agrocarburants
Question de :
Mme Marie-Christine Dalloz
Jura (2e circonscription) - Les Républicains
Mme Marie-Christine Dalloz attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les impacts des politiques de soutien aux agrocarburants. Les différentes mesures mises en œuvre depuis des années ont des conséquences très fortes sur le droit à l'alimentation des populations du sud et contribuent à la volatilité des prix des denrées alimentaires, ainsi qu'au phénomène d'accaparement des terres. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement compte supprimer, d'une part, les objectifs d'incorporation d'énergie renouvelable dans le secteur des transports au niveau européen et renoncer à en définir de nouveaux tant que la recherche ne propose pas d'agrocarburants sans impact environnemental et social et, d'autre part, si elle envisage également de supprimer les subventions et les avantages fiscaux accordés aux entreprises françaises distributrices de carburant, qui encouragent la production d'agrocarburants.
Réponse publiée le 17 juin 2014
La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et la directive 2009/30/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et au gazole ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, prévoient notamment : - l'instauration d'un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre produites sur l'ensemble du cycle de vie des carburants de 10 % en 2020. - l'instauration d'un objectif d'utilisation d'énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de 23 % et 10 % dans le secteur des transports en 2020 ; En France, le Plan national d'action en faveur des énergies renouvelables prévoit que les biocarburants apporteront la contribution la plus importante à l'objectif européen de 10 % d'énergies renouvelables dans les transports à l'horizon 2020. En effet, les alternatives, comme la pile à combustible ou le véhicule électrique, ne seront pas en mesure de contribuer significativement à cet objectif à court terme, en raison du stade trop peu avancé de leur développement. Pour cela, le Plan national d'action a fixé des objectifs ambitieux d'incorporation de biocarburants dans les carburants traditionnels d'origine fossile de 2005 à 2010. L'objectif d'incorporation de 5,75 % en énergie de biocarburants dans les carburants traditionnels d'origine fossile, initialement prévu pour 2010 par la directive européenne 2003/30/CE, a été avancé à 2008 et porté à 7 % en énergie pour 2010. Dans son rapport sur la politique d'aide aux biocarburants en date de janvier 2012, la Cour des comptes propose de poursuivre le soutien à la production et à la consommation de biocarburants en redéfinissant de façon plus réaliste les cibles françaises d'incorporation de biocarburants. Ainsi, le Gouvernement ne prévoit pas de modifier l'objectif actuel. Lors de la conférence environnementale pour la transition écologique qui s'est tenue les 14 et 15 septembre 2012, le Gouvernement a annoncé que l'objectif d'incorporation des biocarburants issus de matières premières également destinées à l'alimentation humaine resterait plafonné à 7 %. Pour ce faire, le Gouvernement a décidé en décembre 2013 de relever l'objectif de la filière gazole à 7,7 % en réservant une part de 0,7 % pour les biocarburants avancés. Cela permettra de ne pas mettre en péril une filière indispensable à la transition énergétique, et dont les débouchés industriels sont intéressants pour la France, tout en tenant compte de ses impacts sur le prix des matières premières alimentaires. Après l'atteinte de cet objectif dans chacune des filières, les objectifs devraient être relevés progressivement avec le concours des biocarburants issus de déchets ou de résidus puis avec les biocarburants avancés. Pour cela, le gouvernement a engagé des actions volontaristes. La recherche sur les biocarburants de deuxième et troisième génération est privilégiée parallèlement aux filières actuelles. En effet, les limites physiques et économiques de production des biocarburants de première génération, notamment en matière de rendement à l'hectare et de protection des débouchés alimentaires, conduisent les pouvoirs publics à soutenir la recherche et le développement sur les biocarburants avancés de deuxième et troisième génération. Les biocarburants de 2e génération utilisent l'intégralité de la lignocellulose des plantes ou de la biomasse (bois, paille, résidus agricoles et forestiers et cultures dédiées). Ces cultures dédiées n'entreront plus en concurrence directe avec les cultures vivrières. Les biocarburants de 3e génération sont issus des algues cultivées soit en milieu ouvert, soit en bioréacteur. Ces filières du futur se développent avec de nouveaux procédés industriels utilisant des sources de biomasse non destinées à l'alimentation humaine ou animale. Les biocarburants avancés n'ont pas encore atteint le stade industriel et sont encore au stade de la recherche et du développement. En France, les premières productions industrielles sont escomptées un peu avant la fin de la décennie. Par ailleurs, les directives 2009/28/CE et 2009/30/CE sus-citées instaurent des critères conformes aux exigences du développement durable, dénommés « critères de durabilité ». Seuls les biocarburants et les bioliquides qui respectent ces critères pourront être pris en compte pour l'atteinte des objectifs susmentionnés et déterminer l'admissibilité à une aide financière pour leur consommation. Ces critères sont de deux ordres : - critères qualitatifs : les biocarburants et les bioliquides ne doivent pas être produits à partir de terres riches en biodiversité (forêts primaires, prairies naturelles...) et de terres présentant un important stock de carbone (zones humides, zones forestières continues...) ; - critères quantitatifs : les biocarburants et les bioliquides doivent permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre (du puits à la roue), d'au moins 35 % par rapport aux énergies fossiles. , pourcentage porté à 50 % en 2017. Ces critères de durabilité s'appliquent aux biocarburants consommés dans l'Union européenne ( indépendamment du fait que les matières premières utilisées ont été cultivées sur ou en dehors du territoire national) et à toutes les filières. Ce régime de durabilité constitue, au niveau mondial, le programme de viabilité le plus complet et le plus à la pointe afin d'éviter les effets secondaires négatifs de la production de biocarburants. A ce jour, l'ensemble de ces mesures a été transposé en France. En outre, la Commission européenne travaille actuellement sur la mise à jour de ces directives, afin d'intégrer les effets du changement d'affectation des sols (CAS). L'une des mesures envisagées par la Commission à l'heure actuelle consiste à limiter la part des biocarburants issus de matières premières alimentaires. En ce qui concerne la fiscalité liée aux biocarburants, jusqu'à la fin 2004, le principal outil incitatif mis en place pour atteindre les objectifs d'incorporation de biocarburants dans les carburants traditionnels d'origine fossile était la défiscalisation. En effet, la directive 2003/96/CE relative à la taxation de l'énergie prévoit la possibilité pour les États Membres d'appliquer un taux d'accises réduit sur certaines huiles minérales (carburants) qui contiennent des biocarburants et sur les biocarburants. Cette défiscalisation ne s'applique qu'aux biocarburants issus des unités de production agréées qui permettent d'assurer une traçabilité des produits et de garantir leur qualité. Cette mesure fiscale prévoit que ces biocarburants peuvent bénéficier d'une exonération partielle de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dans la limite des volumes agréés. Aujourd'hui, la Taxe générale sur les activités polluantes, mise en place en 2005, est devenu la principale mesure incitative. En effet, cette taxe, qui pénalise les opérateurs pétroliers qui n'atteignent pas les objectifs d'incorporation de 7 %, est très efficace. Cela permet de réduire progressivement les taux de défiscalisation. L'article 16 de la loi de finances pour 2009 prévoit ainsi une diminution progressive de la défiscalisation accordée aux biocarburants. Cette défiscalisation maintient un avantage concurrentiel pour les biocarburants tout en allégeant sa charge sur les finances publiques. Après une diminution régulière, les taux de défiscalisation des biocarburants ont été stabilisés à partir de 2011. Afin de poursuivre le soutien aux investissements réalisés, le Gouvernement a annoncé lors de la conférence environnementale le lancement d'un nouvel appel d'offre pour la délivrance d'agréments d'unités de production de biocarburants pour des quantités à mettre à la consommation sur le territoire français. Ces agréments d'une durée de 3 ans, 2 ans et 1 an ouvriront droit à une réduction de la TICPE avec des taux prévus à la baisse à partir de 2014. La poursuite jusqu'à fin 2015 de ce système d'agréments des unités de production de biocarburants permettra à cette filière d'atteindre une maturité industrielle en améliorant sa compétitivité. D'ici fin 2015, et non 2018 comme le prévoyait initialement les textes européens, la réduction de TICPE pour les biocarburants de première génération sera supprimée.
Auteur : Mme Marie-Christine Dalloz
Type de question : Question écrite
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie
Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie
Dates :
Question publiée le 16 octobre 2012
Réponse publiée le 17 juin 2014