Question de : M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'annonce d'une possible déchéance de nationalité pour « ceux qui s'attaquent aux intérêts fondamentaux de notre pays ». Lors du discours de Grenoble en 2010, Nicolas Sarkozy avait émis la possibilité de déchoir de leur nationalité certains criminels. Cette question revient au cœur des débats, avec l'annonce mardi 3 juin 2014 sur le plateau RMC-BFM-TV du Premier ministre Manuel Valls d'une possible déchéance de nationalité de certains individus, djihadistes ou terroristes, dès lors qu'il n'y a « pas de tabou ». Or l'on sait qu'il existe une procédure juridique stricte entourant la déchéance de nationalité. Ainsi, seule une personne qui a acquis la nationalité française peut être déchue de cette dernière. En effet, la déclaration universelle des droits de l'Homme affirme clairement l'impossibilité de créer des apatrides : « tout individu a droit à une nationalité » et « nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité ». La personne visée doit aussi être française depuis moins de dix ans. Les délits pouvant faire l'objet d'une déchéance de personnalité sont précis : « crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation » ; « terrorisme » ; « crime ou délit prévu au chapitre 2 du titre III du livre IV du code pénal » (espionnage, sédition, haute trahison militaire...) ; le fait de se soustraire « aux obligations résultant pour lui du code du service national » et le fait de s'être « livré au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ». Face au caractère définitif et traumatisant d'une telle décision, il est opportun que la procédure soit entachée de complexité. On compte tout de même 21 cas entre 1989 et 2010. Cette question est revenue mardi 3 juin 2014 au cœur des discussions en raison de récents évènements qui sont évidemment tragiques (tuerie de Bruxelles et djihadistes en Syrie). Il n'est pourtant pas évident que cette procédure s'applique dans les cas cités. Il lui demande des précisions sur l'application de la déchéance de nationalité dans les cas précités.

Réponse publiée le 16 septembre 2014

Il ressort des dispositions combinées des articles 25 et 25-1 du code civil que les personnes ayant acquis la qualité de Français - c'est-à-dire les personnes qui ne sont pas nées françaises mais qui le sont devenues par décret ou par déclaration de nationalité - et ayant été définitivement condamnées pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme commis antérieurement à l'acquisition de la nationalité française ou dans le délai de quinze ans à compter de la date de cette acquisition, peuvent, par décret pris après avis conforme du Conseil d'État, être déchues de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour effet de les rendre apatrides. Lorsqu'elle est fondée sur la commission d'une infraction qualifiée d'acte de terrorisme, la déchéance ne peut être prononcée que dans un délai de quinze ans à compter de la perpétration des faits ainsi qualifiés. Compte tenu de la gravité de ces situations, lorsqu'elles se produisent, le ministre de l'intérieur engage systématiquement la procédure de déchéance de la nationalité française, dès lors, bien entendu, que toutes les conditions légales pour ce faire sont réunies. S'agissant des cas particuliers cités, la personne soupçonnée d'avoir tué, fin mai dernier, quatre personnes au musée juif de Bruxelles est née en France d'un parent qui y est lui-même né. S'étant vu attribuer la nationalité française dès sa naissance, en application de l'article 19-3 du code civil, qui dispose « qu'est Français, l'enfant légitime ou naturel, né en France, lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né », la personne en cause ne pourra être déchue de la nationalité française, puisque la première condition prévue pour ce faire n'est pas satisfaite. Les auteurs d'actes terroristes perpétrés dans le cadre du « djihad » n'ont vocation à être déchus de la nationalité française que si l'examen de leur situation personnelle fait apparaître que leur sont applicables les dispositions légales précitées, et notamment si elles ont acquis la nationalité française et disposent d'une autre nationalité.

Données clés

Auteur : M. Hervé Féron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Nationalité

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 17 juin 2014
Réponse publiée le 16 septembre 2014

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