crimes et délits
Question de :
Mme Isabelle Attard
Calvados (5e circonscription) - Écologiste
Mme Isabelle Attard alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la constitution progressive d'un fichier de surveillance génétique abusif de la population française. L'article 706-54 du code de procédure pénal prévoit que les empreintes génétiques de simples prévenus, donc présumés innocents, soient enregistrées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques. Cet ajout, qui date de la loi pour la sécurité intérieure de 2003, a entraîné le fichage de très nombreux innocents. La pénalisation du refus d'enregistrement a de plus déclenché de nombreuses poursuites judiciaires envers une majorité d'innocents. Elle lui demande si elle compte retirer cette possibilité de fichage des innocents du code de procédure pénale et, si oui, sous quels délais.
Réponse publiée le 19 novembre 2013
Les articles 706-54 alinéa 2 et R. 53-10 2° du code de procédure pénale permettent l'enregistrement au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) des profils des « personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 » du même code. Le dispositif mis en oeuvre par le législateur s'avère néanmoins particulièrement protecteur. En effet, parmi les garanties offertes aux personnes dont le profil génétique est enregistré au FNAEG, figure notamment la possibilité, pour le procureur de la République agissant soit d'office, soit à la demande de l'intéressé enregistré au titre du deuxième alinéa de l'article 706-54, d'ordonner l'effacement des empreintes enregistrées, « lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier ». En cas de refus, le requérant a la faculté de saisir de sa demande le juge des libertés et de la détention, dont la décision, qui doit être rendue dans un délai de deux mois, peut être contestée devant le président de la chambre de l'instruction. La saisine de l'autorité judiciaire par l'intéressé consiste simplement en l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou d'une déclaration au greffe du parquet de son domicile ou de celui dans le ressort duquel la procédure ayant donné lieu à l'enregistrement a été diligentée (articles 706-54 alinéa 2, et R. 53-13-1 à R. 53-13-6). Le FNAEG est en outre placé sous le contrôle d'un magistrat du parquet hors hiérarchie, nommé pour trois ans par arrêté du garde des sceaux, et assisté par un comité composé de trois membres. Ce magistrat dispose d'un accès permanent au fichier et au lieu où se trouve celui-ci, et peut notamment ordonner l'effacement d'enregistrements illicites (articles R. 53-16 et R. 53-17). Le fichier relève également du contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, selon les modalités prévues par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. C'est pourquoi le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC 2012-25 du 16 septembre 2010, a pu considérer que ces dispositions étaient de nature à assurer une conciliation équilibrée entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l'ordre public. Il a en outre précisé que les crimes et délits mentionnés à l'article 706-55 étaient précisément et limitativement énumérés, et que pour l'ensemble de ces infractions, les rapprochements opérés entre les profils enregistrés au fichier contribuaient à l'identification et à la recherche de leurs auteurs. Il en a déduit que la liste prévue par l'article 706-55 était en adéquation avec l'objectif poursuivi par le législateur et que cet article ne soumettait pas les intéressés à une rigueur qui ne serait pas nécessaire. En dépit des garanties existantes, le gouvernement s'est déclaré ouvert à une réflexion sur l'évolution de ce dispositif lors du débat parlementaire ayant eu lieu sur la proposition de loi portant amnistie des délits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives.
Auteur : Mme Isabelle Attard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 11 juin 2013
Réponse publiée le 19 novembre 2013