Question de : M. Fernand Siré
Pyrénées-Orientales (2e circonscription) - Les Républicains

M. Fernand Siré appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions carcérales qui ne cessent de se dégrader, faisant suite à la visite qu'il a faite du centre pénitentiaire de Perpignan, le 7 novembre 2013. La France compte 67 000 détenus pour 57 000 places de prison. Ces conditions de détention indignes nourrissent les violences et le racket. La surpopulation dans les maisons d'arrêt oscille entre 134 % et 137 %. Néanmoins, si on compare avec les autres pays, la France n'est pas un grand pays incarcérant. En effet, la Belgique, l'Allemagne, l'Autriche, le Portugal, le Royaume-uni, sans parler des États-unis, incarcèrent davantage que la France. La précédente majorité avait construit 20 000 nouvelles places supplémentaires afin d'humaniser davantage les conditions de détention. Cela n'est pas encore suffisant. On déplore aujourd'hui une diminution du budget consacré à l'administration pénitentiaire. En effet, si le budget pour 2014 est quasiment stable en matière de crédits, cela paraît dérisoire après l'effondrement de 38,5 % en autorisations d'engagement en 2012. Le personnel pénitentiaire, soumis à de fortes tensions, est très inquiet. Leurs conditions de travail se dégradent considérablement. L'interdiction des fouilles systématiques a rendu les établissements beaucoup plus vulnérables et mis les personnels en danger. Cela a accéléré les trafics de drogue et accru les pressions entre les détenus dont certains sont forcés de jouer le rôle de « mules ». Certains détenus parviennent à introduire des couteaux en céramique, des stylos « pistolets » en plastique ou encore des armes à feu en porcelaine, qui ne sont pas détectables par les détecteurs à métaux et les portiques. Pour prendre exemple de la prison de Perpignan, depuis le 1er janvier 2013 avant que les fouilles ne soient interdites, il a été saisi 1 190 grammes de drogue, 230 portables, une quantité importante de médicaments..., et bien d'autres objets interdits qui ont été saisis dans les chemins de ronde et après la fouille des parloirs. Il y a urgence à améliorer les conditions de détention. Il souhaiterait ainsi savoir les propositions qu'elle entend faire pour améliorer la sécurité du personnel pénitentiaire et des détenus.

Réponse publiée le 2 décembre 2014

La Garde des sceaux est particulièrement vigilante à l'égard de la situation de sur-occupation des établissements pénitentiaires, source de tensions tant pour les personnes détenues que pour les personnels. Cette préoccupation demeure d'autant que, malgré une légère hausse des aménagements de peine liée à la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012, et une population carcérale qui augmente moins vite qu'auparavant, la situation de sur-occupation des établissements pénitentiaires s'avère toujours extrêmement préoccupante. A cet égard, les effets des politiques pénales menées ces dernières années, qui ont vu le nombre de personnes détenues augmenter de plus de 20 000, ont été dévastateurs. Ces politiques, en particulier les peines plancher, ont en effet induit des automatismes contraires aux principes généraux de l'individualisation de la peine, qui ont produit plus de 4 000 années d'emprisonnement supplémentaires par an depuis 2007. De façon plus générale, ce chiffre est le résultat de la promotion de la logique du tout carcéral, y compris pour les petits délits, sans discernement, et sans prise en compte de la personnalité du condamné et de sa situation réelle. En premier lieu, pour améliorer les conditions de détention et de travail des personnels en établissements pénitentiaires, le ministère de la justice a engagé, dès le premier triennal budgétaire, un programme immobilier ambitieux. Entièrement financé, à l'inverse du programme issu de la loi de programmation relative à l'exécution des peines du 27 mars 2012, ce dispositif vise à la création de 6 500 places pour répondre aux besoins les plus urgents, mais aussi la fermeture de 1 082 places les plus vétustes avec ouvertures en substitution de nouveaux établissements, ainsi que de grands chantiers de rénovation tels que ceux des maisons d'arrêt des Baumettes, de La Santé ou de Fleury-Mérogis. En deuxième lieu, la Garde des sceaux a fait voter la loi du 15 août 2014 relative à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines. Bien que ce texte vise avant tout la mise en oeuvre de solutions plus efficaces dans la prise en charge des personnes condamnées et non la réduction de la population carcérale, la réforme pénale engagée aura des effets sur cette dernière. Ainsi, ce texte supprime les dispositions prévoyant des peines minimales en cas de récidive ainsi que le caractère automatique de la révocation du sursis simple, afin de permettre aux juridictions d'apprécier en raison des circonstances, de la personnalité du prévenu et de la gravité des faits, si les sursis doivent être révoqués. Il prévoit en outre la création d'une nouvelle peine de contrainte pénale, composée d'obligations exécutables en milieu ouvert, et favorise le prononcé de libération sous contrainte pour les détenus condamnés à des peines inférieures à 5 ans et qui sont en fin de peines. De surcroît, grâce à l'augmentation des effectifs des SPIP d'ici à 2016, de 25 % avec la création de 1 000 emplois (dont 400 en 2014), soit un effort tout à fait unique, ainsi qu'à la réforme des méthodes de prises en charge des personnes en milieu ouvert et à la construction de nouveaux outils d'évaluation, un meilleur suivi des personnes placées sous main de justice permettra d'assurer une efficacité plus grande dans la prévention de la récidive. En troisième lieu, la Garde des sceaux a lancé un plan exceptionnel de sécurisation le 3 juin 2013 à hauteur de 33 millions d'euros qui prévoit notamment la mise en place de dispositifs anti-projections, le déploiement de portiques à ondes millimétriques et à masse métallique, la création de deux nouvelles équipes cynotechniques. Ce plan de sécurisation a permis d'accompagner la mise en oeuvre de l'article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 interdisant la pratique des fouilles systématiques de manière à concilier le respect de la dignité de la personne détenue et les impératifs de sécurité en établissement pénitentiaire. Le centre pénitentiaire de Perpignan est directement concerné par ce plan. D'une part, il s'est récemment vu doté d'un portique de détection de masse métallique destiné à renforcer la sécurité du secteur des ateliers. D'autre part, cet établissement, identifié comme l'un des plus touchés par le phénomène des projections extérieures, dans le ressort de Direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse, bénéficiera d'un financement à hauteur de 300.000 € en vue de réaliser, courant 2014, des travaux de sécurisation par la pose de filets anti-projections à proximité des cours de promenade. Au-delà de l'aspect matériel, ce plan vise également à remettre l'humain et le professionnel au coeur du système avec des actions engagées autour de la question de la formation, de la place des personnels en détention dans le cadre du plan maisons centrales, et à renforcer le partenariat avec les autorités judiciaires et les forces de sécurité. Ainsi une intensification des contrôles notamment aux abords des établissements pénitentiaires est prévue par la note du 24 juillet 2014 relative au partenariat renforcé entre les établissements pénitentiaires et les parquets aux fins d'organiser de façon régulières des opérations de contrôle avant les parloirs pour lutter contre les trafics. Le renforcement du renseignement pénitentiaire est également effectif par le recrutement des sept nouveaux personnels. Pour accompagner cette évolution et redonner de la lisibilité aux métiers pénitentiaires, la Garde des sceaux a signé le 14 mai 2013 un protocole avec l'organisation syndicale majoritaire à hauteur de 20 millions d'euros portant à la fois sur une revalorisation du statut des surveillants et des gradés du corps d'encadrement et d'application, ainsi que sur une réflexion plus globale sur l'exercice des métiers. Cette réflexion portera sur la place du surveillant entre garde et réinsertion, le renforcement de la formation des professionnels, l'amélioration du dispositif de prévention en matière de santé et de sécurité au travail et l'amélioration de l'articulation entre organisation du travail et conditions de travail. Enfin, la Garde des sceaux a engagé ses services, en lien avec l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, dans une réflexion globale sur la conception des nouveaux établissements afin de centrer leur construction autour d'un véritable projet d'exécution de peine en détention, et non l'inverse, qui contribuera à faire de la prison un temps utile pour la personne condamnée et pour la société. Le conseil national de l'exécution de la peine installé par la Garde des sceaux le 29 janvier 2014, constitué notamment de membres éminents de la société civile (universitaires, chercheurs, psychiatre, architecte, ...) et de parlementaires (présidents des commissions des lois), s'emparera également de cette question pour venir enrichir les travaux en cours.

Données clés

Auteur : M. Fernand Siré

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 10 décembre 2013
Réponse publiée le 2 décembre 2014

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