Question de : Mme Geneviève Gaillard
Deux-Sèvres (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, sur le grand paradoxe du développement de la filière argane, qui a bénéficié d'une aide au développement sur les principes du commerce équitable, visant à améliorer la condition des femmes marocaines en milieu rural et à restaurer l'arganeraie et qui, au final, se solde par un colossal succès marchand mais échoue notablement dans la poursuite de ces deux objectifs originels. En effet, elle souligne que si côté jardin, l'huile d'argan est aujourd'hui le symbole fer de lance du produit authentique et éthique, porté par un succès international qui en fait une des huiles les plus chères au monde, côté cour, sa valorisation commerciale participe de la disparition de son savoir-faire local et a éloigné l'huile d'argan, qui était pourtant au cœur de la culture berbère, des populations de sa région de production et est devenu un produit de luxe inaccessible sans même générer un revenu équitable pour elles. Il est avéré que le marché de l'huile d'argan a été construit par des programmes de développement, essentiellement européen (6 millions d'euros ont été injecté de 2003 à 2010 par l'Union européenne). Cette manne a attiré les convoitises, si bien qu'aujourd'hui cette filière lucrative est investie par de nombreux opérateurs privés, des entreprises mais aussi de fausses coopératives, ainsi sur les 150 coopératives qui existent à l'heure actuelle, seule une trentaine a un véritable fonctionnement coopératif. Au surplus, il existe désormais une grande contradiction entre l'authenticité affichée du produit et les profondes transformations dans la production d'huile cosmétique. À l'origine les femmes berbères fabriquaient et utilisaient un seul type d'huile pour la cuisine et le corps extraite d'amandons torréfiés, mais pour répondre aux critères de qualité et d'hygiène des marchés occidentaux la production d'huile cosmétique est entièrement mécanisée et faite à partir d'amandons crus. Elle souligne aussi que l'IGP argane obtenue par le Gouvernement marocain vise davantage à lutter contre les faux produits et les contrefaçons qu'à assurer une meilleure redistribution locale de la valeur ajoutée. Au sujet de la restauration de l'arganeraie, la chèvre a été identifiée comme ennemie des arbres, alors que ce pâturage arboricole se perpétue depuis la nuit des temps sans jamais avoir menacé la production, alors que l'urbanisation, le tourisme et l'agriculture intensive, principaux responsable de la dégradation de l'arganeraie ne sont pas du tout mis à l'index. Elle souhaite donc savoir comment, dans le cadre de ces compétences et du point de vue des dispositions encadrant le marché national, il peut pousser à ce que l'écart entre les étiquettes vertueuses des produits cosmétiques occidentaux et la réalité des conditions de production soit réduit, et à ce que plus de transparence soit de mise, par respect pour le concept même de commerce équitable et par respect pour le principe d'information du consommateur.

Réponse publiée le 15 janvier 2013

L'exemple de la filière argane correspond à une pratique effectivement trop répandue dans le commerce dit « équitable ». En effet, dans un certain nombre de secteurs économiques, des opérateurs français ou européens se revendiquent du commerce équitable, alors même que, souvent, et c'est le cas en l'occurrence pour l'huile d'argan, les objectifs, les principes et les critères du commerce équitable apparaissent difficilement compatibles avec les conditions de commercialisation existantes en France ou en Europe. Ce type d'allégations, portées sur les étiquetages des produits peut, dès lors, apparaître inapproprié et porteur de confusion avec le concept de commerce équitable tel qu'il est défini et perçu par le consommateur. Rappelons que le commerce équitable est défini par le consensus de FINE comme « un partenariat commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l'objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète ». La mention abusive du caractère « équitable » d'un produit est susceptible de constituer une pratique commerciale trompeuse prohibée par les articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation. Les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont habilités à relever ce type d'infractions, passibles de sanctions pénales pouvant aller jusqu'à 37 500 euros d'amendes et deux ans d'emprisonnement. La DGCCRF a déjà diligenté des enquêtes à l'échelle nationale en matière de commerce équitable. Ces enquêtes ont permis de mettre en évidence que les systèmes de valorisation et de contrôle mis en place par les acteurs privés du commerce équitable sont très hétérogènes. D'une manière générale, beaucoup des contrôles organisés par les opérateurs, même lorsqu'ils sont confiés à une tierce partie, souffrent, à des degrés divers, d'un manque de fiabilité qui peut conduire à mettre en doute la garantie apportée par ces filières. De plus, la nature des garanties délivrées reste encore disparate, un certain nombre de systèmes reposant sur la confiance, l'engagement ou l'adhésion volontaire à une charte ou à un organisme, sans contrôle tiers. Compte tenu de ces éléments, du développement rapide de cette forme de commerce ainsi que de son impact auprès des consommateurs, pour lesquels l'achat de produits issus du commerce équitable constitue un engagement moral, le Gouvernement entend garantir la fiabilité de ces filières. Aussi, la DGCCRF va intensifier son action de contrôle au stade de la distribution des produits dont l'emballage fait référence au commerce équitable, afin de s'assurer auprès du responsable de leur mise sur le marché de la réalité des allégations constatées. Par ailleurs, les conditions de production et de transformation de l'huile d'argan doivent conduire à la commercialisation des produits répondant, en fonction de leur présentation, aux exigences des réglementations nationales et communautaires relatives aux huiles alimentaires et aux produits cosmétiques. C'est pourquoi la DGCCRF a réalisé une enquête en 2011 sur le territoire national auprès de 26 importateurs et conditionneurs, afin de s'assurer que ces huiles n'avaient pas été adultérées avec d'autres huiles et de vérifier le bien-fondé des mentions valorisantes, telles que les références à l'agriculture biologique ou au caractère naturel de l'huile d'argan. Cette enquête a permis d'appeler l'attention des opérateurs sur la nécessité de vérifier la qualité et l'étiquetage des produits importés du Maroc.

Données clés

Auteur : Mme Geneviève Gaillard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Économie sociale

Ministère interrogé : Économie sociale et solidaire et consommation

Ministère répondant : Économie sociale et solidaire et consommation

Dates :
Question publiée le 7 août 2012
Réponse publiée le 15 janvier 2013

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