Question de : M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les problèmes de prise en charge psychiatrique des détenus, dont l'accès aux soins est « loin de toujours pleinement respecter les droits fondamentaux » selon la Cour des comptes. On ne sait pas exactement combien de malades mentaux sont incarcérés. « Au moins un trouble psychiatrique » est identifié chez huit détenus sur dix, et le taux de schizophrènes serait quatre fois plus important qu'à l'extérieur, selon la dernière étude disponible, qui remonte à 2003. Les places d'hospitalisation réservées aux détenus restent faibles (182 lits pour 77 883 détenus), surtout en psychiatrie, et la situation des handicapés en détention est « préoccupante » - le nombre de détenus de plus de 60 ans a doublé en quinze ans. Enfin, la couverture sociale des détenus, théoriquement générale, se heurte en pratique à mille difficultés et la Cour somme le Gouvernement d'organiser une réelle « politique de santé publique ». Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son avis sur ce sujet.

Réponse publiée le 25 novembre 2014

Les réponses aux besoins de santé mentale de la population incarcérée ont conduit, depuis maintenant une quinzaine d'années, le ministère de la Justice et le ministère chargé de la santé à mettre en oeuvre une série de dispositifs permettant une prise en charge de ces publics. Outre une prise en charge psychiatrique assurée par les unités sanitaires présentes au sein de chaque établissement pénitentiaire, chaque région pénitentiaire dispose d'un ou plusieurs services médico-psychologiques (SMPR) rattachés, par l'intermédiaire des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, à un établissement de santé public ou privé. 26 SMPR sont actuellement opérationnels sur l'ensemble du territoire. Afin de compléter ces structures, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a acté la mise en place d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Le déploiement des UHSA permettra un recentrage de l'activité d'hospitalisation des SMPR sur les soins ambulatoires et le développement des prises en charge à temps partiel. 9 UHSA pourront accueillir 440 détenus d'ici 2015 (dans les secteurs de Paris, Marseille, Lille, Dijon, Toulouse, Strasbourg, Bordeaux, Rennes et Lyon). L'UHSA de Lyon-Le Vinatier a ouvert ses portes le 18 mai 2010 et accueille des patients détenus depuis cette date. Les unités de Nancy et de Toulouse ont été mises en service en janvier et mars 2012. Les UHSA d'Orléans et de Paris ont ouvert leurs portes en mars et avril 2013. L'unité de Lille a été inaugurée le 8 juillet 2013. Les UHSA de Bordeaux et de Marseille seront quant à elles opérationnelles en 2015. Une seconde tranche de construction devrait permettre l'ouverture de 8 autres UHSA à partir de 2015 (pour un total de 265 places supplémentaires). Par ailleurs, une offre de soins graduée en santé mentale est actuellement étudiée par les ministères de la justice et de la santé. Elle repose sur une nouvelle organisation des structures de soins, comportant trois niveaux d'intervention : un niveau de proximité, un accueil en hospitalisation de jour au niveau régional et un accueil en hospitalisation complète. Le cas particulier des personnes âgées détenues a connu, ces dernières années, une forte augmentation notamment du fait de l'allongement des peines et de l'incarcération de personnes plus âgées, augmentation qui semble se stabiliser. La prise en charge et l'accompagnement de ces personnes, parfois en perte d'autonomie ou atteintes de pathologies invalidantes et favorisant la dégénérescence des fonctions cérébrales, est une préoccupation majeure pour l'administration pénitentiaire. Cette dernière met en oeuvre différentes typologies d'actions afin de prendre en compte les spécificités de ces personnes, en particulier lorsqu'elles sont en situation de dépendance. Ces actions sont menées dans un axe de prise en charge médico-sociale et non uniquement sanitaire, afin de pouvoir prendre en compte la situation complète de la personne. À ce titre, l'administration pénitentiaire oriente ses efforts dans quatre axes majeurs : Le premier axe consiste en l'amélioration des conditions matérielles de détention, pour répondre à la perte d'autonomie notamment physique des personnes handicapées ou atteintes de pathologies invalidantes (aménagement des cellules, aménagement de l'accessibilité, ...). Depuis 1990, les programmes successifs de construction des établissements pénitentiaires prévoient l'existence de cellules adaptées à l'accueil des personnes handicapées (cellules « personnes à mobilité réduite »). Un guide technique a été élaboré pour un aménagement type des cellules. Ainsi, dans chacun des nouveaux établissements pénitentiaires, est prévue une cellule aménagée par tranche de 150 places de détention. Dans les anciens établissements, des cellules ont également été aménagées. Un arrêté relatif à l'accessibilité des personnes handicapées dans les établissements pénitentiaires lors de la construction est paru le 4 octobre 2010. Un travail est en cours entre la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) afin de concevoir un nouvel arrêté relatif à l'accessibilité des personnes handicapées dans les établissements pénitentiaires déjà construits. Ces textes découlent de la mise en oeuvre dans les établissements pénitentiaires de la loi du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées. Le deuxième axe relève de l'amélioration de l'accès aux dispositifs de droit commun (allocation personnalisée d'autonomie, allocation adulte handicapé, prestation de compensation du handicap). L'article 30 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 permet à la personne détenue d'élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire pour faciliter l'accès à ces dispositifs. Ainsi, en complément de la prise en charge médicale assurée dans chaque établissement pénitentiaire par une équipe hospitalière, l'intervention de services extérieurs est développée sur la base de conventions liant le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), l'établissement pénitentiaire, le conseil général et une association d'aide à domicile. Le troisième axe relève de la mise en place d'activités spécifiques : développement des pratiques sportives en direction du public (convention avec des fédérations omnisports ou de sport adapté), inclusion de cette dimension dans la mise en oeuvre d'activités socioculturelles (ergothérapie, musicothérapie, ...). Le quatrième axe concerne la mise en place d'actions de sensibilisation du personnel pénitentiaire au repérage des personnes ayant un handicap ou en perte d'autonomie, en lien avec le service médical.

Données clés

Auteur : M. Hervé Féron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 25 février 2014
Réponse publiée le 25 novembre 2014

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