politique de l'éducation
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron alerte M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les difficultés rencontrées par les jeunes immigrés ou descendants d'immigrés en matière d'insertion sur le marché du travail, particulièrement lorsqu'ils résident en zone urbaine sensible (ZUS). La Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) vient de publier l'enquête trajectoires et origines (TeO), qui tente d'évaluer dans quelle mesure l'origine culturelle ou sociale est « facteur d'inégalité ou de spécificité dans l'accès aux différentes ressources de la vie sociale » (INSEE). Selon cette enquête, réalisée en 2008, les jeunes âgés de 18 à 29 ans immigrés (c'est-à-dire nés à l'étranger de parents étrangers) ou descendants d'immigrés (c'est-à-dire nés en France et ayant au moins un parent immigré) rencontrent à la fin de leurs études davantage de difficultés dans leur insertion professionnelle que les autres. Ils obtiennent moins souvent un emploi durable (d'au moins un an en continu) et alternent plus fréquemment entre des périodes d'emploi, de chômage et d'inactivité. Ainsi, alors que les personnes non issues de l'immigration ont passé depuis la fin de leurs études près de 77 % de leur temps en emploi de façon continue, ce n'est le cas que de 68 % des descendants d'immigrés et de 69 % des immigrés. L'enquête pointe aussi le fait que ces difficultés d'insertion sont accentuées pour les jeunes immigrés et descendants d'immigrés qui résident en ZUS, particulièrement lorsque ce sont des femmes, qui sont les plus touchées par l'inactivité durable (en moyenne 20 % des immigrées et 13 % pour les descendantes d'immigrés contre 8 % des femmes non issues de l'immigration). En outre, un sentiment d'injustice s'exprime chez les jeunes des ZUS qui déclarent plus fréquemment avoir subi au cours des cinq dernières années précédant l'enquête des discriminations liées à l'emploi et s'estiment victimes de comportements arbitraires (refus d'embauche, refus de promotion ou licenciement). 18 % des jeunes immigrés et 20 % des jeunes descendants d'immigrés déclarent en effet avoir subi une discrimination liée à l'emploi au cours des cinq dernières années, contre 12 % des jeunes non issus de l'immigration. Cette enquête TeO 2008, en apportant la preuve chiffrée de la difficile insertion professionnelle des jeunes immigrés et descendants d'immigrés et/ou résidents en ZUS, ainsi que de la généralisation du sentiment de discrimination liée à l'emploi, conforte l'idée selon laquelle davantage de moyens humains et financiers doivent être donnés aux services de proximité des quartiers confrontés à des difficultés sociales et économiques pour mieux accompagner ces jeunes. La loi pour la refondation de l'école ayant pour objectif de ramener à moins de 10 % les écarts de réussite scolaire entre les élèves de l'éducation prioritaire (ZEP) et les autres élèves, il l'invite à préciser les moyens mis en oeuvre pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes des zones urbaines sensibles, notamment les jeunes immigrés et descendants d'immigrés.
Réponse publiée le 7 avril 2015
Les personnes immigrées et descendantes d'immigrés sont beaucoup plus souvent au chômage que ce que laisseraient penser leurs autres caractéristiques (âge, diplôme), malgré un comportement de recherche d'emploi similaire à celui de la population majoritaire. Cet état de fait laisse penser qu'il existe, directement ou indirectement, des comportements discriminatoires dans les pratiques de recrutement. De fait, 25 % des jeunes issus de l'immigration interrogés 3 ans après leur sortie de formation initiale estiment avoir été victimes au moins une fois de discrimination à l'embauche, contre 10 % pour les jeunes dont les parents sont français. Pour faire face à cet état de fait, de nombreuses chartes et des campagnes visant à sensibiliser les entreprises aux enjeux de discrimination à l'embauche ont été déployées, notamment au travers de la Charte pour la diversité. Le Label diversité, créé en 2008, permet également d'encourager les grandes entreprises et institutions dans leur démarche de promotion des bonnes pratiques de recrutement, d'évolution professionnelle et de gestion des ressources humaines. D'autres outils ont été mis en place par le service public de l'emploi, cherchant non pas uniquement à contourner l'usage par les employeurs de critères discriminatoires, mais plus généralement à limiter la sélectivité du marché du travail. La méthode de recrutement par simulation, inventée par Pôle emploi, permet de remplacer l'étape du curriculum vitae par des tests d'habiletés cohérents par rapport aux postes qui seront effectivement occupés par les personnes. Des évaluations qualitatives de la méthode ont conclu à son utilité pour dépasser les critères formels de recrutement et donc sa capacité à limiter les mécanismes discriminatoires. Dans la même optique, la méthode IOD (Intermédiation offre / demande), inventée au début des années 1990, permet de concilier in situ les qualités d'un candidat et les compétences requises par le poste de travail, au moment du recrutement, mais également dans la phase d'intégration dans l'emploi. Les « médiations actives », comme la période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP), permettent en outre de dépasser les critères de sélectivité en favorisant les rencontres entre employeurs et personnes à la recherche d'un emploi. Les personnes mal signalées du fait de leurs origines ou de leur parcours antérieur peuvent ainsi montrer in situ leurs capacités. Si elles ne débouchent pas toujours sur une embauche chez l'employeur d'accueil, ces périodes peuvent servir de point d'appui à la construction du parcours. Afin d'aller plus avant dans la lutte contre les discriminations en entreprise, un groupe de travail, annoncé lors de la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet 2014, réunit depuis octobre 2014 les partenaires sociaux, les principales associations de lutte contre les discriminations, les acteurs de l'accès à l'emploi et les ministres concernés. Les travaux de ce groupe sont orientés dans deux directions : l'identification des voies de progrès pour lutter contre les discriminations collectives dans le monde du travail d'une part, et l'examen des mesures nécessaires pour promouvoir les méthodes de recrutement non discriminantes d'autre part. Il rendra ses conclusions en avril 2015.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Dates :
Question publiée le 7 octobre 2014
Réponse publiée le 7 avril 2015