politique industrielle
Question de :
M. Georges Ginesta
Var (5e circonscription) - Les Républicains
L'industrie n'est plus en France un facteur d'entraînement. En effet, depuis dix ans, sa croissance a été nettement plus faible que celle de l'ensemble de l'économie et plus faible que celle de la plupart des industries concurrentes. Ceci provient d'une base industrielle qui s'est contractée durant les années 2000 : fermetures de sites de production, défaillances d'entreprises, réduction tendancielle des budgets d'investissement. De ce fait, l'industrie française a perdu des parts de marché importantes. La balance des échanges de produits manufacturés, excédentaire de plus de quinze milliards d'euros par an au début des années 2000, est ainsi devenue négative à partir de 2005, le déficit atteignant vingt-quatre milliards d'euros en 2009. Dans le même temps, ce sont 500 000 emplois qui ont été détruits. C'est pourquoi M. Georges Ginesta demande à M. le ministre du redressement productif de bien vouloir lui indiquer les grands axes de sa politique afin de restaurer le socle industriel de la France.
Réponse publiée le 19 février 2013
La situation de l'industrie française est extrêmement préoccupante et ses résultats constituent, à l'évidence, une contre-performance nationale. En dix ans, notre industrie a perdu 740 000 emplois ; le décrochage industriel de la France est considérable, y compris dans des domaines encore récemment considérés comme des prés carrés de l'industrie française tels le nucléaire ou les trains à grande vitesse... La théorie de « la France sans usine » portée par des générations de dirigeants économiques et politiques a conduit à sacrifier notre appareil productif. Le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi adopté par le Gouvernement début novembre 2012 entend apporter des réponses à cette situation et, pour ce faire, retient huit leviers de compétitivité. Tout d'abord, le « Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi » (CICE) a été mis en place. Ce crédit d'impôt bénéficiera particulièrement aux entreprises industrielles, et ce dès l'exercice 2013. L'effet économique sera donc immédiat. Le Gouvernement veillera à ce que les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui le demandent puissent bénéficier immédiatement de l'effet en trésorerie de cet allègement dès l'année prochaine. Les entreprises présenteront devant leur comité d'entreprise l'utilisation des marges ainsi créées par ce crédit d'impôt pour investir ou embaucher. Un comité de suivi avec les partenaires sociaux, chargé de dresser à intervalle régulier un constat partagé sur le bon fonctionnement du dispositif, sera mis en place par l'État. Des données seront collectées pour permettre une évaluation précise du dispositif. Une autre priorité est de garantir aux PME et aux ETI des financements performants et de proximité. Le Gouvernement a décidé de mobiliser un arsenal complet de mesures, combinant des actions d'urgence et d'autres à plus long terme, avec trois objectifs : répondre immédiatement aux besoins de trésorerie des PME, apporter de manière durable l'ensemble des financements nécessaires aux entreprises (prêts, fonds propres, etc.), mettre le système bancaire et financier au service de l'économie réelle. Cela passe par la création de la Banque publique d'investissement (BPI), pour offrir aux entreprises un service de financements de proximité ; par la mise en place d'une nouvelle garantie publique, à travers la BPI ; par la lutte contre l'allongement des délais de paiement, qui fera l'objet de mesures inscrites dans le projet de loi sur la consommation début 2013 ; par la réforme de la fiscalité de l'épargne, qui favorisera, sans augmenter la dépense fiscale, la détention de long terme et les investissements en actions (cette réforme s'appuiera sur les conclusions de la mission confiée aux parlementaires Karine Berger et Dominique Lefebvre) et par le recentrage des banques sur leur coeur de métier, au service du financement de l'économie réelle, grâce à la prochaine loi bancaire. Accompagner la montée en gamme en stimulant l'innovation est également un objectif majeur. La France innove trop peu ; l'innovation doit être stimulée et mieux diffusée au sein des productions et des services. Il convient d'abord de rénover et de renforcer la politique de soutien à l'innovation au sein des entreprises. Dans le cadre d'une réforme du système de transfert de la recherche publique et de l'innovation, les dispositifs existants seront améliorés ; de nouveaux instruments de financement adaptés à l'ensemble des phases du processus d'innovation, des premiers tests à l'industrialisation et à la mise sur le marché, seront créés en s'appuyant sur les investissements d'avenir ; la diffusion des technologies et usages du numérique sera améliorée par la mise en place de nouvelles actions du Programme d'investissements d'avenir ; les pôles de compétitivité se concentreront sur le développement et la commercialisation de produits et l'impact économique des pôles de compétitivité sera maximisé pour davantage de croissance des entreprises et plus d'emplois (évaluation des projets sur leurs retombées économiques et diffusion des innovations dans les produits et services , forte implication des régions dans leur gouvernance, meilleure association des acteurs de la formation et de la recherche). Tous les pays qui ont su résister à la crise sont ceux qui ont su s'unir pour défendre leur industrie. Les entreprises en France doivent également s'unir pour produire ensemble. Notre tissu productif est partagé entre des grandes entreprises de dimension mondiale et de très nombreuses PME implantées partout sur le territoire. Nos entreprises doivent nouer davantage de partenariats pour faire émerger des ETI au sein des filières et mieux associer l'ensemble des composantes de l'entreprise à la mise en oeuvre de leurs stratégies. Pour cela, la Conférence nationale de l'industrie (CNI) sera refondée pour élaborer et mettre en oeuvre des pactes entre les entreprises d'une même filière. Cette stratégie de filières devra également se traduire au sein de la BPI, en mettant en place des dispositifs sectoriels bénéficiant directement aux entreprises, en particulier dans les filières prioritaires répondant aux défis de demain : technologies numériques et génériques, santé et économie du vivant, dont l'agroalimentaire, transition énergétique, sécurisation des informations et des transactions. Il s'agit, enfin, d'associer toutes les composantes de l'entreprise à sa stratégie en introduisant au moins deux représentants des salariés au sein du conseil d'administration ou de surveillance comme membres délibérants dans les grandes entreprises, selon des modalités à négocier par les partenaires sociaux. Les entreprises qui le souhaitent seront autorisées à faire présider le comité d'entreprise par un représentant des salariés. Par ailleurs, le Gouvernement soutiendra également le développement de l'entrepreneuriat au féminin. Le Gouvernement entend renforcer les conquêtes de nos entreprises à l'étranger et l'attractivité de notre pays. Il s'est fixé l'objectif d'atteindre l'équilibre commercial (hors énergie) en 2017, contre un déficit fin 2011 de plus de 25 milliards d'euros. Pour cela, il assurera un accompagnement personnalisé à l'international pour 1 000 ETI et PME de croissance dans le cadre de la BPI. Il permettra à nos entreprises de se battre à armes égales avec leurs concurrentes en les faisant bénéficier de dispositifs de financement export alignés sur les meilleures pratiques étrangères. Il développera le nombre de volontariat international en entreprise (VIE) de 25 % en trois ans et développera une stratégie en matière d'attractivité visant notamment à attirer les talents internationaux et les grands projets d'investissement. Une « marque France », référence fédératrice visant à promouvoir ce qui est fabriqué en France et l'excellence française, sera lancée et les atouts de nos infrastructures seront développés (déploiement du très haut débit numérique sur l'ensemble et maintien de la qualité et la performance de ses infrastructures de transport, et dans l'énergie). Ce redressement doit également offrir aux jeunes et aux salariés des formations tournées vers l'emploi et l'avenir. Il s'agit d'abord d'assurer une évaluation permanente de l'adaptation de l'offre des formations aux besoins de compétences des employeurs et d'amorcer dès 2013 la mise en place d'un nouveau service public de l'orientation, du secondaire au supérieur, fondé sur une approche « métiers-qualifications ». Dès 2013, 10 plateformes territoriales d'appui aux mutations seront créées. La place des entreprises au sein de l'enseignement technique et professionnel sera renforcée et l'embauche de jeunes en apprentissage dans les PME sera favorisée avec l'objectif de 500 000 apprentis en 2017. Une discussion des modalités de mise en place d'un compte individuel de formation attaché à la personne et non au statut sera proposée aux partenaires sociaux et la « mobilité internationale 2020 » (doubler le nombre d'étudiants français à l'étranger en ciblant les filières professionnelles et technologiques) sera engagée. La vie des entreprises sera facilitée en simplifiant et stabilisant leur environnement réglementaire et fiscal. Cinq dispositifs fiscaux importants pour l'investissement et la vie des entreprises : crédit d'impôt recherche (CIR), dispositifs favorisant la détention et la transmission d'entreprises (« pactes d'actionnaires »), jeunes entreprises innovantes (JEI), incitations aux investissements dans les PME, contribution économique territoriale (CET) seront stabilisés pendant les cinq années à venir. Cinq chantiers de simplification des démarches des entreprises seront engagés à court terme et, plus généralement, une démarche durable de simplification sera engagée, sous l'autorité du Premier ministre, associant étroitement les représentants de l'entreprise pour identifier, mettre en oeuvre et assurer le suivi de nouveaux chantiers de simplification. Enfin, un exercice de rationalisation des taxes affectées sera réalisé. Ensuite, l'action publique sera exemplaire et des réformes structurelles seront réalisées au service de la compétitivité. Il s'agit de redresser nos finances publiques pour assurer un environnement financier stable pour nos entreprises, de poursuivre et engager des réformes de structure, par exemple dans les transports, le logement, l'énergie, le fonctionnement des marchés de biens et services, et moderniser l'action publique (État, collectivités locales et sécurité sociale) pour accroître la qualité de l'environnement dans lequel évoluent nos entreprises et leurs salariés, libérer du pouvoir d'achat et renforcer la compétitivité de notre économie ; d'accompagner le développement des PME de croissance innovantes en mobilisant l'achat public ; de rénover le fonctionnement de la justice commerciale pour la rendre plus efficace ; de doter la France d'une nouvelle instance de dialogue, de réflexion prospective et d'expertise. Mais surtout, le Gouvernement mettra en place une nouvelle stratégie pour les filières industrielles. Cette stratégie doit permettre de construire la carte de la France productive des années 2020, en tirant le meilleur parti de ses atouts, avec un Etat partenaire des entreprises, au service d'une politique industrielle ambitieuse et rénovée. Installé le 5 février 2013, le nouveau Conseil national de l'industrie s'attachera à élaborer, avant la fin du premier semestre, des contrats partenariaux de filières. Incarnation d'une politique industrielle solidaire qui privilégie le « donnant-donnant », les contrats des douze filières industrielles actuelles comporteront des engagements réciproques de l'Etat et des industriels. Ce premier volet de la politique de filières vise à renforcer celles qui, comme l'automobile, connaissent actuellement des mutations fortes liées à la compétition mondiale ou aux évolutions technologiques, à maintenir et développer les filières essentielles où la France a des positions fortes comme les industries agroalimentaires, chimiques ou de la santé, et aussi à renforcer l'avance dont dispose le pays, dans des filières telles que le nucléaire et l'aéronautique, les éco-industries ou encore le secteur de la mode et du luxe. Le deuxième volet de la politique industrielle du Gouvernement consiste à faire émerger les filières de demain, celles qui vont employer de nouvelles compétences, relancer l'investissement et changer le visage de la France. Certains des défis auxquels les filières de demain doivent répondre sont déjà identifiés : transition énergétique et écologique, numérique, santé et alimentation, et sécurité. Pour ces filières, le Gouvernement organisera au premier semestre une consultation pour retenir les initiatives industrielles prioritaires pour le quinquennat. Il a d'ores et déjà annoncé le programme de la voiture propre, qu'elle soit électrique, hybride ou à très basse consommation (2 litres/100km). Enfin, le troisième volet de la politique industrielle de filières consiste à préparer l'industrie d'après-demain. La réorientation du programme d'investissements d'avenir permet le lancement, dans le cadre de la Banque publique d'investissement, d'un programme d'innovation de rupture. Au-delà, un comité issu des mondes de l'entreprise et de la recherche proposera au Gouvernement, en liaison avec le commissariat général à l'investissement, les technologies clés dans lesquelles il est essentiel d'investir dès aujourd'hui car elles constituent les outils dont la maîtrise permettra de fonder le renouveau productif de la France dans 15 ans et au-delà.
Auteur : M. Georges Ginesta
Type de question : Question écrite
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : Redressement productif
Ministère répondant : Redressement productif
Dates :
Question publiée le 10 juillet 2012
Réponse publiée le 19 février 2013