Question de : M. Pascal Popelin
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Pascal Popelin attire l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les éventuels impacts des politiques de soutien aux agrocarburants. De nombreux organismes alertent en effet depuis plusieurs années, sur les éventuelles conséquences des différentes mesures mises en œuvre pour soutenir ce type de carburant, notamment sur le droit à l'alimentation des populations du sud et la volatilité des prix des denrées alimentaires. C'est pourquoi il l'interroge pour savoir si des études officielles ont souligné ces risques potentiels.

Réponse publiée le 25 février 2014

En 2009, une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) portant sur les analyses de cycle de vie appliquées aux biocarburants de première génération consommés en France a été lancée. Cette étude a été réalisée par BioIS sous l'égide d'un comité technique associant les professionnels des filières agricoles et des filières industrielles, et les représentants des associations environnementales. Cette étude montrait que les biocarburants produits en France présentaient, dans le cadre de la méthodologie retenue, sans tenir compte du carbone des sols, le bilan suivant : les gains nets en émission de gaz à effet de serre (GES), par rapport à des carburants fossiles, sont de 60 à 70 % pour les biodiesels et de 50 à 65 % pour les bioéthanols. Toutefois, cette étude restait incomplète sur la question du « changement d'affectation des sols » (CAS), et préconisait des travaux complémentaires afin de définir la méthodologie adéquate. L'origine des sols destinés à produire les végétaux, le retournement des prairies, les usages des co-produits, et dans une moindre mesure les procédés de fabrication, sont également susceptibles de modifier substantiellement les résultats. Le Gouvernement soutient fortement la démarche engagée par la Commission européenne pour évaluer les différentes pistes d'actions envisageables pour limiter les changements d'affectation des sols indirects liés au développement des biocarburants, et promouvoir les biocarburants avancés qui n'entrent pas en concurrence directe avec la production alimentaire mondiale. Le 17 octobre 2012, la Commission européenne a publié une évaluation des incidences des changements d'affectation des sols indirects sur la base d'une étude de l'IFPRI - International food policy research institute -, accompagnée d'une proposition de modification des directives 2009/28/CE et 2009/30/CE. Celle-ci vise notamment à inclure des facteurs liés aux changements d'affectation des sols indirects dans les rapports que doivent remettre les fournisseurs de carburant et les Etats membres sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre associées aux biocarburants et aux bioliquides. Toutefois, si la Commission européenne a retenu des facteurs changements d'affectation des sols indirects par type de matière première issus de l'étude de l'IFPRI, l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a montré, quant à lui, que les estimations de ces facteurs varient sensiblement en fonction des modèles retenus. Tenant compte de ces éléments récents, la France soutient un rapportage « ILUC (indirect land use change) » reflétant correctement les incertitudes importantes qui demeurent concernant le chiffrage du phénomène. Elle demande donc que dans le cadre de la future directive et du rapportage correspondant apparaissent les intervalles suivants : - Céréales et plantes sucrières de 0 à 30 g CO2/MJ - Plantes oléagineuses de 20 à 80 g CO2/MJ S'il ne s'agit pas de valeurs basées directement sur les résultats publics d'un travail scientifique, il s'agit d'une proposition permettant : - de traduire correctement l'incertitude concernant l'ampleur du phénomène, comme en témoignent les résultats divergents des différents travaux récents sur le sujet, en affichant des intervalles plus conséquents dont les bornes sont plus des ordres de grandeur que des valeurs précises ; - et de ne pas définitivement conclure sur l'impact relatif des filières, en affichant des intervalles qui se recoupent - tout en rendant compte du probable effet « ILUC » supérieur pour les plantes oléagineuses. L'étude ADEME-INRA réalisée par Stéphane de Cara, économiste à l'INRA, qui fait la synthèse de toutes les études réalisées sur le sujet au niveau mondial, va dans le sens de cette proposition. La directive proposée par la Commission européenne est toujours en cours de négociation. Elle devrait permettre de limiter la contribution des biocarburants de première génération qui ont un effet en termes de changement indirect de l'affectation des sols parfois lourd, et de favoriser le développement de biocarburants qui n'entrent pas en concurrence avec les cultures vivrières, et par conséquent, qui ont un effet nul. Conscient de ces enjeux, le ministère a confié à BioIS une étude sur les mécanismes de flexibilité visant à limiter les effets des politiques biocarburants sur les prix des denrées alimentaires, dont les résultats sont attendus au cours de l'année 2014.

Données clés

Auteur : M. Pascal Popelin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie

Dates :
Question publiée le 3 décembre 2013
Réponse publiée le 25 février 2014

partager