économie, mais également une très forte concurrence des pays européens de l'Est. Lorsque le marché européen a été ouvert, il l'a été sans aucune harmonisation sociale, créant une distorsion de concurrence notamment au niveau des salaires. Quand une entreprise de transport serbe peut affréter deux chauffeurs pour optimiser le temps de conduite, une entreprise française ne peut en affréter qu'un seul. L'écotaxe poids lourds, ne fera qu'accentuer cette distorsion. D'un coût faramineux pour les entreprises françaises de transport, quand on sait le nombre de kilomètres parcourus par un poids lourds à l'année, elle va contribuer à augmenter considérablement le prix du transport, un prix qui ne pourra pas être répercuté en totalité sur les chargeurs ; elle va accroître les charges administratives et réduire les capacités d'investissement. Par ailleurs, cette écotaxe, en inscrivant un principe de répercussion sur le bénéficiaire, influera mécaniquement sur la hausse des prix de tous les biens de consommation, et donc le pouvoir d'achat des consommateurs, dans la mesure où les clients en profiteront pour augmenter leurs tarifs. Enfin, la taxation écologique de la distribution de proximité est un non-sens puisqu'il nous faudrait justement favoriser le système logistique de la tournée de proximité, ainsi que l'ensemble des réseaux courts, dont l'efficience environnementale a été démontrée. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de réexaminer les modalités d'application de l'écotaxe en partenariat avec les institutions représentatives de la profession et d'en exonérer l'ensemble de l'activité de distribution de proximité.
Réponse publiée le 11 juin 2013
S'agissant du cabotage et de la pression exercée par les pavillons étrangers sur les entreprises françaises, le Gouvernement veille à une application stricte de la règlementation existante. C'est pourquoi des directives ont été données à l'ensemble des services ministériels qui ont autorité sur l'exercice des contrôles pour mettre en oeuvre tous les moyens relevant de leur compétence. Cette situation concurrentielle défavorable tient à ce que les règlementations sociales et les coûts salariaux sont très disparates à l'échelle européenne. A cet égard, les dispositions du règlement de 2009 précisent que les règles en matière de cabotage pour le transport routier de marchandises subordonnent l'ouverture accrue de ce marché à son harmonisation préalable au sein de l'Union. Cette harmonisation n'a pas été réalisée jusqu'à maintenant d'une manière suffisante, et il appartient à la Commission Européenne d'apporter des éléments probants permettant d'envisager à terme une ouverture de ce marché notamment au moyen d'une libéralisation accrue du cabotage. En l'attente de ces éléments, cette ouverture est prématurée. En revanche il serait d'une meilleure politique de faire porter les efforts, au niveau de l'Union, sur la mise en oeuvre harmonisée des nombreuses règles adoptées ces dernières années (accès à la profession de transporteur routier, accès au marché, temps de conduite et temps de travail, poids et dimensions) et le développement de pratiques partagées par l'ensemble des États membres en matière de contrôle et de sanctions. Ces axes de travail constituent en réalité le principal vecteur de l'harmonisation du marché du transport routier de marchandises au sein de l'Union, préalable indispensable à l'examen des modalités d'une éventuelle libéralisation accrue des marchés. Toute nouvelle étape d'ouverture du cabotage ne sera donc pas acceptable à défaut d'une harmonisation préalable des conditions sociales d'exercice de la profession. S'agissant de l'écotaxe, la loi de programmation du 3 août 2009 relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement en a fixé le principe pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. Le précédent Gouvernement avait prévu la mise en service de l'écotaxe en 2011. Deux dispositifs devaient être définis : le prélèvement de l'écotaxe et sa répercussion en direction des chargeurs (c'est-à-dire ceux qui commandent la prestation de transport), principe également voté par le Parlement. Conformément à ce qui a été décidé en 2009, le barème de l'écotaxe sera défini chaque année par arrêté, en respectant le principe adopté selon lequel plus la taille du poids-lourd (mesurée par le nombre d'essieux) et son caractère polluant (mesurée par l'appartenance aux classes d'émissions Euro) sont grandes, plus l'écotaxe est élevée. S'agissant en revanche de la répercussion, le Gouvernement sortant a, dans la précipitation, publié un décret le 6 mai 2012 mettant en place un dispositif de répercussion de la taxe complexe et difficile à mettre en oeuvre. Ce décret a été unanimement rejeté par l'ensemble des organisations professionnelles. En conséquence, le ministre délégué aux transports, à la mer et à la pêche a engagé dès l'été un travail d'écoute et de concertation avec les acteurs concernés, à l'issue duquel il a été convenu de revoir totalement les modalités de répercussion de la taxe. Le Gouvernement a saisi le Parlement d'un projet de loi qui prévoit un mécanisme simple, permettant aux entreprises de transport routier de mettre en place une répercussion facile à calculer : une majoration du prix du transport pour prendre en compte l'écotaxe et en répercuter les effets sur les chargeurs. La majoration est un pourcentage qui s'applique à un prix de transport librement négocié, elle ne remet pas en cause le principe de liberté contractuelle. Ce système, dont la première qualité est avant tout d'être simple et lisible, suscite des questions de la part de certaines professions qui mettent en avant leurs spécificités. Le ministre comprend ces interrogations mais souhaite rappeler les principes qui inspirent la soumission des véhicules à l'écotaxe et le dispositif de répercussion de l'écotaxe par les transporteurs. S'agissant des demandes d'exemption du paiement de la taxe elle-même pour certaines professions, il convient de rappeler que l'assujettissement à l'écotaxe poids-lourds dépend, conformément à la directive Eurovignette qui encadre le dispositif de l'écotaxe poids-lourds, du type du véhicule. En revanche, la directive européenne ne permet pas de différencier les véhicules selon leur usage. Il serait d'ailleurs impossible de contrôler systématiquement l'utilisation réelle qui est faite du véhicule. Par ailleurs, l'écotaxe a un impact plus modéré sur les dessertes de distribution locale dans la mesure où le réseau taxable ne comprend que moins de 3 % du réseau départemental ou moins de 1 % du réseau national. Proportionnelle aux kilomètres parcourus, elle est d'autant plus faible que les tournées sont optimisées. Elle ne remet donc pas en cause le modèle de distribution locale actuel. Les taux de majoration ont été définis à l'échelle régionale et calculés de manière objective, en fonction de plusieurs critères - dont notamment le réseau de routes taxées et la densité des trafics à l'échelle de la région - de manière à prendre en compte la diversité des situations régionales. Ces taux servent aux transporteurs pour majorer légalement leur prix de transport afin que la charge de l'écotaxe pèse in fine sur les clients. Le taux de majoration par région reflète donc l'impact de l'écotaxe poids lourds sur le coût du transport effectué au sein de chaque région. Il s'agit là d'apporter un cadre légal, protecteur pour les entreprises de transports routiers de marchandises, dans un secteur où le rapport de forces leur est structurellement défavorable. Ces taux seront fixés par un arrêté annuel, le premier interviendra à l'issue du vote de la loi. Le ministre tient à souligner que le renchérissement du coût des marchandises transportées sera limité. Les coûts de transport représentent en moyenne autour de 10 % du prix des produits, l'écotaxe ne s'applique logiquement que sur cette partie ; le taux de majoration étant en moyenne de 3,7 %, la hausse de prix des marchandises transportées n'excédera pas 1 %. S'agissant des activités intégrant des prestations autres que celles de transport, la modalité de répercussion avait été traitée de manière partielle et spécifique par le précédent Gouvernement qui proposait une majoration en valeur pour les seules activités de messagerie. Or, ce mécanisme n'apportait aucune satisfaction. L'introduction de plusieurs modalités de répercussion a été jugée trop complexe par les différents acteurs, notamment les chargeurs. Aussi, le principe énoncé dans le projet de loi est que seul le prix de la prestation de transport peut faire l'objet dune majoration. En cas d'impossibilité à déterminer le prix de la prestation de transport stricto sensu lors d'une opération globale, le coût de l'écotaxe ne pourra faire l'objet d'une répercussion, via le dispositif de majoration de prix. Ces acteurs, dont le transport ne représente qu'une partie marginale de leur prestation globale, devront renégocier leur contrat avec leurs clients. La répercussion constitue, un aspect essentiel du caractère écologique de l'écotaxe poids lourds : ce sont les véritables bénéficiaires de la route qui doivent l'acquitter. Le mécanisme aujourd'hui proposé résulte de la recherche d'un équilibre entre chargeurs et transporteurs. Il s'agit bien d'inciter au rééquilibrage nécessaire entre les modes de transport, de modifier les comportements vis-à-vis du transport des marchandises. Par ailleurs, le Gouvernement a reçu le 18 février dernier le rapport d'avancement de son partenaire Ecomouv', chargé de la conception du dispositif destiné à la collecte, à l'information et au contrôle automatique de la taxe poids lourds. Il apparaît que le dispositif a été insuffisamment testé pour permettre à l'État d'entreprendre ses propres vérifications. C'est la raison pour laquelle un délai supplémentaire a été accordé afin de permettre au partenaire de présenter un dispositif corrigé et pleinement testé. Entendant les interrogations des professionnels et rappelant son attachement à l'entrée en vigueur de l'écotaxe dans des conditions sécurisées, le Gouvernement a décidé de remplacer l'expérimentation alsacienne par une phase de test du dispositif, à l'échelle nationale, sur la base du volontariat et sans perception de la taxe à compter du mois de juillet. Chacun doit être conscient des enjeux de cette fiscalité écologique. Près de 800 000 véhicules devraient être assujettis, à raison de 550 000 véhicules français et 250 000 véhicules étrangers. L'écotaxe doit rapporter 1,2 milliard d'euros par an. L'intégralité de la part revenant à l'État, soit 760 millions d'euros, sera versée à l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF). Ces sommes serviront à la construction d'infrastructures de transport, en particulier des infrastructures de modes de transport plus durables tels que le ferroviaire et le fluvial. La part provenant de la circulation sur les routes départementales ou communales, de l'ordre de 160 millions d'euros, sera reversée aux collectivités concernées. Le projet de loi a été adopté à l'unanimité au Sénat. Le texte a été soumis à l'examen des députés à l'Assemblée nationale le 11 avril. Le ministre a confiance en la volonté des parlementaires d'adopter un dispositif de répercussion de l'écotaxe protecteur des entreprises de transport routier de marchandises.
Auteur : M. Arnaud Robinet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports routiers
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Transports, mer et pêche
Dates :
Question publiée le 2 avril 2013
Réponse publiée le 11 juin 2013