Question de : M. Jacques Cresta
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jacques Cresta attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire, sur l'indemnisation des anciens travailleurs STO. En effet durant la période d'occupation, 650 000 jeunes français furent expédiés en Allemagne entre 1943 et 1945 dans le cadre du service du travail obligatoire. Certains de ces jeunes l'ont fait volontairement par adhésion mais une grande majorité d'entre eux y furent contraints, c'est ce que l'on appelle les « requis » qui constituèrent les esclaves du Reich. Aujourd'hui un certain nombre d'entre eux réclament des indemnisations à l'Allemagne ainsi qu'aux entreprises pour lesquelles ils ont été contraints de travailler gratuitement durant ces années. Ils souhaitent se voir appliquer les mêmes dispositions que celles reconnues par la Cour de cassation grecque qui condamna en 2000 l'État allemand à indemniser trois grecs qui avaient échappé à un massacre perpétré par les troupes allemandes dans leur village. Il souhaiterait savoir la position de la France dans cette affaire.

Réponse publiée le 28 octobre 2014

L'éventuel engagement d'instances devant une juridiction française par d'anciennes victimes du service du travail obligatoire (STO), dans le but de voir condamnée l'Allemagne à leur verser des salaires et des dommages et intérêts en raison de leur travail effectué au cours de la Seconde Guerre mondiale, doit être examiné au regard du principe selon lequel un État ne peut être soumis à la juridiction d'un autre État. Il s'agit d'une norme issue du droit international coutumier, codifiée par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004. Si le principe de l'immunité juridictionnelle d'un État devant les tribunaux d'un autre État ne revêt pas un caractère absolu, il est de jurisprudence constante de l'appliquer dans le cas d'espèce. Ainsi, la Cour de cassation française a systématiquement reconnu à l'État allemand son immunité dans chacune des instances introduites par d'anciens travailleurs requis au titre du STO. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme, dans une décision du 16 juin 2009, a indiqué que les juridictions nationales sont en mesure de rejeter les actions civiles en réparation, sur la base du respect de la souveraineté d'un autre État, sans méconnaître la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en particulier, sans porter atteinte au droit d'accès des requérants à un tribunal. De même, la Cour européenne des droits de l'homme, dans une décision du 21 novembre 2001, n'a pas accepté l'idée selon laquelle les États ne jouiraient plus de l'immunité dans des affaires se rapportant à des violations graves du droit international humanitaire ou des droits de l'homme. La Cour internationale de justice, dans un arrêt du 3 février 2012, a également statué dans ce sens. Cependant, il convient de rappeler que la situation en matière de reconnaissance et de droit à réparation des victimes françaises du STO en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale n'a pas été ignorée au regard de la législation française. Ainsi, la loi n° 51-538 du 14 mai 1951 a institué un statut de personne contrainte au travail en pays ennemi (PCT) en faveur de ces personnes. Le droit à réparation des PCT résulte de la législation prévue en leur faveur par les articles L. 308 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Cette législation leur reconnaît la qualité de victime civile de guerre et les droits à pension qui en découlent pour les infirmités résultant de blessures ou de maladies imputables à la période de contrainte. Les personnes concernées bénéficient, en outre, d'un régime de présomption, par dérogation aux règles applicables aux victimes civiles de guerre, qui permet d'indemniser les affections qui ont été constatées médicalement avant le 30 juin 1946. Elles ont également droit, en tant que victimes de guerre, à tous les avantages d'ordre social dispensés à ses ressortissants par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre : secours, aides sociales et accès aux maisons de retraite, ainsi qu'à la validation de la période de contrainte, au même titre que le service militaire accompli en temps de paix, dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour la retraite.

Données clés

Auteur : M. Jacques Cresta

Type de question : Question écrite

Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre

Ministère interrogé : Anciens combattants et mémoire

Ministère répondant : Anciens combattants et mémoire

Dates :
Question publiée le 24 juin 2014
Réponse publiée le 28 octobre 2014

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