récidive
Question de :
M. Élie Aboud
Hérault (6e circonscription) - Les Républicains
M. Élie Aboud attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le point de vue donné quant à la vulgarisation de la peine de prison à l'issue de la conférence sur la récidive. En effet, le jury de consensus a considéré de manière générale la sanction comme devant être prioritairement traduite par une peine qui vise l'insertion ou la réinsertion des personnes ayant commis une infraction. C'est la raison pour laquelle il demande de concevoir la peine de prison non plus comme une peine de référence mais comme une peine parmi d'autres. Pourtant, l'objet essentiel de la justice est la répression du phénomène criminel et non la banalisation de la criminalité par l'effritement de la peine applicable. Concevoir ainsi les peines de prison pourrait sensiblement porter atteinte à l'hommage des familles des victimes. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser ses intentions en la matière.
Réponse publiée le 28 janvier 2014
La garde des Sceaux tient à saluer l'important travail issu de la conférence de consensus, qui a démontré, sur la base d'une méthode innovante, qu'il est possible de réformer la politique pénale de façon non polémique et autrement qu'au gré des événements. Les recommandations qui ont été présentées le 20 février 2013 ont permis d'initier une nouvelle politique en matière de prévention de la récidive, qui est au coeur de l'action gouvernementale, et de prise en charge de la personne placée sous main de justice. Après une série de consultations avec tous les acteurs concernés, la ministre de la justice a ainsi présenté en Conseil des ministres le 9 octobre 2013 un projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation de la peine. Ce projet de loi, qui sera examiné en séance publique par le Parlement au printemps 2014, remet à plat, modernise et clarifie, de façon raisonnée et dépassionnée, un certain nombre de dispositions du code pénal et du code de procédure pénale, afin de parvenir à un dispositif cohérent et équilibré permettant de prévenir efficacement la récidive par une meilleure individualisation des peines prononcées et inscrivant la peine d'emprisonnement à une juste place au sein de l'arsenal des sanctions que peuvent prononcer les juridictions. Il vise en premier lieu à assurer le prononcé de peines efficaces et adaptées. Il réécrit à cette fin les principes fondamentaux concernant les finalités et les fonctions de la peine, pour fixer le double objectif de sanction et de réinsertion, permettant de protéger la société, de prévenir la récidive et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des droits reconnus à la victime, et pour affirmer clairement le principe d'individualisation de la peine par le juge. Il crée une nouvelle possibilité d'ajournement du prononcé de la peine, qui permettra d'ordonner, avant le prononcé de la sanction, des investigations complémentaires sur la personnalité et la situation du prévenu afin que le tribunal soit en mesure de prononcer la sanction la plus adaptée, tout en pouvant immédiatement statuer sur la culpabilité et sur la demande d'indemnisation de la victime. Il supprime les dispositions prévoyant des peines minimales en cas de récidive ou de délits violents, dispositions qui portaient directement atteinte au pouvoir d'individualisation des juridictions et qui n'ont eu aucun impact sur la prévention de la récidive. Il supprime le caractère automatique de la révocation du sursis simple, afin de permettre aux juridictions d'apprécier en toute connaissance de cause, en raison des circonstances, de la personnalité du prévenu et de la gravité des faits, si les sursis doivent être révoqués. Il abaisse de deux à un an pour les non récidivistes et d'un an à six mois pour les récidivistes les seuils d'emprisonnement permettant au tribunal correctionnel ou au juge de l'application des peines, avant mise à exécution de la peine, d'ordonner une mesure d'aménagement (semi-liberté, placement extérieur, surveillance électronique), ce qui revient sur des dispositions issues de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il crée une nouvelle peine de contrainte pénale qui, sans supprimer aucune des peines existantes, viendra élargir l'arsenal des sanctions dont disposent les juridictions. Cette peine permettra d'imposer aux personnes majeures, auteurs des délits les moins graves, pour lesquels la peine maximale, prévue par la loi, est inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, les obligations et les interdictions qu'elles seront tenues de respecter comme par exemple l'obligation de réparer le préjudice causé, l'interdiction de rencontrer la victime ou d'aller dans certains lieux, l'obligation de suivre un stage ou d'exécuter un travail d'intérêt général ou l'obligation de respecter une injonction de soins. La durée de la contrainte pénale sera de six mois à cinq ans. Le condamné sera régulièrement évalué pour permettre la modification éventuelle de ses obligations. En cas de non-respect de celles-ci ou de nouvelle condamnation, il pourra être emprisonné pour une durée égale à la moitié de la durée de la contrainte prononcée. La contrainte pénale ne remplace pas la prison mais constitue une nouvelle peine de milieu ouvert plus rigoureuse, plus efficace et qui sera modulable en fonction de l'évolution du condamné, de sorte qu'elle assurera une meilleure prévention de la récidive. Ce projet de loi vise en second lieu à préciser le régime de l'exécution des peines et à renforcer le suivi et le contrôle des personnes condamnées. Il clarifie les principes généraux régissant la mise en oeuvre des peines, à savoir le principe du respect des droits de la victime, notamment en matière de réparation, d'information sur la peine et de protection de sa sûreté, les principes relatifs aux finalités des régimes d'exécution des peines, et le principe du retour progressif à la liberté, destiné à éviter les sorties sans suivi ni contrôle qui sont causes de récidive. Il renforce le rôle de la police et de la gendarmerie portant sur le contrôle des personnes condamnées, en permettant notamment aux forces de l'ordre de procéder à des visites domiciliaires chez les personnes qui détiendraient des armes malgré une interdiction, et de placer en retenue les personnes qui ne respecteraient pas leurs obligations. Il institue une procédure d'examen obligatoire de la situation des personnes condamnées à une peine de cinq ans au plus, lorsqu'elles ont exécuté les deux tiers de leur peine, afin d'apprécier s'il y a lieu qu'elles bénéficient ou non d'une mesure de libération sous contrainte, dont le régime sera celui de la semi-liberté, du placement extérieur, de la surveillance électronique ou de la libération conditionnelle. Sans créer un mécanisme de libération automatique, cette procédure permettra de préparer la sortie de prison des personnes condamnées, les sorties « sèches », c'est-à-dire non accompagnées, se révélant être un facteur important de récidive. Il prévoit également un examen obligatoire, dans le cadre d'un débat contradictoire, de la situation des personnes condamnées à des longues peines, aux deux tiers de leur exécution, en vue de l'octroi éventuel d'une libération conditionnelle. Face au constat de l'échec des politiques pénales menées entre 2002 et 2012, ce projet de loi s'attache à donner du sens à la peine et à promouvoir des solutions pragmatiques et efficaces. Il vise ainsi à améliorer la sécurité des Français et à diminuer le nombre des victimes, en oeuvrant pour la réinsertion des personnes condamnées. Les moyens humains et matériels nécessaires à la mise en oeuvre de cette politique ont été prévus dans le projet de loi de finances pour 2014.
Auteur : M. Élie Aboud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 23 juillet 2013
Réponse publiée le 28 janvier 2014