jugements
Question de :
M. Alain Chrétien
Haute-Saône (1re circonscription) - Les Républicains
M. Alain Chrétien interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'acquittement de deux des six somaliens interpellés par les forces spéciales françaises, suite à la prise d'otage commise en 2008 à l'encontre de l'équipage français du voilier Le Ponant. Alors que la cour d'assises de Paris a condamné quatre des six accusés à des peines de prison allant de quatre à dix ans, elle a acquitté et remis en liberté les deux autres. Elle leur aurait également octroyé, à titre provisoire, dans l'attente de la décision d'appel, 90 000 euros d'indemnisation chacun, pour le préjudice moral subi lors de leur détention. Cette indemnité viendrait s'ajouter aux plusieurs milliers d'euros qui leur auraient été accordés au titre de leur préjudice matériel. Ces deux hommes, désormais hébergés dans un foyer en Seine-Saint-Denis, perçoivent également une allocation de 350 euros par mois et attendent la réponse à leur demande d'asile en France. Aussi, il souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur cette décision judiciaire, qui pourrait susciter de l'incompréhension.
Réponse publiée le 2 mai 2017
Par un arrêt du 14 juin 2012, la cour d'assises de Paris a acquitté 2 prévenus pour les faits d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de plusieurs personnes commis en bande organisée, vols en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime. Elle a condamné en revanche les autres prévenus à des peines allant de quatre à dix ans d'emprisonnement, dont ils n'ont pas interjeté appel. Le 23 juillet 2012, les 2 acquittés ont déposé chacun une requête en réparation du préjudice subi du fait de leur placement en détention provisoire du 18 avril 2008 au 15 juin 2012 (soit 1 519 jours), sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, qui instituent un mécanisme légal d'indemnisation de la détention provisoire, en dehors de la commission de toute faute. Par décision du 5 novembre 2012, le premier président de la cour d'appel de Paris a alloué à l'un des acquittés la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison de cette détention provisoire, outre 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Par une décision en date du 17 juin 2013, la commission nationale de réparation des détentions, saisie en appel par l'intéressé, a accueilli partiellement son recours et lui a alloué les sommes de 120 000 euros, au titre de son préjudice moral, 10 000 euros, au titre de son préjudice matériel et 1 500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre celle déjà allouée par la décision attaquée. Par décision du 5 novembre 2012, le premier président de la cour d'appel de Paris a alloué au second des acquittés la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice moral subi à raison de sa détention provisoire, et 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le requérant sollicitant l'indemnisation distincte d'un préjudice corporel, une expertise médico-psychologique a été ordonnée avant dire droit. Puis par une décision en date du 17 juin 2013, la commission nationale de réparation des détentions, saisie en appel, a accueilli partiellement son recours, sursis à statuer sur sa demande d'indemnisation du préjudice moral jusqu'au prononcé de la décision du premier président sur le préjudice corporel et lui a alloué les sommes de 10 000 euros au titre du préjudice matériel et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre celle déjà allouée par la décision attaquée. Par une décision en date du 1er février 2016, le premier président de la cour d'appel de Paris lui a alloué la somme de 84 000 euros en réparation du préjudice corporel sur la base des rapports d'expertise ordonnés au cours de la procédure (qui faisaient état d'un déficit fonctionnel temporaire de 30% correspondant à la persistance d'un état dépressif en lien avec la détention provisoire subie). Il convient de relever que les indemnisations prononcées, si elles paraissent importantes, sont à mettre en perspective avec la durée très importante de la détention provisoire subie par les intéressés, à savoir 1519 jours. Elles prennent en considération, pour le premier, son jeune âge et le "contexte d'isolement linguistique et culturel qui a nécessairement majoré le choc carcéral éprouvé" et, pour le second, la dépression résultant de cette détention, établie par deux expertises. Elles sont dépourvues de tout lien avec les ressources actuelles du requérant, dès lors qu'elles ne tendent qu'à réparer les préjudices résultant du seul placement en détention provisoire.
Auteur : M. Alain Chrétien
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 24 décembre 2013
Réponse publiée le 2 mai 2017