énergie nucléaire
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les conditions de travail des « nomades » du nucléaire. Ces employés interviennent lors des arrêts de tranche ou en permanence sur les différents sites de production électrique pour procéder à des travaux de maintenance et préserver ainsi le bon fonctionnement des installations nucléaires. Ils sont chargés des travaux les plus risqués avec une exposition très forte aux radiations. Dépendant auparavant d'EDF, gestionnaire du parc nucléaire français, ce dernier a eu recours de façon massive à la sous-traitance à partir des années 1980 pour la réalisation de ces opérations, afin d'accroître la rentabilité des centrales et de faciliter la gestion de son personnel qui ne pouvait intervenir tout au long de l'année en milieu contaminé sans dépasser les limites de doses réglementaires. L'ouvrage « Les dossiers noirs du nucléaire » paru fin 2013 dressait un constat inquiétant sur les évolutions survenues dans l'organisation de la maintenance. C'est ainsi que le nombre d'employés chez les sous-traitants intervenant sur le parc nucléaire, estimé à 20 000 personnes, serait deux fois supérieur aux effectifs d'EDF. Ils effectueraient près de 80 % des opérations sur les sites et on dénombre jusqu'à sept niveaux de sous-traitance, complexifiant la planification des opérations, le suivi médical des travailleurs et la transmission des compétences. Le personnel extérieur est soumis à des cadences et à une pression toujours plus fortes, sans compter la dégradation des conditions de sécurité, afin de limiter la durée et donc le coût des arrêts de tranche. Les prestataires du nucléaire recevraient sur l'ensemble de leur carrière des doses 10 à 15 fois supérieurs à celles des agents EDF. Il convient de noter également la précarité dans laquelle vivent ces employés, voyageant toute l'année de site en site au gré des besoins de maintenance des différents réacteurs, logeant dans des caravanes ou en camping le temps de leur intervention, avec des salaires déconnectés des risques de contamination et de la pénibilité auxquels sont soumis ces personnels. Ce recours à la sous-traitance ne permet pas non plus de garantir une sécurité optimale du parc. Le rapport interne sur la sûreté nucléaire et la radioprotection rendu public par EDF le 5 mars 2014 pointait d'ailleurs la mauvaise préparation des arrêts de tranche pour maintenance et leur impact sur la sécurité au travail. La question de la sous-traitance a également été relevée par le président de l'Autorité de sûreté nucléaire lors de son audition le 13 février dernier par la commission d'enquête dédiée de l'Assemblée nationale. Il souhaite ainsi connaître les mesures prises par le Gouvernement, dans le cadre de la prolongation de la durée de vie des installations nucléaires, pour prémunir les employés des entreprises sous-traitantes contre les risques d'accident et de contamination, ainsi que les réacteurs contre des défaillances aux répercussions potentiellement sérieuses.
Réponse publiée le 17 juin 2014
Le droit de recourir à des prestataires fait partie de la liberté du commerce et de l'industrie, y compris pour les exploitants d'installations nucléaires, et est pertinent dans de nombreuses situations, pour des raisons économiques mais également pour des raisons de sûreté. C'est le cas par exemple pour certaines opérations spécifiques où le recours aux meilleurs spécialistes est a priori gage de qualité. L'arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base (« arrêté INB ») pose des limites aux recours aux prestataires et à la sous-traitance : - l'exploitant doit assurer une surveillance très encadrée de ses prestataires réalisant des opérations importantes pour la sûreté, et depuis cet arrêté, il doit réaliser en propre cette surveillance et ne peut plus la sous-traiter ; - l'exploitant doit disposer en interne (ou dans une filiale) des compétences techniques pour comprendre et s'approprier de manière pérenne les fondements de son activité nucléaire ; - il doit disposer en interne (strictement) des capacités techniques suffisantes pour prendre toute disposition conservatoire en cas d'urgence. Sur demande des pouvoirs publics, le Comité stratégique de la filière nucléaire a élaboré un cahier des charges social, destiné à être intégré par les exploitants dans leurs appels d'offre, afin d'organiser et de réguler la relation entre les exploitants et leurs sous-traitants. Ce document, élaboré par l'ensemble des parties prenantes (exploitants nucléaires, organisations syndicales, organisations professionnelles, administrations et entreprises prestataires), a été finalisé en juillet 2012. Il intègre notamment la limitation des niveaux de sous-traitance et l'encadrement du recours à l'intérim dans un souci d'améliorer la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, ainsi que des dispositions relatives aux conditions de travail et de séjour autour des sites nucléaires, des mesures pour favoriser le maintien de l'emploi lors du renouvellement des marchés, et des dispositions permettant d'améliorer le suivi médical des salariés des entreprises prestataires. Le cahier des charges social est depuis mis en oeuvre par les exploitants, cette mise en oeuvre étant suivie régulièrement par le Gouvernement et l'ensemble des parties prenantes. Enfin, le cadre législatif sera renforcé sur cette question via la loi sur la transition énergétique afin d'encadrer davantage la sous-traitance de certaines activités importantes pour la sûreté.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie
Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie
Dates :
Question publiée le 29 avril 2014
Réponse publiée le 17 juin 2014