Question de : Mme Geneviève Gaillard
Deux-Sèvres (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les conséquences potentiellement désastreuses de l'autorisation européenne de libre circulation des méga-camions de soixante tonnes qui dans le cadre d'une procédure de co-décision semble imminente. En effet, après l'avis favorable de la Commission, obtenu à la faveur d'une nouvelle interprétation de la directive applicable de 1996 cette autorisation est aujourd'hui dans l'attente d'être validée par un avis conforme du Parlement européen... La longueur de ces méga-camions peut atteindre 25 mètres, l'équivalent d'un Boeing 737... Ce sont ces monstres qui avec la bénédiction des instances européennes, seront bientôt autorisés à circuler d'un État européen à un autre. La parlementaire rappelle que chaque État était jusqu'ici libre d'autoriser leur circulation ou non, et regrette déjà, qu'à ce titre, la France avait déjà donné son aval pour la circulation expérimentale de camions de 44 tonnes sur le territoire national. Pour sa part, elle pense que cette autorisation risquerait de changer le visage des routes françaises et européennes, de même que les habitudes de conduite des automobilistes. En effet, les dimensions exceptionnelles de ces super poids-lourds impliquent de redoubler de vigilance, notamment lors des dépassements. À cet égard, il est permis de penser que le nombre d'accidents de la route devrait augmenter, en raison des conditions de freinage et de manoeuvres rendues plus difficiles pour les conducteurs de ces camions. Aujourd'hui déjà, elle souligne qu'un accident routier mortel sur cinq implique un poids lourd, il est évident que les accidents seront encore plus graves avec des camions plus lourds, mettant à mal la grande cause nationale et la politique nationale de prévention de sécurité routière... Au surplus, ces méga-camions vont être couteux car leurs dimensions vont entraîner des adaptations des routes européennes qui ne sont pas conçues pour ces monstres : ponts, tunnels, glissières, places de stationnement, passages à niveau... Au final on peut s'interroger sur le cout total de la facture pour l'État et les contribuables... Elle s'interroge aussi sur la concurrence non souhaitable que ce type de convois pourrait représenter pour le ferroutage et, dans ce droit fil, elle souhaite plus généralement évoquer les répercussions environnementales, dénoncées par la fédération France nature environnement, pour qui cette autorisation va à l'encontre des objectifs de lutte contre la pollution, avec toujours plus d'émissions de CO2 et au final n'aboutira pas du tout à une diminution du nombre de camions sur les routes. Elle souhaite sensibiliser le Gouvernement à la nécessité de dénoncer cette perspective et au cas où cette autorisation de circulation soit validée, de programmer dans le temps, au plan national, sans attendre une potentielle initiative européenne, un premier bilan de l'impact écologique, économique et humain de ces monstres sur nos routes et souhaite savoir si, au vu des résultats et données collectés, il serait prêt à saisir les instances européennes pour pousser à un retour en arrière et à une abrogation de cette autorisation.

Réponse publiée le 19 novembre 2013

La circulation des véhicules de grande longueur, appelés également « EMS » (european modular system) ou « gigaliners », n'est pas autorisée en France. Une expérimentation avait été envisagée en 2009 pour autoriser la circulation de tels véhicules sur certains itinéraires mais, en raison des vives réactions que ce projet avait suscité, les réflexions menées sur ce sujet avaient été ajournées et aucune expérimentation n'a finalement été menée à ce jour. L'article R. 312-11 du code de la route fixe les longueurs maximales des véhicules et ensembles de véhicules à 16,50 mètres pour les véhicules articulés (I-5° ) et à 18,75 mètres pour les trains routiers et trains doubles (I-8° ). Ces limites sont harmonisées au plan européen et définies à l'annexe I de la directive 96/53/CE du Conseil du 25 juillet 1996 fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international. La question des gigaliners, est très débattue au niveau européen et suscite de vives oppositions. Cependant, les problématiques de circulation de ces véhicules sont très marginales puisqu'elles ne concernent que quelques États du nord de l'Europe qui l'autorisent de façon plus ou moins encadrée : le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège autorisent la circulation de véhicules de type « EMS » à 25,25 mètres/50 ou 60 tonnes sous conditions (poids total maximal limité, nombre de véhicules limité, itinéraires imposés), alors qu'en Suède, il n'y a aucune restriction. En Allemagne, une expérimentation a été lancée depuis le 1er janvier 2012 pour une période de 5 ans et autorise la circulation des 25,25 mètres sur certains itinéraires et dans quelques Länder. Cette expérimentation ne mobilise qu'un nombre très faible de véhicules. Elle rencontre une forte opposition dans la majorité des Länder. Des recours constitutionnels ont été déposés contre cette mesure. En France, la question de la circulation de ces véhicules, un temps envisagée sous la forme d'une expérimentation, n'est plus d'actualité. Pour mémoire, de telles longueurs et poids relèvent à ce jour, sous condition d'indivisibilité du chargement, de la réglementation relative aux transports exceptionnels et plus précisément des dispositions relatives à la 3e catégorie nécessitant : reconnaissance et proposition d'itinéraire, dépôt, instruction et décision sur dossier y afférent, signalisation spécifique du véhicule, accompagnement par voitures pilotes et guideurs et limitation de vitesse spécifique. Compte tenu du nombre limité de pays européens qui l'autorisent ou envisagent de l'expérimenter, des enjeux financiers (infrastructures à adapter) et sociétaux (conséquences inégalement appréciées en termes de sécurité routière, de report modal et de qualité de l'air) et des incertitudes liées au bilan coûts / bénéfices, la question de la circulation des gigaliners au niveau européen n'apparaît donc pas comme un sujet prioritaire. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à une généralisation à l'ensemble de l'Europe de la circulation des véhicules de types « Gigaliners ».

Données clés

Auteur : Mme Geneviève Gaillard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Transports routiers

Ministère interrogé : Transports, mer et pêche

Ministère répondant : Transports, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 11 juin 2013
Réponse publiée le 19 novembre 2013

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