détenus
Question de :
M. Élie Aboud
Hérault (6e circonscription) - Les Républicains
M. Élie Aboud attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le paradoxe de la situation des prisons françaises. En effet, alors même qu'elle s'était engagée, publiquement, à limiter les incarcérations, les établissements pénitentiaires n'ont jamais été aussi remplis. Au début du mois de mai 2013, un nouveau record a été battu avec 67 839 détenus. Il lui demande de bien vouloir lui préciser les raisons qui ont provoqué ce dérapage.
Réponse publiée le 1er octobre 2013
La politique pénale menée durant ces dix dernières années a privilégié le recours à l'incarcération. Entre 2000 et 2011, le nombre de condamnations à une peine privative de liberté est passé de 284 841 à 290 293, sans correspondre à une augmentation corrélative des crimes et délits les plus graves. Parmi les peines privatives de liberté, la part des peines totalement fermes s'est accrue (de 27.4% à 30.3% de l'ensemble entre 2000 et 2011) - source : les chiffres clés de la justice 2012 - statistiques du casier judiciaire national. Par ailleurs, depuis de nombreuses années, une augmentation de la population carcérale est constatée : au 1er janvier 2002, la France comptait 48 594 personnes détenues écrouées, 58 402 au 1er janvier 2007 et 62 252 au 1er janvier 2009 - source : direction de l'administration pénitentiaire. Cette politique n'a pourtant pas permis que la sécurité de nos concitoyens soit fondamentalement mieux assurée. Elle n'a en outre fait qu'accroitre la surpopulation carcérale, entraînant des conditions de détention indignes pour les personnes incarcérées et des conditions de travail difficiles pour les personnels. Sur la base de ces constats, il est devenu impérieux d'opérer un changement au bénéfice de solutions plus pragmatiques et ayant démontré leur utilité pour promouvoir la sécurité de tous. La garde des sceaux a ainsi impulsé une nouvelle politique pénale dont les axes forts ont été définis dès le 19 septembre 2012 à travers une circulaire de politique pénale. Elle a souhaité que le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme soit limité aux seules situations qui l'exigent, conformément à l'article 132-24 du code pénal qui dispose qu' « en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du même code, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ». Notre droit de la peine est particulièrement riche et offre de nombreuses possibilités pour répondre de manière adaptée et graduée à un délit. La ministre de la justice a également demandé aux juridictions de redonner tout son sens au principe directeur posé par l'article 707 du code de procédure pénale aux termes duquel « l'exécution de la peine favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion et la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ». Une politique pénale volontariste a, à ces fins, été mise en oeuvre par les juridictions. La ministre de la justice n'est pas sans ignorer que le nombre de détenus est en augmentation sur les 12 derniers mois : au 1er juin 2013, le nombre de personnes écrouées détenues en France est de 67 977 contre 66 915 au 1er juin 2012. Il convient cependant d'apporter certaines précisions. Contrairement aux orientations qui ont pu être celles des années précédentes, le nombre de places opérationnelles en détention est resté stable au cours des 12 derniers mois passant de 57 127 à 57 325 (soit 198 places de plus en un an). La surpopulation carcérale ne saurait en effet être solutionnée durablement par la seule construction de places de prison dont le coût est élevé et l'efficacité questionnée. Le simple constat que la surpopulation carcérale demeure malgré l'édification de nouveaux établissements pénitentiaires ces dernières années en témoigne. En outre, le taux de croissance annuel du nombre de détenus a fortement diminué depuis un an : 7 % au 1er janvier 2012, 4,7 % au 1er avril, 4,1 % au 1er juillet, 4 % au 1er octobre, 2,8 % au 1er janvier 2013, 1,6 % au 1er février 2013- source : direction de l'administration pénitentiaire. Enfin, il y a lieu de constater un accroissement du nombre de personnes sous aménagement de peine, mesure indispensable à la prévention de la récidive. Ainsi, au 1er juin 2013, 22 % des condamnés sous écrou font l'objet d'un aménagement de peine sous écrou (semi-liberté, placement sous surveillance électronique, placement à l'extérieur avec ou sans hébergement pénitentiaire) contre 20,7% au 1er juin 2012 - source : direction de l'administration pénitentiaire. Par ailleurs, il convient de rappeler qu'une réforme pénale est en cours d'élaboration, qui permettra d'assurer le respect du principe d'individualisation des peines et d'améliorer l'efficacité du processus d'exécution de la peine. Elle répondra à certaines des préconisations du jury de consensus et du rapport de la mission d'information parlementaire sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale du 23 janvier 2013, ainsi qu'aux objectifs posés par la circulaire de la garde des sceaux du 19 septembre 2012.
Auteur : M. Élie Aboud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 4 juin 2013
Réponse publiée le 1er octobre 2013