Question de : M. Jacques Cresta
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jacques Cresta attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la recherche des meilleurs traitements anti-VIH et, en particulier, sur celle qui s'inscrit dans le protocole Iccarre (Intermittents en cycles courts, les antirétroviraux restent efficaces), démarré en 2003-2004. Alors qu'en France, toutes les cinq heures, près de trois personnes sont contaminées par le virus du sida, il n'existe toujours pas de traitement permettant d'en guérir. Néanmoins, la recherche contre le syndrome d'immunodéficience acquise a permis de travailler sur des traitements, comme les trithérapies rétrovirales, qui permettent de contenir l'action du virus avec plus ou moins d'efficacité. La plupart d'entre eux sont coûteux et associés à une posologie extrêmement lourde puisqu'en effet, les recommandations actuelles imposent des prises de chimiothérapies anti-VIH sept jours sur sept et ce, sans rémission. C'est pourquoi, afin de faciliter la vie des malades, un vacataire dans le service d'infectiologie de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches explore depuis plus de dix ans la possibilité de prise de trithérapies ou de quadrithérapies par intermittence. Ses recherches l'ont effectivement conduit à vérifier que l'efficacité du traitement restait entière avec des prises réduites à quatre par semaine, voire trois ou deux seulement. Ainsi, aujourd'hui, une centaine de patients suivent ce programme parmi lesquels une soixantaine a pu réduire les jours de prises d'antiviraux à deux par semaine et quelques autres à un à chaque début de semaine. Ce protocole a en outre permis à sept couples de concevoir sans protection dix bébés sans contaminer ni l'enfant ni le parent séronégatif. Alors que les recherches sur le protocole Iccarre révèlent qu'il simplifie le traitement médical des malades en en réduisant également le coût, l'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) tarde à rendre ses conclusions sur ce programme. Pourtant les chercheurs qui ont travaillé dessus affirment avec un recul de quatre ans et demi sur près de cent patients, que ce protocole aurait assez de données pour bénéficier d'une « recommandation temporaire de prescription hors autorisation de mise sur le marché », un acte d'autorité qui lèverait l'inhibition actuelle des prescripteurs. De surcroît, la centaine de patients traités sous Iccarre aura fait en dix ans économiser quelques trois millions d'euros à la sécurité sociale, laissant espérer de substantielles économies possibles à l'assurance maladie sur plus long terme. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement entend soutenir ce protocole en vue de sa généralisation.

Réponse publiée le 12 mai 2015

Le traitement de référence de l'infection à VIH repose sur l'administration quotidienne d'une multithérapie antirétrovirale, conformément aux recommandations thérapeutiques nationales et internationales. Compte tenu des contraintes de ce traitement quotidien (prises de plusieurs antirétroviraux, effets secondaires...), des stratégies d'allégement thérapeutique, une fois la charge virale devenue durablement indétectable, sont explorées. Elles consistent soit en un allégement du traitement en conservant une administration quotidienne, soit en un allégement de la fréquence des prises de la multithérapie. Si les bénéfices attendus en termes de réduction des effets indésirables, d'amélioration de la qualité de vie pour les patients et de réduction des coûts pour la collectivité sont admis, les données disponibles à ce stade sont encourageantes mais restent limitées pour garantir un même niveau de contrôle virologique par rapport au traitement de référence. Par ailleurs, plusieurs questions sont soulevées, notamment, quels patients seraient éligibles parmi les patients en succès virologique, quels antirétroviraux seraient les plus adaptés et selon quel schéma. De plus, il est difficile d'apprécier le potentiel impact d'un allégement thérapeutique en termes de transmission secondaire de l'infection à VIH, la réduction de ce risque étant un des objectifs reconnus du traitement antirétroviral. Ainsi, à ce jour, il n'existe pas de consensus scientifique sur une telle démarche thérapeutique. Un essai ANRS 4D, d'une durée estimée à deux ans, a été lancé en avril 2014 afin d'évaluer l'efficacité d'une réduction de prise d'antirétroviraux à quatre jours par semaine. Cet essai permet à une centaine de patients de bénéficier d'un allègement thérapeutique selon des modalités encadrées. Cependant, afin que plus de patients puissent en bénéficier, les médecins de l'hôpital Raymond-Poincaré et le représentant de l'association les Amis d'ICCARRE ont souhaité rencontrer l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au sujet de la faisabilité de la mise en place d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Le 27 janvier 2015, le Dr Leibowitch, concepteur scientifique de l'essai clinique ANRS 4D, le Pr Christian Perronne et le Pr Jean-Claude Melchior, infectiologues de l'hôpital de Garches, ainsi que M. Richard Cross, président de l'association ICCARRE, ont été reçus à l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Cette réunion s'est conclue, compte tenu de l'absence de consensus scientifique et de la nécessité de consolider le niveau de démonstration, sur le constat qu'une RTU n'était pas envisageable, mais que la mise en place d'un essai clinique de type large cohorte devrait être envisagée. Elle permettrait tout à la fois un encadrement des patients recevant un allégement thérapeutique et une consolidation des données scientifiques, avec une bonne représentativité de différents types de multithérapie notamment. Il est prévu que l'équipe médicale du protocole ICCARRE recherche un promoteur afin que ce projet d'étude de cohorte puisse être réalisé. L'ANSM a assuré l'équipe de son soutien, dans le cadre de son champ de compétence, sur les futures démarches à mettre en place. Une des difficultés à lever est la prise en charge du coût des traitements, dans le cadre de l'essai, par un futur promoteur institutionnel.

Données clés

Auteur : M. Jacques Cresta

Type de question : Question écrite

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Dates :
Question publiée le 23 septembre 2014
Réponse publiée le 12 mai 2015

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