Question de : Mme Catherine Troallic
Seine-Maritime (8e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Catherine Troallic attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, sur la sécurité alimentaire. Depuis de nombreuses années, les crises alimentaires se multiplient. La faim et la malnutrition affectent des millions de personnes et tuent chaque année les plus fragiles d'entre elles. De sommets internationaux en sommets internationaux, les déclarations d'intention peinent à modifier la donne et à se muer en actions et en solutions concrètes. Au multilatéralisme, certains pays choisissent la coopération bilatérale ou d'adapter leur droit interne. La France aide par exemple les pays qui le souhaitent à renforcer leur arsenal juridique pour lutter contre l'accaparement des terres. L'adoption de la loi sur la séparation et la régulation bancaire va interdire aux banques françaises de spéculer sur les matières premières agricoles. La création d'un dispositif financé par la taxe sur les transactions financières pour lutter contre la malnutrition va aussi dans le bon sens. Toutefois, notre pays pourrait aller encore plus loin et à l'instar de la bataille sur l'exception culturelle menée aux côtés de quelques pays très mobilisés au sein de l'UNESCO, de l'OMC et de l'Union européenne, développer une politique juridique extérieure sur l'exception alimentaire. Plus encore que les biens culturels, les denrées alimentaires devraient être conçus comme des biens spéciaux du fait de leur nature et de leur caractère indispensable à la vie. À cet égard, elle attire son attention sur le travail de chercheurs actuellement menée dans le cadre du programme de recherche européen « Lascaux » dirigé par le professeur Collart-Dutilleul à l'université de Nantes. Parmi les nombreuses propositions d'amélioration du cadre juridique international, européen et national auquel abouti ce programme de recherche, figure la proposition de rédiger une convention internationale sur l'exception alimentaire. Elle l'interroge donc sur les actions de la France pour lutter contre l'insécurité alimentaire et lui demande si la reconnaissance d'une exception alimentaire par voie conventionnelle pourrait être opportune.

Réponse publiée le 19 novembre 2013

En réponse à la crise alimentaire mondiale provoquée par l'envolée des prix agricoles de 2007-2008, la France a proposé un partenariat mondial pour l'agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition, afin d'assurer la cohérence des politiques ayant un impact sur la sécurité alimentaire mondiale (commerce, environnement, agriculture, énergie...) et une plus grande efficacité de l'aide aux pays en développement. Au niveau français, en réaction à la crise alimentaire de 2007-2008, la France a créé le Groupe interministériel sur la sécurité alimentaire (GISA). Il s'agit d'une plateforme multi-acteurs française sur la sécurité alimentaire. Son objectif est de proposer, à partir d'une approche pluridisciplinaire et intersectorielle de la sécurité alimentaire, des mesures pour renforcer la sécurité alimentaire dans les pays du Sud. Au titre du renforcement de la gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire et de la nutrition, la France a soutenu le processus de réforme de l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la réforme du comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) et la réorganisation du groupe consultatif sur la recherche agricole internationale (GCRAI). Le CSA, réformé, vise à être la plate-forme internationale et intergouvernementale où toutes les parties prenantes oeuvrent collectivement et de façon coordonnée à la sécurité alimentaire et à une meilleure nutrition pour tous. Le CSA est composé d'Etats membres, des représentants d'institutions ou d'organes du système des Nations unies, d'organisations de la société civile ou d'organisations non gouvernementales et de leurs réseaux, de systèmes internationaux de recherche agricole, d'institutions financières internationales ou régionales, et de représentants d'associations du secteur privé ou de fondations philanthropiques privées. Pour éclairer ses décisions, un groupe d'experts de haut niveau (HLPE) sur la sécurité alimentaire et la nutrition a été créé. En 2012-2013, le HLPE a ainsi préparé des rapports sur les thèmes suivants promus par la France : changement climatique et sécurité alimentaire, protection sociale et sécurité alimentaire, obstacles à l'investissement agricole des petits exploitants, et, biocarburants et sécurité alimentaire. Parallèlement, la présidence française du G8 et du G20 a contribué à maintenir la thématique de sécurité alimentaire en haut de l'agenda international. Dans le cadre de cette présidence en 2011, la France a fait de la sécurité alimentaire, et plus spécifiquement de la volatilité des prix des matières premières, une de ses priorités. En juin 2011, le G20 a adopté un plan d'action sur la volatilité des prix alimentaires et sur l'agriculture pour améliorer la production et la productivité, la transparence de l'information, la coordination internationale, la gestion et l'atténuation des risques et la régulation des marchés financiers. Ce plan d'action est assorti d'actions concrètes parmi lesquelles le lancement d'un système d'information sur les marchés agricoles (AMIS), la création d'un forum de réponse rapide en cas de crise, la création d'une plate-forme pour le renforcement des capacités en matière d'agriculture tropicale, la mise en place d'outils de gestion du risque pour aider les pays et les populations les plus vulnérables, l'exclusion des restrictions à l'exportation pour l'aide humanitaire du Programme alimentaire mondial (PAM), la mise en place d'un projet pilote en Afrique de l'Ouest sur la constitution de réserves alimentaires humanitaires d'urgence et l'élaboration d'un code de bonne conduite pour la gestion de ces réserves. A la demande de ses tutelles, l'Agence française de développement (AFD) a préparé en 2012 puis adopté en 2013 un Cadre d'intervention sectoriel sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne pour la période 2013-2016. L'élaboration de ce document s'est effectuée à l'issue d'un processus participatif impliquant l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des partenaires français de l'AFD (ONG, entreprises, institutions de recherche, collectivités territoriales) ou des représentants des pays africains concernés (administration, recherche, société civile). Les interventions de l'AFD viseront à améliorer durablement la sécurité alimentaire des ménages ruraux et urbains d'Afrique subsaharienne en soutenant l'évolution des systèmes agricoles vers des pratiques plus productives, plus équitables, plus écologiques et résilientes au changement climatique, fondées sur des exploitations agricoles familiales. La mise en oeuvre de cette stratégie devrait permettre de doubler l'engagement financier de l'AFD en Afrique subsaharienne pour le porter à un montant annuel de 400 millions d'euros, soit 15 % du total des engagements de l'AFD en Afrique subsaharienne. Le dernier comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), en date du 31 juillet 2013, a permis de réaffirmer que « le soutien aux agriculteurs dans les pays du Sud est un levier essentiel de la lutte contre l'insécurité alimentaire et la pauvreté ». Dans un contexte marqué par le blocage des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), plus que la reconnaissance d'une exception alimentaire par voie conventionnelle, la France considère que la façon la plus efficace pour lutter durablement contre la faim dans le monde est de promouvoir une agriculture familiale, productrice de richesse et d'emplois et respectueuse des écosystèmes. Cet engagement en faveur de l'agriculture familiale passe par les mesures suivantes : l'adoption de politiques agricoles, le renforcement de l'intégration régionale, la structuration des marchés agricoles, le développement de filières, l'appui aux organisations paysannes, la recherche de l'accès équitable à l'eau, la sécurisation du foncier et la lutte contre la dégradation des terres.

Données clés

Auteur : Mme Catherine Troallic

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Développement

Ministère répondant : Développement

Dates :
Question publiée le 10 septembre 2013
Réponse publiée le 19 novembre 2013

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