trisomie 21
Question de :
M. Patrick Hetzel
Bas-Rhin (7e circonscription) - Les Républicains
M. Patrick Hetzel attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la politique publique en matière de trisomie 21 à l'occasion de la journée nationale de la trisomie 21, le 17 novembre 2013. En effet, la trisomie 21 est une maladie d'origine chromosomique qui touche environ 60 000 personnes en France. Elle concerne aussi les 820 000 femmes enceintes chaque année depuis la généralisation du diagnostic prénatal de la trisomie 21. De ce fait il s'agit d'un enjeu de santé publique important. Depuis 15 ans le dépistage prénatal de la trisomie 21 généralisé puis systématisé s'amplifie. Un arrêté du 27 mai 2013 met même en place par voie réglementaire un fichier national et exhaustif de la quasi-totalité des femmes enceintes, des tests de détection de la trisomie 21 effectués ou non, de leurs résultats, des issues de grossesse. Cet arrêté impose à tous les praticiens concernés par le diagnostic prénatal de transmettre leurs résultats à l'ABM qui produira une évaluation nationale du diagnostic prénatal de la trisomie 21. Tous les praticiens se voient donc mobilisés sur la trisomie 21 de manière très forte. Cette politique de santé publique qui se concentre sur la performance de la détection prénatale de la trisomie 21 accessible à toutes les femmes enceintes mérite que l'on puisse l'évaluer et notamment en prenant en compte l'ensemble de l'impact sociétal. Aujourd'hui, 96 % des fœtus trisomiques 21 diagnostiqués sont donc éliminés. Or il est extrêmement important de ne pas stigmatiser, discriminer ou encore rejeter les personnes trisomiques 21. Si les politiques publiques se focalisent exclusivement sur la question du dépistage, elles risquent potentiellement de développer une vision unique de la société où l'on sous entendrait exclusivement qu'il vaudrait mieux qu'une personne trisomique 21 ne naisse pas plutôt qu'elle vive, qu'elle serait destinée à être malheureuse et qu'elle pourrait générer le malheur pour sa famille et son environnement. Or il y a de très nombreux cas où le contraire est démontré par les familles qui ont un enfant trisomique 21. En tout cas, il est extrêmement important de prendre en compte ces questions humaines et éthiques dans les politiques publiques en général et en matière de santé en particulier. C'est évidemment une question d'une grande sensibilité humaine et c'est pourquoi il convient d'indiquer que le professeur Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique alerte depuis plusieurs années : « Osons le dire : la France construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l'eugénisme. La vérité centrale [...] de l'activité de dépistage prénatal vise à la suppression et non au traitement : ainsi ce dépistage renvoie à une perspective terrifiante : celle de l'éradication ». Plus récemment, il insistait encore sur le fait que « le dépistage prénatal ne doit pas être un automatisme » car il est lui-même susceptible de développer des effets pervers importants s'il y a une vision unique voire simpliste de la question de la trisomie 21. C'est pourquoi il souhaiterait l'interroger sur la finalité de ce nouveau dispositif et sur le coût de ce fichier national du diagnostic prénatal de la trisomie 21 mis en œuvre par l'arrêté du 27 mai 2013. Ne serait-il pas désormais opportun d'engager une réflexion nationale sur les politiques de santé publique concernant la trisomie 21 ? Comme l'indique le professeur Sicard, cette question mérite une attention toute particulière car toutes les politiques publiques de santé sous-tendent un regard de la société sur elle-même. A côté de l'aspect médical et scientifique, il est important de réinterroger régulièrement la dimension éthique des politiques publiques engagées. Le ministère ne devrait-il donc pas s'interroger sur la place de la différence liée aux maladies dans nos sociétés en général et à la trisomie 21 en particulier ? Ne devrait-on pas chercher à développer une politique publique basée sur un équilibre même fragile à trouver entre dépistage et thérapie en matière de trisomie 21 ? Enfin, quelles dispositions le ministère compte-t-il prendre pour lutter efficacement contre la stigmatisation, la discrimination et le rejet des personnes trisomiques 21 car il en va de la dignité de la personne humaine.
Réponse publiée le 17 juin 2014
Le dépistage de la trisomie 21 n'est pas systématisé en France. La loi prévoit que la femme enceinte soit informée de la possibilité de recourir à des examens tels que le dépistage de la trisomie 21 mais que cet examen ne peut lui être proposé à titre systématique. Le diagnostic prénatal avec utilisation des marqueurs sériques maternels de la trisomie 21 a permis de diminuer le taux d'examens invasifs résultant du dépistage de la trisomie 21. L'arrêté du 27 mai 2013, qui a complété un arrêté de 2009, encadre formellement les modalités d'évaluation du dépistage et du diagnostic de la trisomie 21, à partir du recueil des données utiles à cette évaluation. Ces données, qui excluent les issues de grossesse, sont centralisées à l'Agence de la biomédecine qui est à même de prendre les mesures nécessaires pour en garantir la confidentialité et la sécurité. La CNIL, saisie au préalable par le ministère chargé de la santé, a donné son accord le 16 mai 2013 à la collecte de ces données, considérant qu'elle est « pertinente et non excessive au regard de la finalité poursuivie par le traitement ». Le test prénatal non invasif de trisomie 21 foetale ne pourra être autorisé en France que lorsque la HAS aura émis ses recommandations pour une mise en oeuvre maîtrisée sur le territoire et que son remboursement par l'Assurance maladie le rendra accessible à toutes les femmes qui le souhaitent. Ce travail est en cours. Le Comité consultatif national d'éthique avait été saisi en juillet 2012 afin de mener une réflexion approfondie sur ce sujet et rendre un avis sur les problèmes éthiques et les questions que soulève le développement de cette technique. Enfin, depuis quelques années, des progrès notables ont été réalisés dans la compréhension de la trisomie 21 et la mise au point de molécules potentiellement thérapeutiques. Des publications récentes suscitent de grands espoirs. La recherche sur la trisomie 21 doit se poursuivre.
Auteur : M. Patrick Hetzel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Affaires sociales et santé
Ministère répondant : Affaires sociales
Dates :
Question publiée le 26 novembre 2013
Réponse publiée le 17 juin 2014