CEA
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la fermeture programmée du réacteur nucléaire Osiris. Implanté sur le site du Commissariat à l'énergie atomique de Saclay depuis 1966, cette infrastructure est principalement dédiée à la recherche sur les combustibles et les matériaux employés dans les centrales électronucléaires. Elle est également utilisée pour produire les radionucléides indispensables en médecine nucléaire, notamment le technétium 99m, isotope privilégié pour la réalisation d'examens scintigraphiques et la détection de certaines formes de cancers. L'Autorité de sûreté nucléaire a signifié à l'exploitant que le réacteur devrait être fermé en 2015 en raison de son ancienneté et pour des raisons de sécurité. Pour exemple, il n'existe pas de dôme au-dessus du réacteur pour prévenir une déficience des autres barrières de protection qui conduirait à la dissémination d'éléments radioactifs dans l'environnement. Cependant, cette décision risque d'aboutir à une pénurie de radionucléides dommageable pour la santé publique et les actions de prévention. Cette installation est actuellement à l'origine de 8 % de la production mondiale de technétium 99m. L'académie de médecine s'est elle-même inquiétée en février de ce danger, d'autant que plusieurs réacteurs dans le monde assurant l'approvisionnement en technétium 99m devraient être mis à l'arrêt ou en sommeil dans les années à venir et que la mise en service du réacteur Jules Horowitz construit par le CEA sur le site de Cadarache, initialement prévue en 2015, ne devrait pas intervenir avant au mieux 2018. Récemment, le physicien nucléaire Guy Turquet de Beauregard, président de l'association européenne de producteurs de moyens d'imagerie médicale et ancien conseiller technique en charge des nouvelles technologies auprès du Premier Ministre, signait une tribune dans le Monde, invitant à envisager sérieusement une prolongation de l'activité d'Osiris. Il lui demande ainsi les mesures que le Gouvernement entend prendre pour éviter une potentielle carence de radionucléides à usage médical.
Réponse publiée le 10 mars 2015
Les isotopes radioactifs ou radionucléides sont utilisés en médecine nucléaire pour diagnostiquer et, dans une moindre mesure, traiter différentes maladies. Actuellement, l'essentiel de l'activité diagnostique en médecine nucléaire repose sur deux techniques d'imagerie, la scintigraphie et la tomoscintigraphie par émission de positons (TEP), la plus récente et la plus performante des modalités d'imagerie médicale. Le technétium-99 métastable (99m Tc) est l'isotope le plus utilisé en médecine nucléaire pour les scintigraphies. La TEP n'en utilise pas. Concernant l'approvisionnement en 99mTc, le marché français actuel dépend déjà essentiellement de la production de cibles de 99Mo par le réacteur néerlandais de Petten (50 %) et le réacteur belge BR2 (30 %). L'approvisionnement en générateurs de 99Mo/99mTc repose ainsi sur un réseau robuste : les réacteurs HFR en Hollande, BR-2 en Belgique, LVR-15 en Tchéquie, Maria en Pologne, Safari en Afrique du Sud, OPAL en Australie. Concernant les arrêts programmés de réacteurs au cours des deux prochaines années, il peut être précisé que l'arrêt du réacteur NRU au Canada est prévu fin 2016, celui du réacteur français Osiris pour fin 2015 et le réacteur BR2 en Belgique qui devait débuter une maintenance importante en décembre 2014 pour une reprise en avril 2016. Le réacteur allemand FRM II, en service depuis 2004, devrait commencer à produire du 99Mo à compter de 2016 et pourrait satisfaire entre 25 % et 50 % des besoins européens en 99Mo. Aussi, la bonne coordination des arrêts programmés des réacteurs réalisée dès à présent par l'AIPES (association de producteurs qui assure la coordination des arrêts et maintenances des réacteurs) devrait permettre d'assurer une continuité d'approvisionnement satisfaisante. La « crise du 99mTc », survenue en 2008, puis de nouveau en 2010, avait été causée par l'arrêt simultané des deux principaux réacteurs producteurs de molybdène : NRU au Canada, qui représentait 43 % de la production mondiale, et le HFR en Hollande qui représentait 30 % de la production mondiale. Pendant six mois, de février à août 2010, l'approvisionnement mondial a été réduit de près de 73 %. Toutefois, la bonne coordination et la régulation entre les plannings de maintenance et la surcapacité de production des autres réacteurs ont permis de passer la période de pénurie sans réelle difficulté de prise en charge pour les patients dans les services de médecine nucléaire. Complémentairement, les autorités de santé avaient rapidement mis en place un dispositif pour assurer le maintien de la distribution du 99Mo/99mTc aux 220 centres de médecine nucléaire français, permettant de garantir les examens scintigraphiques urgents ou pour lesquels il n'existait pas d'alternative. L'analyse des données de disponibilité prévisible du 99mTc dans la période 2016-2018 montre qu'il ne devrait pas y avoir de tension sur l'approvisionnement en 99Mo/99mTc. En tout état de cause, la carence serait très certainement moindre qu'en 2008 et en 2010, du fait de l'arrivée en production du réacteur allemand FRM II et de la meilleure utilisation et optimisation de la ressource en 99mTc, grâce à l'expérience acquise et à des améliorations techniques (gamma-caméras dédiées à la scintigraphie du myocarde nécessitant une activité moindre de 99mTc). De plus, en cas de tension sur l'approvisionnement (moins de 50 % de la demande étant disponible), l'agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de la santé (ANSM) et la direction générale de la santé remettront en action le dispositif institué en 2008 puis 2010, ayant pour but de maintenir un approvisionnement pour les seuls examens scintigraphiques pour lesquels il n'existe pas de substitution, lesquels représentent actuellement 11 % des examens. L'anticipation d'une possible carence conduit en outre à favoriser dès maintenant la transition de la scintigraphie vers la TEP, dont les performances diagnostiques sont supérieures dans tous les cas où elle constitue une alternative.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Affaires sociales
Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes
Dates :
Question publiée le 5 août 2014
Réponse publiée le 10 mars 2015