droit du travail
Question de :
M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Jacques Candelier attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la nécessaire mise en conformité de notre législation nationale relative aux forfaits annuels en jours, mentionnés aux articles L. 3121-43 et suivants du code du travail et relative au régime des astreintes défini à l'article L. 3121-5 du code du travail, avec la charte sociale européenne révisée de 1996, comme le proposaient des députés dans la résolution n° 3240 enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 10 mars 2012.
Réponse publiée le 6 août 2013
Le comité européen des droits sociaux a conclu que la situation de la France n'était pas conforme à l'article 2 § 1 de la charte sociale européenne révisée au motif que la durée hebdomadaire de travail autorisée pour les cadres dans le système d'annualisation des jours de travail est excessive et que les garanties juridiques offertes par le système des conventions collectives sont insuffisantes. Depuis la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, la situation des cadres a été traitée en France avec une attention toute particulière. Comme cela avait été rappelé en 2009 par le 9e rapport national sur l'application de la charte sociale européenne révisée soumis par le gouvernement français au Comité européen des droits sociaux au titre du cycle 2010, des règles claires ont été posées afin d'encadrer le temps de travail des cadres et, surtout, de leur permettre de bénéficier de la réforme de la réduction du temps de travail dont bénéficie l'ensemble des salariés. Afin de tenir compte de leur situation et de l'accomplissement structurel d'heures supplémentaires, la loi a introduit la possibilité de conclure des conventions de forfait, en heures, sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, ou en jours, sur une base annuelle. Cette législation répond à la réalité de l'autonomie et du mode de travail de certains cadres et leur permet de bénéficier réellement de la réduction du temps de travail par l'octroi de jours de repos libérés. Afin d'apporter une protection suffisante en termes de santé à ces salariés, la loi prévoit qu'ils doivent bénéficier d'un repos quotidien de 11 heures et d'un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives. La loi pose ainsi une limite, de fait, de 6 jours de travail par semaine, sachant qu'en principe, le nombre de jours par an ne peut dépasser 218. Ce plafond a été fixé en tenant compte, outre du repos hebdomadaire, des cinq semaines de congés payés et de journées de repos supplémentaires. Ce dispositif du forfait en jours ne peut être mis en place que par voie d'accord collectif définissant les catégories de salariés susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait en jours, le nombre de jours travaillés, et les caractéristiques principales de ces forfaits (par exemple les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées ou les modalités de prise des journées ou demi-journées de repos). Les conventions individuelles de forfait en jours, nécessairement écrites, s'inscrivent dans ce cadre. Le législateur a en outre prévu un entretien individuel avec chaque salarié organisé par l'employeur et portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération du salarié. Les salariés au forfait en jours n'entrent pas - par construction - dans le champ d'application de la législation sur les heures supplémentaires dans la mesure où leur temps de travail est calculé en jours et non en heures. Les conventions collectives, l'accord d'entreprise ou l'employeur prennent en compte ces différents éléments ainsi que les sujétions induites par ce type particulier d'aménagement du temps de travail pour déterminer le montant du salaire du cadre en forfait jours, montant qui figure généralement dans les catégories supérieures de rémunération. Comme la jurisprudence l'a rappelé, il appartient en premier lieu aux accords collectifs instituant le forfait-jours de prévoir les garanties suffisantes pour assurer une durée raisonnable de travail, compatible avec les exigences européennes. S'agissant des astreintes, le comité européen des droits sociaux relève que pendant une astreinte le salarié est tenu de rester à la disposition de l'employeur pour accomplir, si ce dernier le requiert, une prestation de travail. Cette obligation empêche le salarié de se consacrer à des activités relevant de son libre choix. En conséquence, le Comité considère que l'absence de travail effectif ne constitue pas un critère suffisant d'assimilation de cette période à une période de repos. Le 9e rapport national sur l'application de la charte sociale européenne révisée soumis par le gouvernement français au comité européen des droits sociaux a rappelé que le code du travail définit l'astreinte comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. Exception faite de la durée d'intervention, la période d'astreinte est décomptée dans les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire. Astreinte et temps de repos sont deux notions compatibles. En effet, hors périodes d'intervention qui sont bien évidemment qualifiées en temps de travail, le salarié peut vaquer librement à ses occupations, à son domicile ou à proximité. Il est indéniable en revanche que l'astreinte ne constitue pas une forme de repos comme les autres. Aussi le recours à l'astreinte est-il encadré par des dispositions très strictes : l'astreinte doit être mise en place par accord collectif, elle suppose le respect absolu des repos quotidien et hebdomadaire, ainsi que l'octroi aux salariés concernés des contreparties financières ou sous la forme de repos supplémentaires, définies par accord collectif, ou, à défaut, par l'employeur. En outre, lorsqu'une intervention a lieu pendant la période d'astreinte et que le salarié n'a pas encore bénéficié de la totalité des périodes de repos minimales prévues par le code du travail, celles-ci doivent être entièrement données à l'issue de l'intervention. L'ensemble de ces éléments sont de nature à garantir le droit à des conditions de travail équitables des salariés en forfaits jours et des salariés en régime d'astreinte.
Auteur : M. Jean-Jacques Candelier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Dates :
Question publiée le 3 juillet 2012
Réponse publiée le 6 août 2013