enfants
Question de :
M. Sébastien Pietrasanta
Hauts-de-Seine (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Sébastien Pietrasanta attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur la situation des enfants recueillis par des familles françaises sous le régime de la kafala judiciaire. La kafala judiciaire est un mode de recueil de l'enfant dans les pays musulmans comme le Maroc ou l'Algérie qui ne donne pas droit à un lien de filiation et qui méconnaît donc l'adoption comme nous la connaissons en France. C'est pourquoi l'article 370-3, alinéa 2, de la loi du 6 février 2001 interdit aux ressortissants français d'adopter ces enfants que ce soit sous le régime d'une adoption simple ou d'une adoption plénière, alors que de nombreux pays européens ont reconnu la kafala judiciaire dans leur droit interne. Cette interdiction a des conséquences fâcheuses pour ces enfants et leurs familles puisqu'ils se retrouvent sans aucune protection jusqu'à leur naturalisation au bout de cinq ans de résidence sur notre territoire. Ils sont considérés comme des mineurs étrangers isolés, soumis aux décisions discrétionnaires des différentes administrations et organismes sociaux. Cette situation, contraire aux nombreuses conventions des droits de l'enfant auxquelles la France a adhéré, ne peut perdurer. C'est pourquoi il lui demande quelles sont les dispositions qu'elle entend prendre pour résoudre la situation de tous ces enfants, qui ont déjà subi le traumatisme de l'abandon, et qui sont maintenus dans une situation instable vis-à-vis de leurs parents adoptifs.
Réponse publiée le 13 août 2013
La kafala est une institution de droit coranique qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une famille musulmane (kafil) afin qu'elle assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. C'est donc une institution qui a pour objet d'offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre lui et le kafil. Elle est expressément reconnue par plusieurs conventions, que la France a ratifiées, comme une mesure de protection au même titre que l'adoption (article 20 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et article 3 de la convention de la Haye concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et des mesures de protection des enfants du 19 octobre 1996). L'article 370-3 du Code civil, issu de la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, prévoit que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si le mineur est né et réside habituellement en France. Cette disposition a été adoptée à l'unanimité par le Parlement français, afin de respecter la souveraineté des Etats prohibant l'adoption, et de se conformer aux exigences de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur l'adoption internationale, qui impose de s'assurer de l'adoptabilité d'un enfant au regard de sa loi personnelle. A plusieurs reprises, la Cour de cassation s'est prononcée sur la conformité de l'alinéa 2 de l'article 370-3 du code civil, qui empêche l'adoption d'un enfant dont la loi prohibe l'institution, aux différentes conventions internationales. Elle a ainsi estimé que le refus d'assimiler la kafala à une adoption n'établissait pas de différence de traitement au regard de la vie familiale de l'enfant dès lors que la kafala, reconnue par la convention internationale des droits de l'enfant préservait, au même titre que l'adoption, l'intérêt supérieur de l'enfant. La Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans son arrêt Harroudj contre France en date du 4 octobre 2012, a confirmé cette analyse. Elle a ainsi estimé que le refus de prononcer l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle prohibe l'institution ne constitue pas une ingérence dans la vie familiale de la femme qui a recueilli l'enfant et ne porte pas atteinte au respect de sa vie privée et familiale. La kafala judiciaire, comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins, celle-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le kafil étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants ayant encore des parents en état d'exercer leurs prérogatives, la kafala est assimilable en France à une délégation d'autorité parentale totale ou partielle. L'enfant recueilli n'est donc ni un mineur isolé ni un enfant sans statut protecteur. En outre, l'enfant recueilli par kafala peut être adopté dès qu'il acquiert la nationalité française, ce qui est possible après qu'il aura résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. Les propositions de réforme portées à l'attention du gouvernement par le défenseur des droits, susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil et de vie en France des enfants concernés font l'objet d'un examen attentif. Par ailleurs, une circulaire sera prochainement publiée visant à rappeler les règles existantes et à faciliter les démarches des familles auprès des juridictions.
Auteur : M. Sébastien Pietrasanta
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Famille
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 2 octobre 2012
Réponse publiée le 13 août 2013