auto-entrepreneurs
Question de :
M. Éric Alauzet
Doubs (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Éric Alauzet interroge Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme sur les motivations qui poussent certaines sociétés qui souhaitent recruter du personnel, à inciter les candidats à monter leur auto-entreprise, et à n'engager que ceux qui bénéficient de ce statut. Si on connaît le débat vif qui s'est engagé depuis quelques mois sur le statut d'auto-entrepreneur, qui cristallise les tensions notamment en provenance des artisans qui se sentent floués par la concurrence de ce statut ; on connaît moins celui qui consiste, pour une entreprise, à tirer profit de ce statut par l'intermédiaire d'un tiers. En effet, il n'est plus rare de constater que des candidats au recrutement, dans différents secteurs de l'économie, se voient dans l'obligation de prendre le statut d'auto-entrepreneur, sous peine de se voir refuser un poste. Ainsi ces entreprises, plutôt que de recruter un salarié sous le régime classique, préfèrent inciter les candidats à se constituer auto-entrepreneur, afin d'y faire appel comme à des prestataires de service. Ce détournement du statut d'auto-entrepreneur, organisé par les sociétés, met à mal le système de recours à l'emploi intérimaire ou à des salariés classiques, et conforte ainsi la hausse du nombre d'auto-entrepreneurs, avec la précarité qui le caractérise. Ce système de recrutement présente un certain nombre de risques pour le candidat à l'emploi, notamment par le fait que, dans les propositions qui ont été récemment présentées concernant l'évolution du statut d'auto-entrepreneur, il est envisagé que ce statut devienne temporaire, et laisse place, au terme de deux ans, à un dispositif renforcé d'accompagnement vers la création d'entreprise. Ceci revient, dans le cas de ces sociétés ayant recours à un auto-entrepreneur, à conclure un contrat de court terme, ne pouvant pas, dans tous les cas, dépasser ces 2 années de régime transitoire ; sans compter le nombre de postulant n'ayant pas la fibre de la création d'entreprise, qui se retrouveront alors sans perspective. Ceci conduit à dire qu'il ne faudrait pas trop vite se réjouir de la forte augmentation des créations d'entreprises en France, qui ont fleuri depuis quelques années et surtout de manière récente : beaucoup d'entre elles sont des créations d'auto-entreprises formées sous la contrainte pour décrocher un emploi. Il faudrait donc veiller à bien distinguer les vraies créations d'entreprises qui ont pour but d'être entièrement gérées par leur créateur et de se développer ; avec les fausses créations d'entreprises, qui sont en réalité des emplois salariés déguisés. Cette expansion de fausses entreprises révèle un des travers du dispositif et le détournement du recrutement actuel en France. Il lui demande si elle dispose de données chiffrées permettant de comparer les coûts d'embauche et de revient, pour une entreprise, entre un service demandé : à une société tiers ; à un intérimaire ; et à un auto-entrepreneur. Et lui demande comment elle compte prendre en considération ces dérives dans la réforme du statut de l'auto-entrepreneur.
Réponse publiée le 6 octobre 2015
Le Gouvernement est déterminé à accroître la lutte contre les différentes formes de travail illégal, l'une des plus pernicieuses étant l'externalisation abusive de salariés, en recourant à des faux indépendants dans le but de contourner les normes du code du travail et des conventions collectives. A cet égard, il convient de rappeler qu'il s'agit d'une fraude ancienne, les premiers contrôles et les premières requalifications remontant à la fin des années 1970. Les employeurs ou donneurs d'ordre peu scrupuleux qui ont recours à cette fraude ne sont pas seulement motivés par la recherche de coûts de main d'oeuvre plus bas. Il convient d'ailleurs de noter qu'au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ou de basses rémunérations, toutes choses égales par ailleurs, le coût brut d'un auto-entrepreneur n'est pas moins élevé que celui d'un salarié recruté directement, l'employeur pouvant bénéficier des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires. Le recours à l'intérim est, quant à lui, plus coûteux, car il inclut la rémunération de l'entreprise intérimaire. Une motivation de l'externalisation illégale de salariés peut également être la recherche d'une plus grande flexibilité et à l'affranchissement des règles protectrices du droit du travail (prescriptions en matière de santé et de sécurité au travail, minima conventionnels, durée du travail, procédures disciplinaires, indemnités de fin de contrats, procédure de licenciement, droits collectifs). C'est pourquoi, le Gouvernement a réuni la commission nationale de lutte contre le travail illégal le 5 décembre 2013 à cette occasion, le ministre du travail a présenté un plan d'action qui a mis au rang des priorités de contrôle la lutte contre le recours à de faux indépendants et celle sur le détachement illégal de travailleurs ; ce plan met aussi l'accent sur la responsabilisation des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre quand ils recourent à des sous-traitants multiples. En outre, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises contient des dispositions propres à rétablir une plus grande égalité de traitement entre les différentes formes d'entreprises, qui sont également susceptibles de diminuer le recours à de faux indépendants : elle prévoit notamment la suppression des dispositions exonérant les auto-entrepreneurs artisans à titre secondaire d'immatriculation au répertoire des métiers, rétablissant le caractère systématique de l'immatriculation pour les auto-entrepreneurs artisans et commerçants, qu'ils exercent leur activité à titre principal ou secondaire. Par ailleurs, des contrôles de la qualification seront mis en place, tandis que les corps de contrôle habilités à constater les infractions de travail illégal auront désormais la possibilité de se faire présenter les attestations d'assurances professionnelles détenues par les travailleurs indépendants, y compris auto-entrepreneurs, lorsque ces assurances répondent à une obligation légale. Ces exigences nouvelles, qui visent à rompre la connivence au moins apparente entre certains donneurs d'ordres et certains auto-entrepreneurs et le développement du faux travail indépendant, contribuent directement à dissuader des salariés ou candidats à l'embauche d'accepter des propositions de travail faussement indépendant.
Auteur : M. Éric Alauzet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Artisanat, commerce et tourisme
Ministère répondant : Commerce, artisanat, consommation et économie sociale et solidaire
Dates :
Question publiée le 1er octobre 2013
Réponse publiée le 6 octobre 2015