médecine du travail
Question de :
M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Jacques Candelier interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur l'avenir de la médecine du travail. Si personne ne s'y oppose, au 1er juillet 2012, s'appliqueront les dispositions légales et réglementaires, relatives à la médecine du travail et plus largement à la prévention médicale des risques professionnels, préparées par et pour le Medef. L'ancien gouvernement et les organisations patronales n'ont pas ménagé leur peine pour que soit votée une loi au Parlement, pour que les décrets d'application soient promulgués à la hâte et que leurs dispositions soient mises en œuvre avant même la date d'application des textes concernés. Ces textes organisent la mainmise des employeurs sur la santé au travail et mettent en cause la médecine du travail en tant que spécialité préventive des interactions du travail et de la santé et dont l'objet exclusif est de prévenir les altérations de la santé du fait du travail. Les modifications introduites par ces textes entérinent la disparition de la médecine du travail. Elles bouleversent ses fondements techniques, éthiques et déontologiques. Elles confient aux employeurs la surveillance et la prévention des risques professionnels qu'ils génèrent. Elles leur livrent une main-d’œuvre technique ne disposant d'aucun moyen de s'opposer à leurs pressions. Elles élargissent le pouvoir des employeurs en matière de contrôle des conditions de travail et de leur acceptabilité physique et psychologique. Les professionnels concernés, dans leur grande majorité, y sont hostiles. C'est le cas également des syndicats CFE-CGC, FO, CFTC, CGT et SNPST des médecins du travail et des personnels des SIST, du syndicat CGT des inspecteurs du travail ou de la fédération CGT du labeur. Alors que les élus de gauche avaient combattu les dispositions de la loi du 20 juillet 2011, finalement imposée d'autorité par le Gouvernement aux deux Assemblées, l'absence de réaction d'un Gouvernement qui laisserait s'appliquer la loi du 20 juillet 2011, les décrets du 30 janvier 2012 ou l'arrêté du 2 mai 2012, ne serait en aucun cas une illustration du changement. C'est pourquoi il lui demande s'il compte bloquer l'application de ces textes, pour permettre l'adoption d'une véritable réforme de la santé au travail au service de la préservation de la santé des salariés, principale richesse des entreprises et atout national issu du programme du CNR.
Réponse publiée le 16 octobre 2012
Après les réformes de la médecine du travail portées par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et le décret n° 2004-760 du 28 juillet 2004, qui ont permis d'en améliorer son fonctionnement, la loi adoptée le 20 juillet 2011 et ses deux décrets d'application du 30 janvier 2012 ont pour objectif de répondre d'une part aux nouveaux enjeux en termes de santé et de protection des salariés (émergence de risques professionnels nouveaux, enjeux liés au vieillissement de la population, adaptation aux nouvelles formes d'emploi...) et, d'autre part, au problème lié à la démographie médicale (- 30 % des effectifs des médecins du travail prévu d'ici à 2015). Cette réforme soulève effectivement des interrogations. La circulaire d'application dont la publication est prochainement prévue devrait permettre de répondre à certaines d'entre elles. Cette réforme a pour objectif de recentrer les services de santé sur leur coeur de métier. La mission exclusive des services de santé au travail (« éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ») et les actions mises en oeuvre à cette fin sont clairement affirmées par la loi (art. L. 4622-2 du code du travail). Cette mission est menée dans les services de santé au travail interentreprises par une équipe pluridisciplinaire et non plus uniquement par le médecin du travail et, dans les services autonomes de santé au travail, par le médecin du travail en collaboration avec les services chargés des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l'entreprise. Il s'agit de s'appuyer sur des compétences diverses pour améliorer la prévention primaire des risques professionnels. Toutefois le médecin du travail conserve un rôle majeur en tant qu'animateur et coordonnateur de l'équipe pluridisciplinaire de santé au travail et en raison de ses compétences médicales propres. Il doit d'ailleurs être précisé que, pour la première fois, l'indépendance professionnelle du médecin du travail est affirmée dans le code du travail (art. L. 4623-8), alors qu'elle n'était jusque là prévue que dans les codes de la santé publique et de la sécurité sociale. La réforme met en place un pilotage de la santé au travail. L'objectif, au niveau régional, est d'assurer la cohérence des actions menées par les différents acteurs institutionnels et de dynamiser les services de santé au travail autour d'objectifs quantitatifs et qualitatifs partagés en s'appuyant sur les contrats d'objectifs et de moyens, prévus à l'article L. 4622-10 du code du travail mais aussi sur l'implication accrue des partenaires sociaux, notamment dans le cadre du Comité régional de prévention des risques professionnels. La démarche de contractualisation et la politique d'agrément des services de santé au travail par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi - expression de la mission régalienne de l'administration du travail - sont deux leviers essentiels et complémentaires pour l'élaboration d'une stratégie régionale de santé au travail. Cette stratégie doit aussi avoir pour ambition de valoriser les problématiques de santé au travail et l'action des services qui leur sont dédiés. La gouvernance des services de santé au travail interentreprises a également été modifiée, par l'instauration d'un conseil d'administration paritaire. Ces dispositions ont été longuement débattues lors de l'examen de la proposition de loi. Les mesures adoptées, dont il conviendra d'évaluer le fonctionnement, constituent néanmoins une évolution par rapport au droit alors en vigueur qui n'attribuait qu'un tiers des sièges du conseil d'administration aux représentants des salariés. Les modifications apportées au pilotage de la santé au travail comme à la gouvernance des services de santé au travail constituent en effet un changement important. Au-delà des textes, les partenaires sociaux doivent prendre toute leur place, au sein des conseils d'administration, des organes internes de contrôle (commissions de contrôle, comités d'entreprise) et des comités régionaux de prévention des risques professionnels, pour que la mise en place de cette réforme s'effectue au bénéfice réel de la préservation de la santé des travailleurs. Enfin, cette réforme a voulu apporter des réponses au problème de démographie médicale. Outre un certain nombre de dispositions ayant pour vocation de libérer du temps au médecin du travail, notamment la pluridisciplinarité, il faut citer le recrutement de collaborateurs médecins et la facilitation des stages d'internes dans les services de santé au travail. L'objectif est d'aboutir à une plus grande attractivité de cette spécialité médicale. Néanmoins, les pistes proposées sont sans doute insuffisantes pour pallier les tendances lourdes de la démographie médicale qui dépassent par ailleurs le seul cadre de la spécialité en question ; les réflexions avec les ministères chargés de la santé et de l'enseignement supérieur doivent donc se poursuivre. Compte tenu de l'importance des modifications contenues dans cette réforme de l'organisation de la médecine du travail, que les services de santé au travail, les entreprises, comme l'administration du travail et les services de l'assurance-maladie viennent juste de commencer à mettre en oeuvre, il apparaît prématuré d'envisager de nouveaux changements avant d'avoir pu en évaluer les réalisations et les effets dans un diagnostic partagé et formaliser en concertation les pistes d'amélioration possibles. Il convient notamment de pouvoir faire une première évaluation des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, d'analyser les projets pluriannuels de service, l'évolution du mode de gouvernance et l'effectivité de la pluridisciplinarité. L'analyse des politiques régionales d'agrément permettra également de s'assurer de la couverture territoriale des besoins en santé au travail, de l'adéquation et de la qualité des offres dans ce domaine et du bon fonctionnement des services dédiés, notamment au regard du respect de l'indépendance des médecins du travail.
Auteur : M. Jean-Jacques Candelier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Dates :
Question publiée le 3 juillet 2012
Réponse publiée le 16 octobre 2012