indemnités journalières
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur la question de la réintroduction de la journée de carence dans la fonction publique. Instaurée par l'article 105 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, cette mesure de non-indemnisation en cas d'arrêt maladie avait été présentée par l'ancienne majorité comme un acte d'équité à l'égard des salariés du secteur privé. Or, comme il le notait déjà dans une question écrite en octobre 2012, de nombreux accords d'entreprises et conventions collectives permettent à une large majorité des salariés du secteur privé de ne pas être assujettie au jour de carence. Dans un rapport, le député Pascal Terrasse, a ainsi démontré que plus des trois quarts des salariés du privé étaient couverts pour leurs trois jours de carence et que les absences dans le secteur privé étaient identiques à celles dans le public. Par ailleurs, comme l'a remarqué Mme la ministre, la mesure n'a pas eu l'effet annoncé par la précédente majorité en ne faisant globalement pas diminuer le nombre de jours d'absence chez les fonctionnaires, voire en entraînant des arrêts de travail plus longs. En outre, les économies réalisées auraient été de 60 millions, soit moitié moindres que prévues. C'est pour toutes ces raisons que ce dispositif avait été supprimé par la majorité parlementaire en novembre 2013, sur proposition du gouvernement Ayrault. Cette suppression était devenue effective au 1e janvier 2014. Or, dans son rapport pour avis au projet de loi de finances pour 2015, le député radical Alain Tourret, qui pointe le coût considérable de l'absentéisme dans la fonction publique, préconise la réintroduction de la journée de carence. Dans la droite ligne de ce rapport, la commission des finances du Sénat a adopté plusieurs amendements au PLF 2015 prévoyant notamment l'instauration de trois jours de carence pour les fonctionnaires, ainsi que la réduction des montants consacrés au « glissement vieillesse technicité ». Il s'inquiète de cette nouvelle remise en cause des droits des fonctionnaires, et souhaite que le Gouvernement réaffirme solennellement son intention de ne pas revenir en arrière sur la journée de carence dans la fonction publique.
Réponse publiée le 16 août 2016
La mise en place d'un jour de carence dans la fonction publique a constitué une mesure inéquitable et inefficace. Des mesures alternatives de contrôle des arrêts de travail et de prise en compte de l'impact des conditions de travail ont ainsi été privilégiées. Instauré par l'article 105 de la loi no 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, le jour de carence pour les fonctionnaires représentait une iniquité de traitement entre la fonction publique et le secteur privé. En effet, les salariés du secteur privé bénéficient, dans une très large mesure, d'une neutralisation de ce dispositif, soit par l'effet des conventions collectives, soit par l'effet de la prévoyance complémentaire d'entreprise. Selon un rapport de l'institut de recherche et documentation en économie de la santé, 64 % des salariés et 75 % de ceux relevant d'entreprises de plus de 250 salariés bénéficient d'une couverture complémentaire aux prestations du régime de base obligatoire prévoyant, sur la base de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, la neutralisation du délai de carence. Il serait donc logique d'introduire un dispositif de compensation du jour de carence par les complémentaires-santé dans la fonction publique, ce qui nécessiterait la mise en place de contrats collectifs obligatoires pour le prendre en charge. Le coût ainsi induit par l'introduction d'un tel dispositif serait nettement plus élevé que le gain escompté par l'instauration d'un ou de trois jours de carence. En tout état de cause, l'instauration du délai de carence n'a pas eu les effets escomptés en matière de réduction de l'absentéisme pour raison de santé. Les résultats de l'enquête "emploi" (institut national de la statistique et des études économiques - INSEE) ne mettent pas en évidence de recul significatif généralisé des absences de courte durée pour raison de santé entre 2011 et 2012 dans les trois versants de la fonction publique. Tous versants confondus, la proportion d'agents absents sur une courte durée pour raison de santé est restée stable à 1 %. A contrario, les études mettent en évidence une augmentation du nombre d'arrêts d'une durée supérieure à quatre jours. Cela traduit un changement des comportements d'absence pour raison de santé, notamment une tendance à la présence au travail des agents malades, retardant ainsi la prise en charge médicale comportant un risque d'aggravation des pathologies avec prescription d'arrêts de maladie de plus longue durée. Dans une récente étude de janvier 2015, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) évalue l'effet incitatif du délai de carence sur le recours aux arrêts maladie des salariés du secteur privé. Selon les résultats de cette analyse, les salariés bénéficiant d'une couverture prenant en charge le délai de carence n'ont pas de probabilité plus élevée d'avoir un arrêt dans l'année que ceux qui n'en bénéficient pas. La DREES remarque, a contrario, que les durées totales d'arrêts maladie sont significativement plus courtes lorsque le délai de carence est pris en charge. Cette étude a mis en évidence le rôle prépondérant des conditions de travail dans le recours des salariés aux arrêts de travail. Par ailleurs, une étude de l'INSEE, de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) sur les absences au travail, pour raison de santé en 2011 et 2012, démontre que l'absentéisme pour maladie des fonctionnaires et des salariés du privé en contrat à durée indéterminé (CDI) est similaire (3,8 % d'agents publics absents pour raison de santé en 2012 contre 3,6 %). Ainsi, à un mécanisme frappant sans discernement toutes les absences pour raison de santé, le Gouvernement privilégie la mise en place d'un mécanisme de nature à faciliter le contrôle du bien fondé des arrêts de travail courts pour maladie ordinaire. D'une part, s'inspirant des dispositifs existants dans le cadre du régime général, l'article 126 de la loi de finances pour 2014 a instauré un dispositif visant à raccourcir les délais de transmission des arrêts de maladie aux services gestionnaires afin de renforcer le contrôle de leur bien-fondé. Ainsi, les fonctionnaires qui ne respectent pas l'obligation qui leur est désormais faite de transmettre leur certificat d'arrêt de travail dans le délai de 48 heures à compter du premier jour d'arrêt sont désormais sanctionnés. Le décret no 2014-1133 du 3 octobre 2014 relatif à la procédure de contrôle des arrêts de maladie des fonctionnaires pris en application de cette mesure a été publié au Journal officiel de la République française le 5 octobre 2014. D'autre part, l'expérimentation, initiée en 2010, délégant le contrôle des arrêts maladie de certains fonctionnaires aux services de l'assurance maladie a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2018 inclus par l'article 147 de la loi de finances pour 2016. Cette prolongation permettra de statuer définitivement sur la pertinence du dispositif expérimental. Enfin, l'amélioration des conditions de travail est le seul vecteur pertinent pour faire baisser les arrêts maladie. En effet, l'effet des conditions de travail sur le recours aux arrêts maladie est important en matière d'absence pour raison de santé. L'étude précédemment citée de la DREES met en évidence que l'impact des conditions de travail sur le recours aux arrêts maladie est plus important que l'effet de la perte de salaire induite par le délai de carence. Le dossier spécial publié dans le rapport annuel sur l'état de la fonction publique (Faits et chiffres - édition 2015) établit également un lien entre les absences pour raison de santé et l'exposition forte à des risques professionnels ou psychosociaux. À cette fin, la fonction publique mène une politique volontariste d'amélioration des conditions de travail qui est le levier à privilégier. La signature, le 22 octobre 2013, du protocole d'accord relatif à la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique et la concertation en cours sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique concourent à cette politique.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Assurance maladie maternité : prestations
Ministère interrogé : Décentralisation et fonction publique
Ministère répondant : Fonction publique
Dates :
Question publiée le 2 décembre 2014
Réponse publiée le 16 août 2016